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Le 4 septembre 2022 marque le troisième anniversaire du Grenelle sur les violences faites aux femmes. "L'occasion de vous parler de Sandrine Bouchait dont la soeur – Guylaine – a été tuée il y a cinq ans. Avec d'autres, elle a fondé l'Union nationale des familles victimes de féminicides pour faire entendre sa voix, mais elle n'en peut plus de compter les mortes", lance Anne-Cécile Mailfert, présidente de la Fondation des femmes dans sa chronique sur France Inter.
122 femmes sont mortes en 2021 sous les coups d'un homme : un mari, un compagnon ou un ex. Combien en 2022 ?
"Un bilan glaçant. Il aurait fallu redoubler les efforts. Mettre plus de moyens. Nommer des ministres pour qui c’est important. En faire une priorité politique continue. Les #feminicides c’est tous les ans. C’est pas un effet de mode. Il faut une volonté tenace pour en venir à bout", réagit la militante sur son compte twitter.
Un bilan glaçant. Il aurait fallu redoubler les efforts. Mettre plus de moyens. Nommer des Ministres pr qui c’est important. En faire une priorité politique continue. Les #feminicides c’est tous les ans. C’est pas un effet de mode. Il faut une volonté tenace pour y venir à bout. https://t.co/JkaGOn7sOV
— Anne-Cécile Mailfert (@AnneCMailfert) August 26, 2022
A l'antenne, la militante saisit l'occasion pour citer l'écrivaine fémininiste Françoise Héritier, "Il n'existe aucune autre espèce où les mâles tuent les femelles".
Comme le précise le rapport du ministère de l'Intérieur, les femmes représentent 85% du total des victimes de morts violentes au sein du couple en 2021 (143 décès dont 122 femmes et 21 hommes) contre 82% en 2020, une part stable depuis 2006. Ces chiffres "correspondent davantage au niveau du nombre de morts violentes au sein du couple observées avant l'épidémie de Covid-19", ajoute encore le communiqué officiel.
Dimanche 21 août, à Carrières-sur-Seine (78), une femme de 19 ans à été égorgée par son compagnon, qui était déjà connue pour des faits de violences au sein du couple.
— #NousToutes (@NousToutesOrg) August 21, 2022
85 féminicides en même pas 8 mois, cet été particulièrement.@gouvernementFR agissez, sérieusement. pic.twitter.com/ye3L0ZpB0x
L'année 2020, avec "seulement" 102 femmes tuées contre 146 en 2019, avait en effet été "exceptionnelle", sans que l'on sache précisément en quelle mesure cette baisse pouvait s'expliquer par les périodes de confinements et couvre-feu.
Pour Isabelle Rome, ministre déléguée chargée de l'Égalité entre les femmes et les hommes, les chiffres de 2021 sont "glaçants". "Malgré les efforts sans précédent engagés par l'État ces cinq dernières années, les féminicides restent à un niveau trop élevé", réagit la ministre.
"Ces affaires doivent être jugées d’une manière spécifique. Donner une gifle à sa femme, cela n’a rien à voir avec voler un portable dans un magasin. Il faut interroger cet acte et lui apporter une réponse immédiate", déclare la ministre dans un entretien au Journal du Dimanche.
La Première ministre Elisabeth Borne a annoncé la création fin septembre, pour une durée de six mois, d'une mission parlementaire chargée de faire des propositions pour améliorer le traitement judiciaire des violences conjugales. Cette mission sera confiée "à des parlementaires de groupes différents, chargés de dresser d’abord un bilan, puisqu’il existe déjà 123 filières de traitement d’urgence dans les 164 tribunaux du pays". "D’ici à six mois, ils formuleront des préconisations" et "avec Elisabeth Borne et Eric Dupond-Moretti, nous pourrons aussi nous inspirer de modèles comme l’Espagne ou le Québec", ajoute la ministre.
Parmi les femmes victimes, près d'une femme sur trois (32%) avait déjà subi des violences antérieures, et 64%, parmi elles, avaient signalé ces violences aux forces de l'ordre. Parmi ces dernières, 84% avaient déposé une plainte.
« Les femmes victimes de violences ne sont pas seules. »
— Isabelle Rome (@RomeIsabelle) August 22, 2022
C'est le sens de la table ronde à laquelle j'ai participé à Bailleul-sur-Thérain réunissant élus, services de l'État, associations, forces de l'ordre et acteurs de justice et de santé.
Un collectif engagé au quotidien. pic.twitter.com/HtTEhRekQq
Ces données "terribles" montrent "des pistes d'évaluation possibles", commente Françoise Brié, directrice générale de la Fédération nationale Solidarités femmes (FNSF) qui gère le service d'accueil téléphonique 3919 pour les femmes victimes de violences.
"Lorsqu'une femme signale des violences, il faut mieux évaluer le danger qu'elle encourt. Mais on doit aussi progresser dans le repérage des violences : permettre aux femmes de s'exprimer, de dire les faits subits", ajoute-t-elle.
122 femmes. 1 tous les 2 jours et demi. Terrible constat. Tout doit être engagé pour faire baisser ce chiffre: plus de sanctions pénales/agresseurs, de dispositifs de protection pour les femmes victimes et leurs enfants. Et de moyens à tous les niveaux pour assurer leur sécurité. https://t.co/zSoEI7Ds3m
— Solidarité Femmes (@SolidariteFemme) August 26, 2022
Comme les années précédentes, les disputes (31 cas), les séparations non acceptées (27 cas) sont les causes principales du passage à l'acte (41 %). Elles sont suivies de près par la jalousie (25 cas) et la maladie de la victime (21 cas).
Dans un tiers des décès, tous sexes confondus, l'auteur a fait usage d'une arme blanche : 37 sont des hommes et 13 des femmes. Pour les armes à feu (46 décès), la quasi-totalité (44) sont utilisées par des hommes
Quelque 43% des auteurs d'homicide se sont suicidés ou ont tenté de le faire après les faits. En 2021, 46 suicides et 15 tentatives ont été recensés, un nombre stable chaque année, qui concerne quasi exclusivement des hommes (60 hommes pour une femme).
"Les mesures de protection pour les femmes n'ont pas été appliquées", déplore la militante Ernestine Ronai, responsable de l'Observatoire départemental des violences envers les femmes de Seine-Saint-Denis. Seules trois femmes victimes sur 122, une proportion "ridicule", ont bénéficié d'une mesure judiciaire de protection, relève Ernestine Ronai, pour qui il faudrait "multiplier par 10" le nombre de ces ordonnances.
Pour Pauline Baron, du collectif féministe #NousToutes, "on voit les limites de la fameuse grande cause du quinquennat" précédent, pourtant marqué par le Grenelle contre les violences conjugales, qui avait débouché fin 2019 sur une quarantaine de mesures. Celles-ci "n'ont pas été assez budgétées, elles ne peuvent pas être déployées partout : il n'y a pas assez de bracelet anti-rapprochement et de téléphone grave danger pour protéger les femmes", estime la militante.
Samedi 19 novembre #NousToutes manifeste pour dire stop aux violences sexistes et sexuelles. Pour dénoncer l’impunité des agresseurs, au nom de toutes les victimes abandonnées par la justice.
— #NousToutes (@NousToutesOrg) June 5, 2022
Rendez-vous dans la rue. pic.twitter.com/sSirGJzijt
Il faut en outre "améliorer la prévention", selon elle : "l'éducation à la vie affective et sexuelle n'est pas mise en oeuvre à l'école, alors que c'est ça le moyen de casser cette réitération des violences de génération en génération".
Pour Ernestine Ronai, "on ne se représente pas suffisamment dans notre société le danger des hommes violents" qui sont "imprévisibles". De ce fait, "il n'y a pas de petite violence", insiste-t-elle : "une gifle, on pourrait dire 'c'est pas grave', mais on ne sait pas jusqu’où ça peut aller".