Dialectique dans le boudoir
L'auteure fait aussi oeuvre d'historienne en montrant comment se sont succédé libéralisme et répression dans les pays de l'Orient. S'appuyant sur les textes sacrés, elle rappelle que la doctrine religieuse était en pleine harmonie avec le plaisir sexuel conjugal. Un plaisir célébré par des livres, tels les célèbres "Mille et une nuits", mais aussi "L'Encyplopédie du plaisir" de Ali ibn Nasr al-Katib, bagdadi du 10ème siècle, et dont elle cite une histoire à mourir (au sens propre) de rire.
"Hubba al Madaniyyah, raconte qu'elle est un jour sortie du bain accompagnée par un garçon qui avait un chiot. Il se trouve que le chiot, voyant sa vulve et ses lèvres vaginales, vint entre ses jambes et se mit à lécher son organe. (.../...) Quand elle eut atteint l'orgasme, elle retomba pesamment dessus et ne parvint pas à se redresser avant que le pauvre animal ne meure écartés."
Ces récits constituèrent la trame d'un imaginaire chez les voyageurs européens, les colonisateurs, un orientalisme caricatural qui fit exploser la prostitution, comme en témoigne le journal intime de Flaubert. C'est ce qui explique en partie le puritanisme qui a accompagné, au début du 20ème siècle, la fondation des Frères musulmans, une formation d'abord anticolonialiste.
Aujourd'hui, malgré les contradictions propres à chaque temporalité historique, les régressions, les frustrations, des tentatives artistiques, sociales ou politiques, fleurissent un peu partout dans le monde arabe, telles le magazine
Jasad, impulsé par l'écrivaine libanaise Joumana Haddad, et qui ne recule devant aucun tabou.
Le livre de Shereen El Feki est une somme d'informations, d'anecdotes et de propositions. Sa réception a été spectaculaire en anglais et en français. Il devrait en être de même avec l'édition arabe annoncée pour l'automne 2015.