La sécurisation de l'emploi en France : Et les femmes ?
En France, un accord sur la sécurisation de l’emploi a été signé par les partenaires sociaux, le 11 janvier 2013. De nouveaux droits ont été accordés aux salariés en échange d’une plus grande flexibilité pour les employeurs. Un accord qualifié « d’historique » par la presse française. Mais que va-t-il changer pour les femmes qui sont davantage frappées que les hommes par la précarité et la pauvreté dans l’emploi ? Réponse avec Françoise Milewski de l’Observatoire français des conjonctures économiques.
A Paris, le salon des services à la personne, un secteur en essor qui emploie majoritairement des femmes (AFP).
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Entretien avec l'économiste Françoise Milewski
Cet accord vous semble-t-il particulièrement important pour les femmes ?
Tout ce qui touche à l'évolution du marché du travail et au contrat de travail concerne les femmes au même titre que les hommes puisqu'elles représentent presque la moitié de la population active en France. Par ailleurs, la précarité a un sexe. Ce sont les femmes qui ont souffert le plus de la destruction de l'emploi et de la remise en cause de la norme du contrat de travail avec le développement des contrats courts et du temps partiel contraint. Elles subissent à la fois l'instabilité de l'emploi et la stabilité dans le sous-emploi.
L'accord permettra-t-il de sortir les femmes salariées de la précarité ?
Cela va dépendre de la forme de son application. Il n'a pas été signé par tous les syndicats et doit faire encore l'objet d'un texte de loi. Néanmoins il me semble qu'il y a des points positifs. D'abord la question du temps de travail pour les temps partiels avec une durée minimale de 24 heures par semaine. C'est un point positif parce que le développement du temps partiel contraint concerne les secteurs où les femmes sont majoritairement employées tels que le service à la personne, la grande distribution ou le nettoyage.
Ensuite, le fait que la multiplication des contrats courts soit taxée de façon supplémentaire avec l'augmentation des cotisations patronales d'assurance chômage est une très bonne chose.
Enfin, toutes ces femmes qui ont des contrats très courts et cumulent peu d'heures de travail vont enfin avoir accès aux droits, ce qui n'était pas le cas auparavant. Par exemple, la généralisation de la complémentaire santé et la portabilité de la formation constituent des éléments favorables. Mais il faudrait que l'offre à la formation soit crédible en étant adaptée aux conditions de vie des femmes.
Toutefois, la durée minimal du temps partiel ne concerne pas ceux, et surtout celles, employés par des particuliers comme les nounous et les femmes de ménages. N'est-ce pas regrettable ?
Il n'est pas simple de mettre en place une durée minimale dans ce secteur où les salariés ont de multiples employeurs. Mais il faudra à terme étendre cette mesure car ces emplois générés par les particuliers vont se multiplier, notamment autour de la prise en charge des personnes âgées. Cela va représenter dans les années à venir des milliers d'emplois. Donc, si toutes ces femmes actives restent en dehors d'une telle mesure, cela va poser problème.
Selon l'accord, cette durée minimale reste négociable par branche. Ne faut-il pas craindre que cette mesure soit complètement contournée ?
En effet, si on multiplie les exceptions et si les exceptions sont multiples, ce texte ne sera pas du tout protecteur en particulier pour les femmes. Il faut donc voir comment concrètement il va être mis en œuvre. C’est la question clef. Rien n'est gagné d'avance.
Quels sont les points négatifs de l'accord pour les femmes ?
Si des mesures dans cet accord protègent les salariés, d'autres poussent dans le sens de la flexibilité. D'une part, il y a tous les paragraphes, assez généraux, sur la possibilité de faire baisser les salaires et le temps de travail par des accords de branche en cas de difficultés économiques. D'autre part, la procédure pour les plans sociaux, les licenciements et les reconversions a été revue et simplifiée au profit du patronat. Ce sont des éléments très favorables à la flexibilité du marché qui touche d'abord les femmes et qui les met, plus que les hommes, dans une situation de précarité et de pauvreté.
Constatez-vous des manques importants dans cet accord au regard de la situation particulière des femmes sur le marché de l'emploi ?
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Depuis la crise financière de 2008, la précarité a-t-elle explosé pour les femmes ?
Je daterais l'explosion de la précarité d'avant la crise de 2008. C'est à partir du milieu des années 90 que la précarité s'est accrue en raison du développement du temps partiel contraint et de certains secteurs comme les emplois à la personne. Mais il est vrai que cela s'est renforcé depuis quelques années parce que les femmes qui sont dans ces secteurs subissent des réductions d'horaire, ce qui accroit la précarité et la pauvreté dans l'emploi.
Françoise Milewski
Responsable du groupe de recherche « Genre, emploi et politiques publiques» Membre de l'Observatoire de la parité entre les femmes et les hommes Membre du Conseil supérieur de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, en qualité des personnes désignées en raison de leur compétence ou de leur expérience. Co-auteure des Discriminations entre les femmes et les hommes, au Presse de Sciences PO (2011)
La pauvreté 4,7 millions de femmes, contre 3,9 millions d'hommes 1 mère sur 3 en charge d'une famille monoparentale vit sous le seuil de la pauvreté
Le travail non qualifié 63% des salariés non qualifiés sont des femmes, contre 56% en 1980.
Temps partiel 80% des salariés à temps partiel sont des femmes 30% des femmes travaillent à temps partiel, contre 18% dans les années 80 46% des employées non qualifiées travaillent à temps partiel, contre 17% des femmes cadres.
Ségrégation professionnelle 50% des femmes concentre leur activité dans 12 familles professionnelles sur les 87 reconnues. Elles sont sur-représentées dans la grande distribution, l'éducation, le nettoyage, les soins et les services à la personnes.
Ecart salarial Le salaire mensuel net moyen des hommes est de 2 263 euros pour un équivalent temps plein, celui des femmes de 1 817 euros. Les hommes perçoivent, en moyenne, un salaire supérieur de 24,5 % (en équivalent temps plein) à celui des femmes. Ou, ce qui revient au même, les femmes touchent en moyenne 80 % du salaire des hommes, donc inférieur de 20 % L’écart mensuel moyen est de 446 euros, soit presque un demi Smic.
Sources : ministère des Droits des femmes et Observatoire des inégalités