On savait le Nord de l’Europe championne de l’égalité femmes/hommes, Suède en tête, avec un gouvernement paritaire, l’arrivée au Parlement, lors des dernières élections législatives,
d’un Parti Féministe, et une législation en pointe en matière de lutte contre la violence faite aux femmes et le proxénétisme. Sans parler de l’incitation, soutenue par les syndicats, à la participation des femmes dans les CA des entreprises cotées en bourse - projet malheureusement rejeté par les députés le 12 janvier 2017 -, de la loi scolaire qui met l’accent sur l’égalité du genre, et même de l’intronisation, en 2013, en tant qu’archevêque, d’une femme pasteur, faisant d’elle le Primat de l’Eglise de Suède.
Le congé parental au masculin
Le jeune photographe, maintes fois primé, Johan Bävman a réalisé 45 clichés, dont une sélection se retrouve actuellement aux cimaises de
l’Institut culturel Suédois, à Paris. Les témoignages des pères réunis dans son ouvrage «
Swedish Dads » mettent des mots sur les bienfaits multiples de la politique que la Suède a initiée il y a déjà 43 ans, devenant ainsi le premier pays au monde à remplacer le congé maternité par un «
congé parental », ouvert aussi aux parents adoptifs et aux parents célibataires.
Il s’agit d’offrir aux couples la possibilité de s’occuper à temps plein de leur enfant pendant 480 jours (16 mois), avec un salaire (plafonné) remboursé par l’Etat à 80% durant la majeure partie de la période. Sur le total du congé, 90 jours sont réservés à chaque parent individuellement et de manière incessible. Et un bonus est accordé aux conjoints qui se partagent à égalité la part transférable du congé.
Politique d’encouragement à la natalité ? d’équité ? Il semble que le législateur suédois ait en priorité songé à encourager les jeunes mères à reprendre leu vie professionnelle, dans un contexte de manque de main d’œuvre.
Aujourd’hui, les pères suédois ne prennent que 25% du nombre total de jours à disposition du couple. D’où l’idée de Johan Bävman, lui-même jeune père, de prendre la tête d’une « croisade » pour convaincre ses compatriotes, en leur donnant à voir avec humour, sérieux et créativité, toutes les facettes de la vie quotidienne : tendresse d’un père qui rassure, débrouillardise quand il s’agit d’habiller trois enfants à la fois, astuces quand il lui revient de faire avaler quelques bouchées de plus, sens du ludique pour mettre en scène le brossage des dents, assurer l’ouverture de la poussette, se lancer dans un vrai slalom avec l’aspirateur...
Le « désir d’enfant » n’est pas l’apanage des femmes
Tous les pères approchés se félicitent de leur décision. Ils ont généralement fait le choix de s’occuper seuls de leur enfant pendant 6 mois.
Qu’ils aient désiré la maternité de leur conjointe ou pas, ils se disent convaincus que le fait d’assumer leurs responsabilités face aux tâches quotidiennes les a fait progresser, grandir. Dans la confiance et l’amour que leur portent leurs enfants. Dans le regard de leurs compagnes. Dans leur connaissance d’eux-mêmes. Dans leur capacité d’organisation. Dans leur prise de conscience des valeurs et des priorités aussi. Et jusque dans leur estime pour leurs propres mères, leur relation avec leurs propres pères.
Malgré les largesses de l’Etat suédois, certains pères évoquent la perte partielle de revenus issue du congé parental. Aucun ne s’en plaint, tant ils sont encore éblouis d’avoir été présents pour accompagner les premiers pas de leur enfant, d’avoir ri à ses premiers mots.
En cela les papas suédois participent d’une philosophie générale dans laquelle baignent leurs concitoyens : avec un des PIB les plus élevés en Europe et une population qui, dans les sondages, se dit « heureuse » de son sort, la Suède fait aussi figure de modèle social en matière de démocratie et de rayonnement international avec la délivrance des fameux Prix Nobel.
Regard sur les nouvelles masculinités
Avec l’exposition « Papas », l’Institut Suédois de Paris clôturera, mi mars, un cycle entier consacré aux « nouvelles masculinités », inspiré et soutenu par la ministre des Affaires Etrangères, Margot Wallström, ainsi que le souligne avec fierté Marion Alluchon, chargée de mission, une Française qui a appris le suédois ici à l’Institut.
Le féminisme est-il soluble dans une royauté ? Il semble que oui en Suède où la dévolution du trône à une femme remonte à plusieurs siècles.
On sait le souverain actuel, le Roi Carl XVI Gustav, engagé en matière de pacifisme et de politique en faveur du tiers-monde. Mais au détour de l’exposition « Papas », l’Institut Suédois de Paris donne aussi l’occasion de se replonger dans l’histoire du pays. On ira piocher du côté d’une reine féministe, la reine Christine, qui fit beaucoup parler d’elle au 17ème siècle et mit fin à des conflits incessants qui appauvrissaient son pays en orchestrant la « Paix de Westphalie ». Une femme libre, cultivée, amie de Descartes qu’elle invita longuement à Stockholm, réticente au mariage et chantre de la tolérance religieuse. Les visiteurs auront en effet la curiosité d’aller voir son portrait et la gravure narrant son abdication au dernier étage du très bel Hôtel de Marle qui abrite l’Institut.
Le gouvernement suédois fit l’acquisition de cet Hôtel de maître, fortement délabré, à la fin des années 60, avant de le rénover de fond en comble, participant en cela à la politique de réhabilitation du quartier du Marais, en plein centre de Paris, initiée par André Malraux, alors Ministre de la culture du Général de Gaulle. La Duchesse de Polignac, amie intime de la Reine Marie Antoinette y avait habité du temps de sa splendeur, ainsi que le poète Baudelaire brièvement.
Le diplomate à l’origine de cette décision, Gunnar W Lundberg, a installé dans ces murs une partie de la collection de l’Institut Tessin axée sur les relations franco-suédoises du XVIIème siècle à aujourd’hui. On y voit aussi le portrait de la pastelliste française Marie Suzanne Girouste, élève de Maurice Quentin de la Tour peinte par Alexander Roslin.
Et si la Suède vous a conquis et que les relations avec la France vous titillent, prolongez la balade jusqu’au Louvre : il vous reste quelques jours pour visiter l’exposition « Un Suédois à Paris », réunissant 120 œuvres de cette collection Tessin méconnue.
Exposition à voir à l'Institut Suédois jusqu’au 19 mars 2017
11, rue Payenne – 75003 Paris
www.institutsuedois.fr