Fil d'Ariane
Kirsty Coventry sur le toit du monde olympique. L'ancienne nageuse zimbabwéenne, médaillée olympique devenue ministre des Sports, est la première femme et la première Africaine élue à la présidence du CIO.
Kirsty Coventry du Zimbabwe célèbre sa victoire dans la finale du 200 mètres dos féminin lors des compétitions de natation au Centre aquatique national des Jeux olympiques de Pékin 2008 à Pékin, samedi 16 août 2008.
C'est sans doute la plus belle médaille de sa carrière. Kirsty Coventry a été élue présidente du Comité international olympique, ce 20 mars à Costa Navarino (Grèce), au premier tour de scrutin par les membres de l'instance réunis à l'occasion de la 144e session du CIO. Elle a obtenu 49 voix d'entrée (sur 97 suffrages exprimés).
L'ex-nageuse était la candidate soutenue "officieusement" par Thomas Bach, qui avait fait en sorte de la pousser au premier plan depuis plusieurs années. "Son élection prouve l'influence du président sortant sur les membres de l'institution, dont les deux tiers ont été nommés sous son règne", comme le précise L'Equipe. Comme il le martelait depuis des mois dans les médias et instances sportives, "une nouvelle ère réclame de nouveaux leaders", pour résumer le tournant qu'il souhaitait donner à l'institution pour l'amener sur une voie plus jeune et internationalisée.
Kirsty Coventry, 41 ans, première femme à devenir la grande patronne de l'olympisme.
"Les Jeux olympiques ont changé ma vie", et c'est pour cette raison que Kirsty Coventry, double médaillée d'or du 200 mètres dos aux JO d'Athènes en 2004 et Pékin en 2008, avait choisi de s'élancer dans une course inédite pour elle, relevant ainsi un défi, et pas des moindres : devenir la première femme africaine à présider le Comité international olympique. A 41 ans, elle rejoignait les sept candidats engagés dans la course à la succession du président Thomas Bach.
"Pour moi, ce serait le meilleur moyen de continuer à promouvoir l'égalité des sexes auprès des entraîneurs et des dirigeants sportifs. Kirsty Coventry
Dans un entretien accordé à l'AFP fin février, elle estimait que son élection serait "une chose énorme" pour le continent africain et montrerait que le CIO est "véritablement une organisation mondiale". "Pour l'Afrique, cela ouvrirait de nombreuses opportunités à d'autres fonctions dirigeantes. Ce serait une façon de dire que l'Afrique est prête. Nous sommes capables de diriger. Nous avons le soutien nécessaire. Allons-y. Faisons-le", ajoutait-elle.
Devenir la première femme présidente validerait en outre, disait-elle, le travail déjà accompli par le CIO en matière de parité. "Pour moi, ce serait le meilleur moyen de continuer à promouvoir l'égalité des sexes auprès des entraîneurs et des dirigeants sportifs", explique la quadragénaire, devenue la plus jeune présidente de l'histoire de l'instance olympique.
Ministre des Sports du Zimbabwe depuis 2019, Kirsty Coventry a été reconduite dans ses fonctions il y a deux ans par le président Emmerson Mnangagwa. Mais la Cour internationale de justice (CIJ) a estimé que les élections de 2023 n'avaient été "en aucun cas libres, équitables et fiables".
J'ai énormément appris en entrant dans ce ministère. Je me suis employée à changer beaucoup de politiques et de pratiques dans mon pays. Kirsty Coventry
Faire partie d'un gouvernement dont la légalité est contestée aurait pu nuire aux chances de la candidate à la présidence du CIO. Cette dernière estime à l'inverse que son poste lui a permis de réformer les choses de l'intérieur. "J'ai énormément appris en entrant dans ce ministère. Je me suis employée à changer beaucoup de politiques et de pratiques dans mon pays".
"Je pense que chaque pays a ses défis et ses problèmes. Les élections de 2023 ont été les premières sans violences depuis plus de vingt ou trente ans. C'est un pas dans la bonne direction", poursuit-elle.
Le président du Zimbabwe Emmerson Mnangagwa serre la main de Kirsty Coventry après sa prestation de serment à Harare, le 12 septembre 2023.
Née à Harare en 1983, Kirsty Coventry a rejoint les Etats-Unis en 2001 pour s'entraîner et poursuivre ses études. "Mon expérience d'athlète, ma capacité à naviguer dans des eaux politiques délicates au Zimbabwe, le fait que je vienne d'un pays de l'hémisphère sud, mais que j'aie étudié aux États-Unis et que j'y sois restée longtemps, m'ont permis d'avoir les deux points de vue", explique-t-elle.
Un journaliste m'a demandé si le pays serait heureux qu'une blanche ait remporté la première médaille du Zimbabwe en vingt-quatre ans. Kirsty Coventry
Elle rejette par ailleurs l'affirmation selon laquelle des membres du CIO s'interrogent sur son "africanité" parce qu'elle est blanche. "Ils ne m'en ont pas parlé, assure-t-elle. C'est une question que je me suis posée lorsque j'ai gagné mes médailles, en 2004, et que le Zimbabwe était en pleine crise (politique et économique, alors que Robert Mugabe était encore au pouvoir, ndlr).
"Un journaliste m'a demandé si le pays serait heureux qu'une blanche ait remporté la première médaille du Zimbabwe en vingt-quatre ans, raconte-elle. Pour être honnête, j'ai été complètement interloquée, car je me considère comme Zimbabwéenne. Je suis née là-bas. Ma mère est née là-bas. Ma grand-mère est née là-bas".
Kirsty Coventry tient la médaille d'or du 200 mètres féminin au Championnat du monde de natation de Manchester, en Angleterre, le 12 avril 2008. Elle a réalisé le record de 2'06'13'
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Lors sa campagne pour la présidence du CIO, l'ex-nageuse a fait sienne la philosophie africaine "ubuntu", un concept largement mis en avant par Nelson Mandela. qui repose sur la devise : "Je suis ce que je suis grâce à ce que nous sommes tous... C'est vraiment la base de ma profession de foi. Je veux un projet collaboratif", explique-t-elle.
Je pense que le monde olympique et sportif a une occasion unique de montrer ce que peut être l'humanité et comment nous pouvons respecter les différences des uns et des autres. Kirsty Coventry
"Je pense que le monde olympique et sportif a une occasion unique de montrer ce que peut être l'humanité et comment nous pouvons respecter les différences des uns et des autres", souhaitait la double championne olympique. Athlète africaine la plus décorée aux Jeux olympiques, elle ne cache pas son ambition de voir le continent accueillir ses premiers JO en 2036, comme le précise le site d'info sport.360.ma.
Kirsty Coventry pousse pour rendre la grande famille olympique plus inclusive. Et surtout elle espère que son parcours inspirera d’autres vocations, notamment sur le continent africain. "Nous sommes prêts à prendre les devants. Nous en sommes capables, nous ne sommes pas seuls. Allons-y !", clame-t-elle.
Cette mère de deux fillettes compte également œuvrer pour davantage d'égalité entre hommes et femmes "parmi les entraîneurs et les administrateurs du sport", elle qui a rendu hommage dès son élection aux "femmes incroyables" qui l'ont précédée.
La voix étranglée par l'émotion, Kirsty Coventry a évoqué l'Américaine Anita DeFrantz, candidate malheureuse à la présidence du CIO en 2001 venue en Grèce en dépit d'une santé déclinante : "j'étais juste très fière de pouvoir la rendre fière... Elle m'a inspirée, elle a été un mentor pour moi depuis que je suis entrée" au CIO.
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