La ménopause : du bouleversement à la libération

C'est une étape de leur vie à laquelle les femmes ne sont guère préparées. Alors quand les premiers signes apparaissent, elles subissent, sans trop savoir à quoi s'attendre. Pourquoi se résigner ? Des solutions existent pour prévenir, atténuer et gérer les effets de la ménopause. Rencontre avec Brigitte Carrère, co-autrice de Toi et moi on s'explique. La ménopause.
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femme libération ménopause
Détail de la couverture de Toi et Moi on s'explique. La Ménopause (Bamboo Editions)
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pioche ta ménopause
Dessin de PrincessH pour Toi et Moi on s'explique - La Ménopause (Bamboo Editions)

Cela peut commencer par des coups de chaleur, un peu comme des accès de fièvre ; il y a aussi la peau qui se dessèche, et puis ces irrépressibles coups de cafard, décuplés par la fatigue qui s'accumule après des heures d'insomnie... Un cercle vicieux d'irritabilité, d'angoisse et de fatigue risque de s'installer, pénible à vivre, voire très mal vécu par la principale intéressée, mais aussi par son entourage.

Défaut d'anticipation, omerta autour de ce que nos aïeux appelaient le "retour d'âge", compréhension trop vague des bouleversements physiologiques qui accompagnent la fin des cycles menstruels... On a tôt fait de se laisser dépasser et submerger par les problèmes. D'autant que la ménopause est encore un sujet qui suscite un certain malaise, chargé de clichés et d'idées reçues. On en parle pas, ou du moins pas comme d'un phénomène naturel qui concerne toutes les femmes. 

Il est vrai qu'à une époque pas très reculée, rares étaient les femmes qui vivaient au-delà de la soixantaine. Et celles qui avaient la chance de vieillir, de passer le cap de la ménopause, étaient, dans les sociétés occidentales, mises au rebus - "ce qui n'est pas le cas dans d'autres cultures, précise Brigitte Carrère, co-autrice de Toi et moi on s'explique. La ménopause. De fait, dans certaines sociétés traditionnelles, africaines, asiatiques ou indiennes, la ménopause n’est pas pensée comme une déficience, mais comme un accroissement des pouvoirs de ces femmes qui ont gagné l'aura de la sagesse et de la lucidité. Il est vrai que certaines populations sont moins sensibles aux effets les plus gênants de la ménopause, comme les bouffées de chaleur : "Les femmes asiatiques sont particulièrement épargnées, par exempleOn pense que ça doit être inscrit au niveau d'un gène, même s'il n'existe pas encore de recherches sur le sujet", explique Brigitte Carrère.

18 octobre : Journée mondiale de la ménopause

journée mondiale ménopause

Selon l’Organisation Mondiale de la Santé, 1,2 milliard de femmes seront âgées de 50 ans ou plus en 2030 et un nombre croissant de ces femmes peut s’attendre à vivre plusieurs décennies après la ménopause. Une évolution qui entraîne une augmentation spectaculaire de l’incidence des maladies et des affections qui peuvent être associées à la perte d’œstrogènes au milieu de la vie. Avec cette Journée Mondiale de la Ménopause, l’International Menopause Society (IMS) presse les nations de prendre des mesures actives pour éduquer les femmes concernant les implications de la ménopause pour la santé.

Avec la longévité qui augmente, de plus en plus de femmes, aujourd'hui, vivent plus longtemps ménopausées que fertiles. En 2020, une femme peut vivre trente, ou même quarante ans, ménopausée. C'est un processus naturel qui concerne environ 11 millions de personnes en France, sans compter quelque 500 000 femmes en préménopause. Si elle est devenue une grande partie de la vie, la ménopause n'en est pas bienvenue pour autant, car elle nous vient rappeler le temps qui passe et l'inéluctable vieillissement, honteux dans une société qui cultive le jeunisme. Ainsi cette étape de la vie des femmes a-t-elle longtemps été vécue comme une fatalité, une punition, avec son cortège de désagréments... Le tabou s'est installé.

D'où ce titre en forme de réglement de compte, Toi et Moi on s'explique. La Ménopause, premier cahier d'une série consacrée aux femmes de plus de 45 ans et aux thèmes qui les concernent spécifiquement, comme la ménopause, mais aussi le "syndrome du nid vide".

rien ne va
Dessin de PrincessH pour Toi et Moi on s'explique - La Ménopause (Bamboo Editions)

Conçu comme un "guide pratique", Toi et Moi on s'explique. La Ménopause aborde le sujet de façon exhaustive, éclairée et dédramatisée, voire humoristique, à travers l'explication des phénomènes physiques et physiologiques, des témoignages vécus, des illustrations, des avis d'expert et des conseils de spécialistes sur tous les aspects de cette phase de transition, toutes les parties du corps et les sphères de la vie concernées - bouffées de chaleur, relations sociales, amour, os, coeur et muscles, évolution du corps, cheveux et peau... Car avec l'arrêt des cycles reproductifs, c'est toute la physiologie du corps féminin qui évolue. "C'est un thème peu vu dans la littérature, ou alors traité de façon didactique, qui ne donne pas forcément envie d'aller plus loin. Validé par des spécialistes, ce guide veut donner des explications, des conseils sur un mode ludique et vivant pour bien vivre la ménopause. Aujourd'hui qu'une femme peut vivre aussi longtemps non fertile que fertile, pas question de baisser les bras et d'arrêter de vivre", explique Brigitte Carrère.

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Brigitte Carrère, Charlotte Attry, PrincessH : les trois autrices du livre Toi et Moi on s'explique - La Ménopause (Bamboo Editions).

Une femme avertie...

La plupart des Françaises ont leur ménopause entre 50 et 51 ans. Il y a toutefois de grandes variations : 10 à 15% des femmes seront ménopausées entre 40 et 45 ans, et la moitié avant 50 ans. La très grande majorité des femmes de 55 ans ont la ménopause derrière elles.

"Flippant", "surnaturel", "violent", "panique"... Ainsi les femmes que la ménopause a prises par surprise décrivent-elles ce qu'elles ont ressenti dans le documentaire Ménopausées. Pour éviter cet effet de sidération, pour prévenir et anticiper les désagréments de la cinquantaine, pas de secret : il faut comprendre, puis il faut agir. Or il existe peu d'informations sur ce sujet, ou elles sont trop parcellaires et pointues pour permettre d'éclairer le chemin vers la ménopause. D'autant que même dans la sphère intime, la parole est bridée : "Ma mère ne m'en a jamais parlé, mes tantes non plus", remarque Brigitte Carrère.

Agir avant qu'il ne soit trop tard

osteoporose
Chiffres publiés sur le site de la Journée mondiale contre l'ostéoporose.
Les médecins eux-mêmes, à commencer par les gynécologues, n'anticipent que rarement les problèmes qui peuvent survenir avec la ménopause, comme l'ostéoporose ou la sarcopénie, qui provoquent l'une une fragilisation des os et l'autre une perte musculaire. En général, les troubles de la ménopause n'entrent dans le tableau médical que lorsqu'il y a un accident, une fracture, par exemple, et qu'il est déjà trop tard. Hier encore, combien de femmes se voyaient entravées dans leurs activités du jour au lendemain à cause d'une fracture du col du fémur ? "Combien de médecins prennent le problème de front et vous disent : "Voilà, vous arrivez à la cinquantaine, il est temps de faire le point sur certaines choses, explique Brigitte Carrère. L'ostéoporose, surtout, contrairement aux bouffées de chaleur, peut progresser de façon invisible. A l'origine de graves fractures, elle devrait être systématiquement dépistée par les médecins."

Pour comprendre et agir au lieu de subir. Pour se prendre en charge de façon ciblée et efficace, il est utile d'avoir une vision globale d'un problème, même si elle est schématisée. Ainsi les autrices de Toi et Moi on s'explique. La Ménopause se sont-elles emparées du sujet : "Comme il n'existait pas grand-chose d'accessible sur ce thème, nous avons enquêté aux niveaux scientifique et social pour essayer d'en brosser une vue d'ensemble, afin d'accompagner les femmes de façon sympathique et dédramatisée."

Pas question de retourner à la vie d'avant, pourtant. Une femme n'a pas les mêmes envies à la cinquantaine qu'à 30 ou 40 ans. Il s'agit davantage d'un apprentissage de la vie "non fertile" et de savoir domestiquer les effets de la transition : "Ce sont souvent des signes de vieillesse, tout simplement, qui évoluent plus brusquement à la ménopause du fait du bouleversement hormonal", explique Brigite Carrère.

Des ressentis différents

Les manifestations de la ménopause varient grandement d'une femme à l'autre en fonction de son hérédité, de son environnement, de son état d'esprit et de son ethnie, entre autres. Ces fameuses bouffées de chaleur, par exemple, dont on parle tant, et auxquelles on doit l'image caricaturale de la femme à qui le "retour d'âge" donne des vapeurs, ne sont pas systématiques : "30 % des femmes ne ressentent pas de bouffées de chaleur, précise Brigitte Carrère. Certaines en souffrent fortement pendant des années, d'autres en ont quelques mois, puis c'est terminé, même si parfois ça recommence. Certaines n'en ont pas ou presque pas. Beaucoup de femmes font état de sueurs nocturnes, qui ne sont autres que des bouffées de chaleur la nuit, mais qui dégradent la qualité du sommeil et qui ont des répercussions sur la vie sociale et affective".

Des traitements différents

Afin d'atténuer les effets gênants de la ménopause, plusieurs traitements naturels peuvent être utiles - huiles essentielles, compléments alimentaires (magnésium), plantes (sauge), homéopathie, acupuncture... S'ils se révêlent insuffisants, il reste possible de "tricher" avec la nature et d'apporter artificiellement à l'organisme les hormones qu'il ne produit plus.

Les "THS", traitement hormonal de substitution, et "THM", traitement hormonal de la ménopause, ne peuvent être pris que sous contrôle médical, lorsque les troubles liés à la ménopause deviennent handicapants au quotidien. Ils sont donc le fruit d'une réflexion menée avec le médecin et d'un choix personnel. Le THS est destiné aux femmes qui ont des ménopauses plutôt précoces, alors que le THM vient en aide aux ménopausées à un âge classique. Les femmes plus jeunes ont besoin de se calquer sur ce que le corps aurait fait s'il ne s'était pas arrêté trop tôt, car il a encore besoin d'une imprégnation hormonale. Après 50/51 ans, l'âge moyen de la ménopause, le corps est fait pour commencer à se passer des hormones et le traitement doit s'adapter. Le contenu des THS et THM est le même, mais les besoins étant différents, ils ne sont pas administrés de la même manière.

Et le sexe, dans tout ça ?

"C'est une question qui m'est souvent posée, assure Brigitte Carrère, mais pas tant par les femmes que par les hommes. Dans un premier temps, ils rigolent et jurent leur grand Dieu que jamais ils n'offriraient un bouquin sur la ménopause à leur femme. Et puis ils reviennent et demandent des précisions." Avec la ménopause, la libido change de forme, même si les réactions du corps sont toujours là, parfois même décuplées : "Les hommes veulent comprendre pourquoi leur femme n'a plus le même rapport à la sexualité et au contact, et comment cela peut évoluer. Ils sont très, très intéressés, et parfois surpris de voir que les choses évoluent aussi vers le mieux".

Le regard des hommes sur la ménopause est variable, mais beaucoup n'ont tout simplement pas envie d'en entendre parler. D'autres, pourtant se posent des questions et demandent des détails. "Ne pas leur en parler serait faire la politique de l'autruche. L'évolution se vit ensemble, avec une personne en face qui évolue aussi", conclut Brigitte Carrère.

Ménopausées est un documentaire qui donne la parole à sept femmes, entre 51 et 62 ans, d’origines et milieux sociaux divers. Elles racontent la traversée de leur ménopause, la solitude, la colère, la panique, la dépression, le sentiment d’une liberté nouvelle... 

Diffusé pour la première fois le 19 mai 2020 par nos partenaires de France2, Ménopausées a été rediffusé le 29 septembre 2020. Il reste disponible sur le site de france.tv.


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