
Fil d'Ariane
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- La « taxe rose » pénalise aussi les Québécoises...
Une enquête menée par une équipe de La Facture, émission de consommation fort populaire de Radio-Canada (elle en est à sa 22ème saison), démontre hors de tout doute l’existence de cette taxe rose. On a donné un budget de 300 $ canadiens à un homme et une femme qui sont allés « magasiner » des produits similaires. Les résultats sont décourageants : le rasoir jetable pour homme revient à 9,07$, celui de couleur rose pour femme à 10,34$. Le Jean Levi’s 501 pour homme est à 68,99$, celui pour femme à 112,68$. La coupe de cheveux a coûté 45,99$ à l’homme, mais 68,99$ à la femme. L’homme a payé 15,80$ pour faire nettoyer son complet, la femme 19,09$ pour son tailleur. Le déodorant leur a coûté le même prix mais, petite nuance, celui pour la femme est allégé de 25 grammes par rapport à celui de l’homme. Enfin le parfum NEIGES de Lise Watier vaut 59,79$ dans sa version masculine, contre 72,43$ pour sa version féminine. Bref, au bout du compte, la femme a payé 84$ de plus que l’homme.
« Taxe rose » : les femmes paient généralement plus cher des produits équivalents destinés aux hommes #Québec #polqc https://t.co/BVuQHLR5Z0 pic.twitter.com/JGKENmUFj6
— Pierre Chantelois (@RenaudLeroy2) 10 janvier 2017
C’est d’autant plus inadmissible que les femmes gagnent en moyenne moins que les hommes
Julie Miville-Dechêne, ancienne présidente du Conseil du statut de la femme
« C’est complètement inacceptable d’avoir des prix différents pour des produits qui sont essentiellement les mêmes, s’insurge Julie Miville-Dechêne, qui était jusqu’à tout récemment présidente du Conseil du statut de la femme. C’est d’autant plus inadmissible que les femmes gagnent en moyenne moins que les hommes. Les fabricants profitent du fait que les consommatrices ne sont pas très attentives aux prix, ne font pas de comparaisons vraiment systématiques, et se font avoir ». Elle conseille aux femmes d’acheter le rasoir bleu versus le rose, tant que le produit est similaire bien sûr.
Cette discrimination sur le prix s’expliquerait notamment par le fait, qu’à l’origine, le rasoir rose jetable par exemple se vendait moins que le noir pour homme. Donc il générait moins de profits.
Dans le cas du nettoyeur, le commerce a justifié la différence de prix par le temps supplémentaire passé par l’employé pour s’occuper du tailleur de la femme.
Pour la différence de prix entre le jean 501 de Levis pour homme et pour femme, le gérant du magasin a expliqué qu’il y avait eu plus de travail sur le modèle pour femmes – opérations de délavage notamment – et que le modèle masculin était unisexe.
Le coiffeur a justifié une facture plus élevée en expliquant que la femme reçoit plus de services que l’homme, ce qui n’est pas toujours forcément vrai. « Ça fait plutôt l’affaire des détaillants, ça il n’y a aucun doute, soit par paresse, par négligence ou autrement, explique Jacques Nantel, professeur émérite de marketing aux HEC. Et puis parce que jusqu’à maintenant, il n’y a pas eu de levée de drapeaux, donc on n’a pas tendance à changer les prix à la baisse ».
La ville de New York a décidé de s’attaquer à cette discrimination sur les prix. Elle a adopté une législation qui interdit aux entreprises de service de faire payer davantage les femmes pour un service équivalent. Les salons de coiffure, les nettoyeurs s’exposent à des amendes pouvant aller jusqu’à 200$ s’ils ne respectent pas cette législation qui semble très efficace et qui pourrait prochainement s’appliquer à des produits vendus dans des commerces. La ville a mené une étude comparative de prix sur 800 produits et cette étude est sans équivoque : dans 42% des cas, les produits pour les femmes sont plus chers que ceux pour les hommes et en moyenne, les consommatrices paient 7% plus cher pour des produits similaires que les consommateurs.
La Californie a elle aussi adopté en 1995 une législation de la sorte portant sur les services. En revanche, le gouverneur Jerry Brown de cet Etat démocrate, a mis un véto inattendu sur une loi d'août 2016 qui abolissait la surtaxe des protections hygiéniques, serviettes, tampons, etc, à l'usage des femmes, après une bataille homérique.
En attendant la mise en place d’une telle législation, si jamais le gouvernement québécois décide un jour de se pencher sur le problème, un détaillant pourrait lancer une campagne marketing pour annoncer à sa clientèle qu’il refuse justement de faire de la discrimination sur les prix en fonction du sexe. « Et là, je peux vous garantir qu’à partir de ce moment-là, son volume va commencer à augmenter, ce qui va compenser sa baisse de prix, ça c’est qu’un bon détaillant fait, c’est l’astuce de bon détaillant. Les autres vont suivre par la suite » conclut Jacques Nantel.
Alors, qui lance le bal ?
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