Les stéréotypes s'effacent Dans un dortoir mixte, « les soldats sont davantage des camarades, des amis, presque des frères et soeurs. Il n'y pas ce clivage "nous/elles" », a expliqué Mme Lilleaas. Suivant un phénomène de « dégenrisation », « les stéréotypes s'estompent : les garçons mettent un bémol à l'humour traditionnel qui se fait aux dépens des femmes, des étrangers ou des homosexuels; et les filles badinent et bavardent moins », a-t-elle ajouté. Les conditions sont alors réunies pour une véritable camaraderie entre frères et soeurs d'armes. « Il n'y a pas de genres à l'armée, a déclaré une soldate citée par Kilden, un centre d'information sur les questions d'égalité des sexes. Nous sommes tous en vert. ».« Ici, il faut être une équipe et vous devez donc vivre ensemble pour vous faire confiance mutuellement », a dit une autre. Service militaire obligatoire pour tous, même pour les femmes Selon Mme Lilleaas, les dortoirs unisexes ne sont pas la seule explication à cette diminution du harcèlement : s'y ajoutent des différences de culture entre armée de terre et marine, et de leadership. L'an dernier, la Norvège a décidé d'étendre le service militaire obligatoire aux femmes, probablement à compter de 2015. Cette mesure a été adoptée au nom de l'égalité des sexes et pour diversifier les compétences au sein de l'armée, et non pas par manque de conscrits : seuls 8 000 à 10 000 Norvégiens sont effectivement appelés sous les drapeaux chaque année, sur les 60 000 hommes en âge de l'être. Les Norvégiennes peuvent déjà faire leur service sur une base volontaire et représentent aujourd'hui environ 10% des conscrits, un chiffre que les autorités veulent porter à 20% d'ici à 2020. Scandale dans l'armée américaine et française A l'opposé, l'armée américaine a bien du mal à briser le tabou de la violence pratiquée à l'encontre des femmes dans ses propres rangs. On estime que près d'une militaire sur trois est victime d'agression sexuelle pendant son service aux Etats-Unis. C'est le documentaire,
The Invisible War (La guerre invisible)de Kirby Dick qui a, en 2012, levé le voile sur cette situation dramatique. En France,
les deux journalistes Leila Minano et Julia Pascua se sont inspirées de ce film pour mener le même genre d'enquête dans l'armée de la République et ont abouti à des résultats similaires. Dans l'ouvrage qu'elles ont titré La guerre invisible en référence au documentaire américain (co-édition Causette - Les Arènes), elles racontent comment les victimes doivent souvent quitter l’armée, ou sont mutées, mais restent toujours humiliées, affaiblies psychologiquement alors que les agresseurs, eux, restent en poste ou en trouvent parfois un autre toujours au contact des femmes ! Pour éviter toute polémique, le ministre français de la Défense, Jean-Yves Le Drian, a diligenté une enquête interne dès que le livre est sorti en librairie... mais n'a pas (encore) émis l'idée de créer des dortoirs mixtes.