Tombée dans l’oubli pendant la dictature (1964-1985), l’auteure érotique fait aujourd’hui l’objet d’une demande de réhabilitation auprès de la
Commission Nationale de la Vérité, chargée d’élucider les crimes commis pendant le régime militaire.
"La persécution politique subie par Cassandra Rios est liée au fait qu’elle était femme, et qu’elle affichait une attitude sexuelle condamnée par la morale de la dictature militaire", explique l’avocat
Martim Sampaio, qui défend le cas à la demande de la nièce de l’écrivain. Dès les premiers jours de la dictature, des milliers de militants politiques sont emprisonnés, torturés et assassinés.
Rapidement, la doctrine de
"sécurité nationale" s’étend aux sphères culturelles, assimilant tout comportement déviant à l’ordre moral prôné par les militaires, à une tentative de subversion.
"On était dans une période ou un présentateur de télévision pouvait être licencié car il était jugé trop efféminé, ou l’on pouvait aussi vous faire des problèmes à cause de votre coupe de cheveux, ou des artistes comme Gilberto Gil pouvaient être emprisonnés, sous le prétexte qu’ils fumaient du haschich", se souvient l’avocat, qui a lui-même milité dans des organisations de défense de la liberté à cette époque.
Une reine du best-seller réduite au silenceDe
La Nymphette Nicoletta* à
Viande en Délire, en passant par
Une femme différente ou
La Volupté du pêché, son premier roman publié à l’âge de 16 ans, Cassandra Rios enchaîne les succès tout au long des années 50. Ses titres et couvertures suggestives, laissant deviner des scènes de sexe explicites, assurent la renommée sulfureuse de Cassandra Rios. Et des ventes qui dépasseront les 300 000 exemplaires par an, un succès d’édition qui ne sera dépassé que par
Paulo Coelho, avec
L'alchimiste, des années plus tard…
C’est donc une reine du best-seller que la dictature militaire s’empresse de réduire au silence. A peine deux mois après
le coup d’État du 31 mars 1964, un tribunal fait saisir les exemplaires de
Viande en délire,
Georgette ou
Copacabanna Poste 6, vendus lors d’une foire au livre à Belo Horizonte. En 1976, trente trois des trente six livres écrits par Cassandra Rios figurent sur la liste des ouvrages interdits. L’un des censeurs, justifiera en ces termes la prohibition de
Copacabana Posto 6, dont le contenu véhiculait à ses yeux :
"un message négatif, psychologiquement faux dans certains aspects relationnels, à la fois nuisible et déprimant, surtout à propos de l’histoire lesbienne de l'héroïne avec la belle-mère et le double suicide final qui s’ensuit", révèle la chercheuse
Sandra Reimão, qui a exploré les archives de la dictature. A cette époque, l’appareil de censure interdit avec la même véhémence
"Le Kama Sutra", les écrits de Karl Marx ou d’Henry Miller : un livre sur trois est prohibé par les censeurs de Brasilia.