Fil d'Ariane
“L’expatriation au féminin évolue très rapidement et la protection sociale est un sujet-clé pour les femmes qui quittent l’hexagone”, insiste Sabine David, co-fondatrice d’Expat Communication. L’objectif de ce livret de 28 pages illustrées est donc de témoigner des réalités que connaissent ces femmes à l’étranger, en exposant tous les cas de figure de l’expatriation au féminin.
D’abord sur le plan personnel - seule ou en couple, avec ou sans enfant, mariée, pacsée ou en union libre - “il est nécessaire de faire un arrêt sur image sur sa vie personnelle avant un départ qui aura forcément des répercutions sur (le choix) de protection sociale”, poursuit Sabine David.
Faire un arrêt sur image sur sa vie personnelle avant un départ
Sabine David, Expat Communication
Puis sur le plan professionnel, notamment pour les carrières atypiques des conjoints d’expatriés, encore majoritairement des femmes. La dernière enquête “Expat Value” sur le couple et l’expatriation et sur les carrières professionnels des conjoints expatriés, réalisée en 2015 par Expat Communication, aussi éditeur du site femmexpat.com, confirme ce constat. “Je vais être claire et je suis désolée pour la grammaire française, mais je vais parler au féminin”, annonce Alix Carnot, directrice du pôle Carrière internationale d’Expat Communication. Sur les 3500 réponses obtenues, un vrai succès pour l’entreprise, les femmes représentent 91% des conjoints d’expatriés.
Autour de 15%. C’est la proportion des femmes expatriées en entreprise en 2015, encore largement inférieure à celles des hommes, à responsabilité égale. Et pour accéder à ces postes à l’international, c’est un véritable parcours de combattante.
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Sur 100 conjointes, 80% souhaitent travailler, mais seulement 40% occupent un emploi sur place. Et “qui dit carrière à trous, dit retraite à trous, donc pas de retraite”, précise Alix Carnot. “Avant un départ et quel que soit son âge, il faut donc faire son check-up retraite comme on fait son check-up santé”, indique Sabine David.
Installés à l’étranger, les expatriés relèvent du régime de sécurité sociale du pays d’accueil, s’il en existe un, auquel il est obligatoire de cotiser. Pour ne pas rompre totalement avec la sécurité sociale française, il faut se tourner vers la CFE qui assure la continuité des Français à l’international. “Mais contrairement à la sécurité sociale en France à laquelle (les salariés) sont automatiquement affiliés, l’adhésion à la Caisse des Français à l’Etranger est volontaire”, explique Sophie Matias.
Et pour bénéficier d’une bonne couverture santé en expatriation, mieux vaut anticiper. En cas de grossesse survenue à l’étranger par exemple. Car selon le pays d’expatriation, comme en Amérique du Nord où les frais de prise en charge sont exorbitants, il y a un fort risque de se retrouver endettés ! “Les Français pensent que parce qu’ils sont Français, ils sont automatiquement couverts. Alors que la sécurité sociale est un droit territorial. Elle relève d’une condition de résidence, non de nationalité”, précise Sophie Matias.
Conserver un régime “sécu-mutuelle” comme en France mais à l’étranger ? C’est ce que propose le groupe de complémentaire santé à but non lucratif, Humanis, en partenariat avec la CFE. Comme pour le système de mutuelle en France, en adhérant à ce type d’organisme, la partie des frais de santé non remboursée par la CFE peut être prise en charge par la complémentaire.
En 2015, selon une étude réalisée par Humanis auprès de 900 expatriés interrogés sur leur pratique en matière de protection sociale, 19% - hommes et femmes confondus - ont déclaré n’avoir aucune assurance santé. Par ailleurs, 61% ne sont pas couverts en termes de prévoyance individuelle, en cas de décès ou d’invalidité par exemple.
Le budget, un frein ? Les trois partenaires reconnaissent que selon les profils des futures partantes, une protection sociale adaptée peut représenter un certain coût dans le projet d’expatriation. Mais en l’absence de couverture et en cas de besoin, “on peut vite tomber dans une détresse financière”, précise Sabine David. Il y a par exemple le cas de cette femme qui a accouché de jumeaux grands prématurés aux États-Unis : “Affiliée uniquement à la sécurité sociale américaine, sa facture s’élève à 250.000$. Et ce n’est pas terminé”, ajoute Sylvaine Emery, directrice des activités internationales d’Humanis.
L’expatriation est donc un véritable défi à relever, sur tous les plans. D’autant plus pour les femmes, qui comme dans tous projets, doivent souvent redoubler d’efforts pour trouver leur place. La création d’un livret dédié est donc une manière de reconnaître que ces femmes ont aussi le droit de réussir leur aventure internationale.
Que révèle l’étude “Expat Value” de l’entreprise Expat Communication sur la carrière professionnelle des conjointes d’expatriés ?
“En France, ces femmes ont le même profil que leur conjoint : très diplômées, avec la même ouverture à l’internationale avant leur expatriation via leurs compétences en langues étrangères et expériences à l’étranger pendant leurs études”, explique Alix Carnot, directrice du pôle carrière internationale d’Expat Communication. La différence se situe au niveau du domaine professionnel. Les femmes sont plus souvent diplômées en “business-gestion”, alors que les hommes sont ingénieurs industriels ou dans les technologies de l’information.
Pourtant, “avant de partir, ces femmes sont en plein mirage”, poursuit Alix Carnot. Comme pour beaucoup, leur identité est très liée à leur métier. En France, à la question “Que faites vous dans la vie ?” est généralement suivie d’une réponse sur la profession de l’interlocuteur :”Je suis marketeuse, ingénieure, cheffe d’entreprise...”.
Et ces femmes pensent pouvoir reproduire exactement ce qu’elles ont en France : une carrière intéressante avec une exposition internationale, une vie de couple et des enfants. “Mais ce n’est pas si simple, et les femmes qui acceptent de suivre leur conjoint ne le savent pas. Et surtout, elles pensent qu’à l’avenir, la situation peut s’inverser et que leur conjoint acceptera aussi de les suivre. Ce cas n’arrive quasiment jamais”, indique Alix Carnot.
Une fois partie, la réalité de l’expatriation est très différente de ce que le couple a imaginé. En premier lieu, parce que trouver du travail en tant que conjoint d’expatrié est une mission très compliquée et dépend avant tout du réseau sur place, parfois inexistant à l’arrivée.
Mais aussi parce que les compétences requises ne sont pas forcément équivalentes dans le pays d’expatriation. “J’ai accompagné une femme responsable du marketing dans une multinationale française. Elle pensait pouvoir exercer son métier dans une multinationale américaine en Inde sans difficulté. Sauf que la stratégie de vente du produit et le marché indien n’ont rien à voir avec le marché français. La valeur professionnelle que cette femme comptait revendre était inadaptée aux exigences locales”, raconte la directrice du pôle carrière internationale.
En expatriation, la réponse à cette même question “Que faites vous dans la vie ?” devient alors : “Je suis la femme de, la mère de…” Car même en étant “une star professionnelle, la conjointe se prendra un mur en recherchant un emploi”, explique Alix Carnot. Pour autant, “les femmes expatriées ne sont pas malheureuses. Mais elles doivent aller chercher au fond de leurs réserves, accepter de sortir de leur zone de confort et se réinventer, d’abord professionnellement,” pour réussir elles aussi leur expatriation. Ce qui est souvent synonyme de perte de salaire, en responsabilité et au niveau hiérarchique... “Les conjointes d’expatriées sont tout simplement des super-héros !” conclut-elle.
Consulter les résultats de > l’enquête sur les carrières des conjoints expatriés