La misogynie bientôt considérée comme crime de haine au Royaume-Uni ?

En juillet 2016, les autorités du Nottinghamshire ont décidé de requalifier les agressions misogynes en crimes de haine. Une première au Royaume-Uni. L'idée semble intéresser d'autres comtés mais également irriter certaines personnes, opposées à la « criminalisation du sifflement de rue ».
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Capture d'écran de la vidéo YouTube 10 Hours Walking in NYC as a Woman
Capture d'écran de la vidéo YouTube 10 Hours Walking in NYC as a Woman
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La reconnaissance du harcèlement de rue comme crime de haine ? C’est peut être pour bientôt au Royaume-Uni.

Quand les agressions misogynes sont considérées comme des crimes de haine

Tout a commencé dans le Nottinghamshire, une région britannique au centre de l’Angleterre. En juillet 2016, après deux années d’enquête, d’échange avec les associations locales et de rencontres avec les victimes, les autorités décident de faire paraître une ordonnance pour requalifier les agressions misogynes en crimes de haine. Ils entrent dorénavant dans la même catégorie que les agressions à caractère racial, religieux, à cause d’un handicap, d’une orientation sexuelle ou d’une nationalité.

Dans une vidéo réalisée par la police de Nottingham, des femmes témoignent du harcèlement de rue quotidien. (Vidéo en anglais)
 
Vidéo Because I am a woman, Parce que je suis une femme. Réalisée par la police de Nottingham
La police de la région a annoncé que ces nouveaux crimes de haine recouvraient les « incidents contre des femmes qui résultent d'une certaine attitude d'un homme envers une femme, et (...) tout comportement adopté par un homme face à une femme simplement parce qu'elle est une femme » selon The Independant. Rentrent dans cette catégorie les « approches physiques non désirées » ainsi que le fait de « contacter et engager verbalement une femme sans y avoir été invité », selon le site d’information de BFM
 

Qu'est ce que ça change ?


« Il est important de comprendre que ce changement de législation ne reconnaît aucun nouveau crime. Les peines encourues sont les mêmes [...] Cette requalification permet essentiellement de prendre conscience de l'illégalité de ces actes et d'encourager les victimes à porter plainte. [...] Les policiers de Nottingham ont reçu une formation spéciale pour recevoir les plaintes liées à ces crimes de haine misogynes. » explique Heather à Terriennes. Elle est la représentante de l'association Hollaback, qui lutte contre le harcèlement de rue.

Et il semblerait que la requalification ait porté ses fruits. Dave Alton, responsable de la police de Nottingham cité par le l'association Hollaback, explique que les résultats sont plutôt positifs : « le fait de savoir que leur plainte sera prise au sérieux fait que les femmes qui ne seraient jamais venues il y a six mois osent venir ». 

 

Violences misogynes en Angleterre et au Pays de Galles, quelques chiffres:

Une étude menée par l'Office of National Statistics et citée par l'organisation féministe Rape Crisis England & Wales avance les chiffres suivants concernant les violences sexuelles en Angleterre et au Pays de Galles, en 2013 :

  • 11 viols (sur des adultes) sont commis toutes les heures,
  • 1 femme sur 5 âgée entre 16 et 59 ans a été victime d'une forme de violence sexuelle depuis ses 16 ans,
  • Seulement 15% d'entre elles ont porté plainte

Un sondage en ligne a révelé que 95% des femmes anglaises se sont faites harcelées, raillées ou ont été la cible de remarques obscènes dans la rue. C'est ce qu'explique Sarah Teale dans un reportage à Nottingham en septembre 2015, avant d'être elle même victime de harcèlement de rue, devant la caméra. (Vidéo en anglais)

La journaliste Sarah Teale, de la BBC, est victime de harcèlement sexuel... alors qu'elle réalisait un reportage sur le sujet

Des réactions mitigées 

 
La police des comtés de Devon, Durham, Lincolnshire et Cornwall s’intéressent de très près à cette requalification selon The Guardian. « Un engouement s’est développé pour les actions que nous menons. Notre chef et notre commissaire  ont tous deux été contactés par les autorités nationales pour discuter de comment nous avons mené ces changements et quel a été leur impact » raconte Dave Alton.
 
Tous n'ont pas apprécié ce changement de loi et les critiques n’ont pas tardé à fleurir… D’abord, Melanie Jeffs et Lydia Rye, de l’association Nottingham Women's Centre , qui a collaboré avec la police de Nottingham pour la reconnaissance de crimes sexistes comme crimes de haine, ont été victimes d’insultes et de menaces sur les réseaux sociaux. Elles ont affirmé recevoir à peu près 100 messages par jour. Leurs opposants ne les jugent « pas assez attractives » pour parler du harcèlement de rue : « j’ai reçu une rafale de réponses disant à quel point je ressemblais à un homme, à un petit garçon de douze ans,  à l’un des Porclaimers, Michael Gove, à une hommasse, et à peu près à tout sauf à une femme avec qui ils aimeraient coucher » explique Melanie Jeffs
 
L’association dont elles font partie déplore également la mauvaise interprétation du texte. « Aucun crime n'a été créé par ce changement, contrairement à ce qu'on a pu lire dans les médias. [...] Nous sommes déçus que certains médias dominants aient trivialisé cette initiative en clamant que nous "interdisons les sifflements". Non seulement ils passent à côté du sujet, mais ils trivialisent aussi les expériences des femmes qui ont partagé leurs histoires, ayant été intimidées et menacées par des actions d'hommes autour d'eux. »
Petit florilège de ce mépris :
 
« Bordel, cela ne s'arrêtera t-il donc jamais? Bientôt, on ne nous autorisera plus à sourire car certains pourraient être offensés... #démence »
« Mon Dieu - la prochaine fois, le " il m'a regardée bizarrement " deviendra un crime de haine ... »
 
L'Angleterre n'est pas le premier pays européen à adopter ce genre de mesure pour lutter contre les crimes misogynes. Déjà, en décembre 2015, le Portugal adoptait une loi condamnant le harcèlement sexuel. Les peines encourues peuvent monter jusque trois ans de prison pour « comportement non désiré à connotation sexuelle, sous forme verbale, non-verbale ou physique, avec pour but ou pour effet de violer la dignité d'une personne ».