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Des viols dans des prisons, en voiture, ou dans des immeubles vides, commis sur des femmes, enfants, hommes, par un ou plusieurs agresseurs ... Les forces de sécurité iraniennes ont employé la violence sexuelle comme une "arme" pour "écraser" les manifestants du mouvement de contestation, selon l'organisation Amnesty International qui a recueilli des témoignages de victimes.
Une femme participe à une manifestation contre les autorités iraniennes, à Londres, le samedi 29 octobre 2022 pour la protestation en Iran à la suite de la mort de Mahsa Amini, une femme de 22 ans est décédée alors qu'elle était détenue par la police des mœurs iranienne.
"Des agents des services de renseignement et de sécurité iraniens ont utilisé le viol et d’autres formes de violences sexuelles afin de torturer et de punir des manifestants, notamment des enfants ayant à peine douze ans, et de leur infliger des dommages physiques et psychologiques durables", déclare Agnès Callamard, la secrétaire générale d'Amnesty International.
Des pratiques consistant à utiliser la violence sexuelle comme une arme clef dans l’arsenal des autorités iraniennes afin de réprimer les manifestations et l’opposition. Agnès Callamard, la secrétaire générale d'Amnesty International.
L'ONG de défense des droits humains affirme avoir documenté les "terribles épreuves" que 45 victimes - 26 hommes, douze femmes et sept mineurs - ont dû affronter après leur arrestation "arbitraire" lors de la contestation secouant l'Iran depuis l'automne 2022.
Les témoignages "bouleversants" révèlent "des pratiques consistant à utiliser la violence sexuelle comme une arme clef dans l’arsenal des autorités iraniennes afin de réprimer les manifestations et l’opposition, dans le but de s’accrocher au pouvoir coûte que coûte", poursuit la militante dans un rapport fouillé de 120 pages.
"Ils ont commencé par arracher mes vêtements, et quand je les ai suppliés de s'arrêter, il m'ont frappée très fort à la bouche, qui s'est remplie de sang. Ils étaient trois, dont mon interrogateur. Ils m'ont brutalement violée", utilisant notamment "une bouteille", et "après cela, j'ai perdu connaissance", raconte Maryam, qui dit avoir été victime de membres des Gardiens de la révolution.
J'ai rencontré deux autres femmes dans ma cellule. Elles avaient aussi été violées (...) et elles souffraient. Maryam
Des violences subies selon Maryam parce que ses amies et elle avaient "enlevé (leur) voile" lors des manifestations ayant éclaté en Iran après septembre 2022, quand une jeune Kurde iranienne, Mahsa Amini, est morte après avoir été arrêtée par la police des mœurs pour non respect du strict code vestimentaire islamique. "J'ai rencontré deux autres femmes dans ma cellule. Elles avaient aussi été violées (...) et elles souffraient", poursuit Maryam.
Des pancartes avec des fleurs et des photos sont placées sur un mémorial de fortune lors d'un rassemblement de solidarité avec les femmes iraniennes devant une réunion des ministres des Affaires étrangères de l'UE au bâtiment du Conseil de l'UE à Luxembourg, le lundi 17 octobre 2022.
Sur les 45 victimes répertoriées par Amnesty international, seize ont subi des viols : six femmes, sept hommes, une jeune fille de 14 ans et deux garçons de 16 et 17 ans.
Quatre femmes - dont Maryam - et deux hommes "ont subi des viols collectifs perpétrés par un nombre d’agents masculins ayant pu aller jusqu’à dix", s'indigne Amnesty, qui a interrogé à distance ces personnes, issues de plus de la moitié des provinces iraniennes, leurs proches ou d'autres témoins.
Farzad a déclaré à l'ONG avoir subi un viol collectif dans un fourgon appartenant aux forces spéciales de la police, plusieurs "agents en civil" l'ayant d'abord "torturée", lui cassant "le nez et des dents", puis "ils ont baissé mon pantalon et m’ont violée (...) J’ai beaucoup vomi et je saignais du rectum."
Des agents de l'Etat qui "systématiquement" les "empoignaient, palpaient, frappaient (leurs) seins, (leurs) parties génitales et (leurs) fesses". Extrait du rapport d'Amnesty International
Les 29 autres victimes recensées par Amnesty ont subi d'autres formes de violence sexuelle par des agents de l'Etat qui "systématiquement" les "empoignaient, palpaient, frappaient (leurs) seins, (leurs) parties génitales et (leurs) fesses", ou leur donnaient "des coups de poing et de pied dans ces zones", "imposant" encore "la nudité, parfois devant des caméras vidéo" ou "insérant des aiguilles" dans les testicules des hommes.
L'écrasante majorité des victimes a déclaré à Amnesty International n’avoir "pas porté plainte après leur libération par crainte de subir d’autres préjudices". Sur trois d'entre elles l'ayant fait, "deux ont été contraintes de la retirer après que les forces de sécurité ont menacé de les enlever et/ou de les tuer, elles ou leurs proches", souligne l'ONG, qui dénonce "l'impunité" des forces de sécurité.
L'organisation affirme avoir eu accès à un document officiel ayant fait l’objet d’une fuite, daté du 13 octobre 2022 qui révèle que les autorités ont étouffé les plaintes pour viol déposées par deux jeunes femmes contre deux agents des gardiens de la révolution durant les manifestations. Le procureur adjoint de Téhéran qualifie l’affaire de "totalement secrète" et suggère de "clore progressivement [l’affaire] ".
Des manifestants se rassemblent pour protester contre le régime iranien, à Washington, le samedi 22 octobre 2022, à la suite de la mort de Mahsa Amini alors qu'elle était sous la garde de la fameuse « police des mœurs » de la République islamique.
Aujourd'hui, les manifestations sont désormais plus rares en Iran. Le mouvement "Femme, vie, liberté" a été réprimé dans le sang, faisant des centaines de morts et des milliers d'arrestations, selon des ONG.
D'après Amnesty international, cinq protestataires ayant "subi des viols ou d'autres formes de violences sexuelles" ont été condamnés à mort, après des confessions "arrachées sous la torture". L'un d'entre eux, Javad Rouhi, y est mort fin août "dans des conditions suspectes". Un autre, Majid Kazemi, a été exécuté en mai.
L'artiste irano-américaine Samy Rose, à gauche, fait couler du faux sang sur sa tête après s'être coupé les cheveux lors d'un rassemblement de solidarité avec les femmes en Iran, dans le centre-ville de Los Angeles, le samedi 1er octobre 2022.
Les femmes, hommes et enfants qui ont accepté de témoigner dans ce rapport ont déclaré "continuer à souffrir de traumatismes physiques et psychologiques profonds liés aux violences sexuelles dont ils ou elles ont été victimes".
Avant j’étais une combattante dans la vie. Même lorsque la République islamique a essayé de me briser, j’ai continué. Ces derniers temps, cependant, je pense beaucoup au suicide. Saha, victime
L'organisation rapporte le témoignage de Saha, une manifestante, qui a subi des violences sexuelles dans le centre de détention dans lequel elle a été emmenée. Les forces de sécurité ont touché ses parties génitales et l'ont menacée de viol. Elle raconte : "Avant j’étais une combattante dans la vie. Même lorsque la République islamique a essayé de me briser, j’ai continué. Ces derniers temps, cependant, je pense beaucoup au suicide [...] Je suis comme une personne qui attend la nuit toute la journée pour pouvoir dormir."
Amnesty indique avoir transmis ses conclusions aux autorités iraniennes le 24 novembre, mais n'avoir reçu "aucune réponse à ce jour".
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