En ce qui concerne l’histoire culturelle tunisienne, le gouvernement actuel semblait se placer en bon héritier tout disposé à poursuivre l’œuvre léguée par Ben Ali : « Le ministre de la culture M. Mehdi Mabrouk a refusé la création d’un Centre Culturel Amazigh à Tunis. Au lieu de cela, il a proposé de construire un musée dédié à cette culture dans le Sud du pays. D’après lui, nous n’existons pas. C’est à peine si nous faisons partie du passé. L’histoire de la Tunisie commencerait avec l’arrivée des arabes. De la sorte, il veut nous marginaliser en sous-entendant que les Berbères se réduisent aux locuteurs de la langue qui vivent dans le sud. Or, tous les Tunisiens, qu’ils parlent ou pas tamazight, sont berbères. »
La force de la plume
Mais la mobilisation des associations amazighes est telle que tous les espoirs sont permis. Le vendredi 30 août 2013, et après un bras de fer d’une semaine, le gouvernement a cédé et
accepté d’inscrire un nouveau-né sous le prénom « Amazigh ». Dans un premier temps, lorsque le père s’était rendu à la municipalité de Tunis, il s’était vu refuser ce prénom.
Maha Jouini croit au pouvoir de la plume. Elle tient à militer et à se battre à travers ses écrits. Nouvelliste consacrant ses écrits aux peines et difficultés des femmes, elle est aussi correspondante du web-média
Oussan Libya et chroniqueuse pour
L’Agence d’Information de la Femme (lien en arabe) qui entend « améliorer l’image des femmes arabes dans les médias ».
Elle est aussi consultante au sein de Congrès Mondial Amazigh (
CMA) et active dans l’association tunisienne Notre culture d’abord, ainsi que dans l’Association féminine de la culture amazighe. Et pour conjuguer ces combats, féministe et culturel, journalistique et associatif, Maha a créé son propre site d’information
Tunaruz (Porteuse d’espoir, lien en arabe), afin de « présenter la culture amazighe de Tunis car les médias refusent d’aborder ce sujet ».
Sur le site kurde Al Hiwar Al-Moutamadin (L’échange moderne) auquel elle contribue régulièrement avec des billets politiques et culturels,
elle répond à ses détracteurs qui lui reprochent d’être tout à la fois « audacieuse, vulgaire et impolie » : « Je n’existe que dans le texte et je n’ai pas honte d’écrire dans la langue de la rue […]. Je suis désolée pour vous mes nobles messieurs, ceci est une plume populaire où les femmes sont semblables aux hommes. Cette comparaison n’est pas pour faire “genre” mais l’injustice et la pauvreté ne séparent pas les deux sexes et ne donnent pas aux femmes un modèle de vie et aux hommes un autre. Nous sommes tous égaux et dégustons ensemble le même pain et la même harissa… ».
Être ou ne pas être, tout le reste n’est que littérature
« Nos préoccupations, tient à préciser Maha Jouini pour montrer que l’avenir en Tunisie n’est pas une porte close, sont : le développement durable des régions amazighes qui sont montagneuses et abandonnées, combattre la centralisation et l’esprit régionaliste qui gouvernent aux destinées du pays et aggravent les difficultés de ces régions. Il nous faut aussi sauver la langue amazighe de la disparition en l’enseignant. » Parce qu’elle se dit « en guerre pour défendre la patrimoine amazigh », la jeune femme compte reprendre ses études et faire un Master en Patrimoine de Tunisie.
Le combat de Maha, pour la véritable histoire et l’identité de son pays, devrait être celui de tous les Tunisiens s’ils ne veulent pas que leur révolution leur soit confisquée. C’est en tout cas ce qu’elle veut transmettre lorsqu’elle appelle ses compatriotes « à se mobiliser pour que la Tunisie ne devienne pas une pâle copie des pays du Golfe ou de l’Afghanistan. » Et de conclure : « Que l’on soit berbérophone ou pas, nous devons résister car aujourd’hui il est question de notre existence. Être ou ne pas être, tout le reste n’est que littérature. »