Le "bras de distance" désarmant de Henriette Reker après les agressions sexuelles de Cologne

Henriette Reker voulait rassurer les habitantes de la ville allemande de Cologne, dont elle est maire, après les dizaines d'agressions sexuelles commises la nuit de la Saint-Sylvestre. Ses conseils sont devenus la risée des réseaux sociaux et ont provoqué la colère de ses administrés. 
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Henriette Reker
Henriette Reker maire de Cologne avec le chef de la police de cette ville ,Wolfgang Albers (sanctionné depuis), lors d'une conférence de presse après les événements de la nuit du 31 décembre au 1er janvier. L'une et l'autre ont été très critiqués.
Oliver Berg/dpa via AP,file
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Henriette Reker n'a décidément pas de chance. Après avoir été grièvement blessée, poignardée par un jeune extrêmiste de droite allemand le 17 octobre 2015 dans sa bonne ville de Cologne où elle a été élue dès le premier tour le lendemain de cette attaque, voilà qu'elle est devenue la cible de la "twittosphère" allemande.

C'est l'un des épisodes qui agitent l'Allemagne depuis les multiples agressions sexuelles commises dans la nuit du 31 décembre 2O15 au 1er janvier 2016, tant la "gestion" de ces événements suscitent des interrogations : combien de victimes et de coupables ? D'où venaient les agresseurs ? Pourquoi les autorités, la police et la presse de cette grande métropole de l'Ouest de l'Allemagne ont-elles tant tardé à réagir ? Des questions auxquelles tentaient donc de répondre Henriette Reker lors d'une conférence de presse le 6 janvier 2016, sans doute trop longtemps après les faits.

Agressions sexuelles à Cologne
Une femme interpelle la chancelière allemande devant la cathédrale de Cologne, le mardi 5 janvier 2016 après les agressions sexuelles commises en cette même place "Mme Merkel, où êtes vous ? Que dites-vous ? C'est effrayant"
Oliver Berg/dpa via AP


Maire sans étiquette de la ville rhénane, cette avocate soutenue par la CDU, le parti de la Chancelière Angela Merkel, elle recommandait donc à ces administrées, lors d'un échange avec les journalistes, de respecter "une certaine distance, plus longue que le bras" (Auf Armlänge Abstand halten) avec les inconnus pour se protéger d'éventuels assauts. Son conseil a déclenché une vague de commentaires sarcastiques sur Twitter, les mots dièses (hashtags) #ArmlaengeAbstand et #‎einearmlaen, expressions allemandes pour "distance de plus d'un bras", s'imposant dès le lendemain parmi les cinq plus partagés en Allemagne.

"Bras de distance", le nouveau mètre étalon de Cologne

Pourtant, comme le rappelle les quotidiens locaux, ce n'est pas la première fois que cette expression est employée pour inciter les citoyens de la ville à plus de vigilance. En mai 2014, elle avait déjà été employée par la police de Cologne qui conseillait aux habitants de se tenir « à un bras de distance » des pickpockets qui font mine de danser avec les passants pour mieux leur dérober leur portefeuille et leur smartphone.

Cologne connaît régulièrement des éruptions de vandalisme et autres violences, en particulier lorsque les esprits s'échauffent au moment de son célèbre carnaval en février de chaque année, un moment de célébration collective qui donne lieu à quelques excès et qui compte même une journée d'émancipation des femmes au cours de laquelle elles coupent les cravates des hommes et embrassent les passants sur les joues.

L'élue a donc cru bien faire en reprenant ce petit truc du bras pour éviter les mauvaises intentions et autres agressions. "Elle est sans doute bien intentionnée mais incroyablement naïve" a asséné Alice Schwarzer, figure emblématique de la non moins emblématique publication Emma, nichée dans l'une des tours qui domine le Rhin. La célèbre journaliste et écrivaine a ajouté : "ces gars qui sèment la terreur se fichent bien de la longueur d'un bras."
 


D'autres internautes ont été beaucoup plus sévères, jusqu'à l'excès, assimilant ce bras à cet autre de si sombre souvenir, celui levé des nazis. Des moqueries aux accusations, à l'aide de photos-montages, les quotidiens, dont le Tagespiegel de Berlin, ont recensé les plus percutants de ces réactions.


La classe politique de Berlin a elle aussi vivement réagi. La ministre de la Famille, des Femmes et de la Jeunesse, Manuela Schwesing, qui sur Twitter, a rétorqué à Henriette Reker : "nous n'avons pas besoin de règles de comportement pour les femmes, ce sont les auteurs des faits qui doivent rendre des comptes".


Le ministre de la Justice Heiko Maas y est lui aussi allé de son commentaire : "Ce ne sont pas les femmes qui portent la responsabilité" de ces agressions, a-t-il jugé.


"J'ai les bras courts, est-ce que cela me sera reproché ?" s'interroge la twitteuse Birgit Haase.


Tandis qu'un autre lance un appel :  "Je suis en vacances. Quelqu'un pourrait-il équiper pour moi Mme Reker de protections cyclistes de sécurité ? (celles que l'on met sur le côté gauche du vélo pour indiquer aux automobilistes la distance de sécurité, ndlr)".


Henriette Reker a tenté de se défende le lendemain de son si peu avisé conseil en déplorant selon des propos rapportés par l'agence DPA que "les compte-rendus raccourcis dans la presse (de ses propos) aient pu donner l'impression que (ses) mesures de prévention se limitent à des recommandations aux femmes et aux jeunes filles quant à leur comportement".