L'enquête des journalistes aura duré plus d'un an. Le temps nécessaire de réaliser que : "
Chaque jour, cinq personnes sont agressées sexuellement dans les Forces canadiennes. Femmes. Hommes. Cadets. Soldats. Techniciens. Pilotes. Marins. Ingénieurs. Militaires du rang ou officiers étoilés. Aucun métier, aucun grade, aucune base au pays n’y échappent."
Noémi Mercier et Alec Castonguay n'ont pas lâché prise. La première est lauréate du prix mondial Reuters-UICN 2008 pour les médias et l’environnement pour son article
"Nos ordinateurs empoisonnent la planète". Le deuxième suit les questions de défense pour son journal et s'était vu décerné le prix Jean Paré 2012, du meilleur journaliste magazine de l'année, puis le Grand prix Judith-Jasmin 2013 pour
la meilleure oeuvre journalistique de l'année.
Ils ont "
rencontré une douzaine de victimes qui ont accepté de témoigner et de révéler leur identité, visité plusieurs bases au pays et en Afghanistan, assisté à des procès en cour martiale, épluché des dizaines de jugements et de rapports internes obtenus en vertu de la loi d’accès à l’information." Et ce qui les a surtout choqué, au delà du nombre de crimes, c'est le silence qui les entoure. Rares sont ceux qui sont déférés, comme le major
David Yurczyszyn, ancien commandant de la base des Forces canadienne CFB Wainwright, en Alberta, reconnu coupable d'agression sexuelle commise au printemps 2012. Il avait attrapé la poitrine de l'une de ses collègues. Et ce n'était pas la première fois...
L'officier a été rétrogradé et passera au rang de capitaine, sera inscrit au registre national des délinquants sexuels pour une période de 20 ans et devra remettre un échantillon d’ADN pour analyse génétique.
L'électrochoc médiatique a eu des conséquences immédiates,
voire surprenantes dans leur rapidité : "
J'ai été profondément fâché d'être mis au fait de ces allégations d'agressions sexuelles au sein des forces armées", a déclaré Rob Nicholson, ministre de la Défense, qui a aussitôt demandé "
au Chef d'État-major de la Défense, Tom Lawson, de tirer cette affaire au clair". Lequel a immédiatement a "
ordonné un examen interne immédiat de nos politiques et de nos programmes relatifs au milieu de travail", en rappelant à la chaîne de commandement que "
l'inconduite à caractère sexuelle n'est pas et ne sera jamais tolérée au sein des forces armées canadiennes".
Manifestement, il y a encore du boulot pour arriver à cette tolérance zéro... Comme en France, ou
le ministre de la Défense a annoncé le 15 avril des mesures pour lutter contre ce fléau, surtout en aidant les victimes.