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L’aurore boréale est le seul journal francophone du Yukon, ce territoire du grand Nord canadien qui borde l’Alaska. Son équipe est entièrement féminine sous la direction d'une Française d’origine, Maryne Dumaine, installée ici depuis vingt ans. Terriennes l’a rencontrée.
La rédaction de l'aurore boréale, de gauche à droite : Maryne Dumaine, directrice et rédactrice en chef, et les journalistes Gwendoline Le BoMin et Manon Touffet dans leur bureau du Centre de la Francophonie.
Maryne Dumaine m’accueille dans les bureaux de l'aurore boréale, au Centre de la Francophonie, siège de l’Association Franco-Yukonnaise, à Whitehorse, capitale du Yukon. Le journal et l'association, qui défend les droits de la communauté francophone du Yukon, sont étroitement liés puisque le bimensuel a été fondé en 1983, soit un an après la création de l’Association Franco-Yukonnaise, l’AFY. "Au début, c’était un petit bulletin photocopié, c’était le bulletin de l’AFY, et quelques années après, c’est devenu un journal qui parle de l’actualité en français au Yukon", précise Maryne Dumaine. En 2023, l’aurore a donc fêté ses 40 ans.
Le journal publie entre 23 et 24 numéros par an, et sort en format magazine l’été. Il est distribué gratuitement en plusieurs endroits du Yukon ainsi que dans des écoles du territoire, et quelque 600 Yukonnais paient aussi un abonnement annuel.
L'aurore boréale n’appartient pas à un grand groupe de presse, contrairement à beaucoup de journaux locaux au Canada.Maryne Dumaine
L’Aurore, qui compte cinq employés, se porte plutôt bien, malgré ces temps difficiles pour la presse écrite, explique sa directrice et rédactrice en chef : "L’aurore boréale va bien, on a toujours le défi de garder nos employés, mais l’existence même du journal n’a jamais été remise en question. Les gens lisent beaucoup le journal en format papier, surtout au Yukon, on a 2000 copies en général et on se rend compte, selon nos statistiques, que les gens au Yukon sont très attachés au format papier. Alors qu’en ligne, on est lu à Montréal et même à l’international, à Paris, au Maroc, on a des gens du Maroc qui nous écrivent régulièrement.
Ainsi, l’Aurore boréale traverse tout le Canada, et même l’Atlantique pour être lu ailleurs dans le monde… Les grands espaces du Yukon, ses légendaires aurores boréales, son hiver glacial et immaculé, la richesse de sa faune et sa flore, la beauté de ses paysages, font rêver bien du monde.
Paysage du Yukon, mai 2024.
Contrairement à la majorité des publications locales au Canada, l’Aurore boréale est totalement indépendant, comme le fait remarquer Maryne Dumaine, qui siège aussi au Conseil d’administration de Réseau-presse, le réseau des journaux francophones en milieu minoritaire au Canada : "On est le seul journal imprimé de propriété locale au Yukon ; il n’appartient pas à un grand groupe de presse, contrairement à beaucoup de journaux locaux au Canada. Nous sommes sous la fiducie de l’AFY, c’est-à-dire que l’association gère tout ce qui est administratif, mais nous avons une indépendance éditoriale."
Que peut-on lire dans les pages de l’aurore boréale ? "Tout ce qui est francophonie au Yukon nous intéresse, et tout ce qui peut intéresser les francophones, comme les conditions de la femme, la crise du logement, etc. précise sa directrice. Nous aimons aussi faire de la place à la communauté francophone en faisant des portraits, explique la directrice. C’est d’ailleurs le grand défi, on doit faire des choix, des sélections car notre communauté est très dynamique. C’est très difficile de parler de tout le monde."
Quelques Unes de l'aurore boréale, mai 2023.
Les écrits de la rédaction sont destinés à rester, explique Maryne Dumaine : "On se demande toujours si nos articles seront pertinents dans vingt, trente ans. Notre ligne éditoriale va aussi favoriser la diversité, l’inclusion ainsi que le thème de la réconciliation avec les peuples autochtones, donc on parle de l’histoire des premières nations sous un angle positif, on raconte leur succès. On est un des rares journaux au Canada à avoir reconnu, il y a cinq ans, le territoire autochtone sur lequel on travaille et on publie le journal. Et depuis cette année on a un lexique français-autochtone qui n’existe nulle part ailleurs, ce qui permet de traduire le journal dans les huit langues des premières nations du Yukon".
Le Centre de la Francophonie, à Whitehorse, la capitale du Yukon. Le siège de l’Association Franco-Yukonnaise abrite les bureaux de l’Aurore boréale.
Et comment s’annonce l’avenir pour l’aurore boréale ? "On maintient le cap, répond sa directrice. On a eu une année 2023 très chargée en événements parce qu’on a fêté nos 40 ans et on a changé notre site internet <auroreboreale.ca> en intégrant nos archives. Notre prochain projet, c’est de rajeunir notre lectorat. On veut développer des plateformes sur les réseaux sociaux, comme Tik Tok, avec par exemple le projet 'L’AB', qui va identifier des jeunes qui veulent travailler avec nous pour alimenter les réseaux sociaux. Un projet créé par et pour les jeunes. On veut développer de bonnes habitudes de consommation d’informations chez nos ados, c’est un gros défi et ça nous tient à cœur, on travaille beaucoup d’ailleurs dans les écoles avec les jeunes".
Je crois que les liens entre les francophones et les Premières nations vont continuer à se développer, parce que l’avenir de la francophonie au Canada passe aussi par ce rapprochement avec les premières nations. Maryne Dumaine
Maryne Dumaine se réjouit par ailleurs de la vitalité de la langue française au Yukon et elle croit que l’avenir s’annonce sous les meilleurs auspices pour la langue de Molière dans cette contrée nordique du Canada. "Je crois que les liens entre les francophones et les Premières nations vont continuer à se développer, parce que l’avenir de la francophonie au Canada passe aussi par ce rapprochement avec les premières nations", conclut la Franco-Yukonnaise.
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L’équipe féminine de l’aurore boréale
Maryne Dumaine, directrice et rédactrice en chef de l’aurore boréale, est née à Paris. Elle arrive au Yukon au hasard d’un voyage, une traversée du Canada après un stage de fin d’études au Québec (elle est titulaire d’un MBA). Elle décide finalement de rester au Yukon, où elle vit depuis vingt ans.
Maryne Dumaine travaille tout d’abord au département des arts et culture de l’AFY, et collabore avec presque tous les organismes francophones du territoire. Elle est aussi pigiste pour l’Aurore boréale. Il y a plus de cinq ans, quand il a fallu remplacer le directeur précédent, le poste lui a été proposé, et elle l'a accepté.
Maryne Dumaine est entourée de femmes dans son équipe : son adjointe s’appelle Gaëlle Wells, tandis que Manon Touffet et Gwendoline Le Bomin sont les deux jeunes journalistes du journal ; Marie-Claude Nault s’occupe de la publicité et de l’infographie.
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