Fil d'Ariane
#MoudawanaKanTsana est une campagne de mobilisation lancée sur les médias sociaux pour une réforme du Code de la Famille favorisant l’égalité en droits entre hommes et femmes, et pour l'intérêt des enfants. Sur le terrain, les associations bataille pour obtenir un statut pour les mères célibataires. Rencontres.
#MoudawanaKanTsana, "Code la famille que j'attends" : cette campagne a été lancée dans les médias et sur les réseaux sociaux par un collectif d'associations, bénévoles, pour mobiliser l'opinion sur la réforme attendue du Code de la famille au Maroc.
#MoudawanaKanTsana, traduire par "Code de la famille que j'attends" est un cri de ralliement. Challenges TikTok, Facebook, Instagram, spot radio et clip vidéo... La campagne a été lancée début mars sur un ensemble de supports médiatiques au Maroc.
S’inscrivant dans le contexte du chantier de la révision du Code de la famille au Maroc, lancé par le Roi Mohammed VI, l’objectif est de mobiliser le grand public en lui donnant un outil de repartage sur les réseaux sociaux.
Entièrement bénévole, #MoudawanaKanTsana est une campagne conçue et produite à titre gratuit grâce au soutien d’un ensemble de contributeurs(trices), leaders d’opinion et associations. "Ceci pour faire entendre sa voix en faveur des réformes dont il aspire et qui vont dans le sens de l’intérêt supérieur de l’enfant et de l’égalité en droits entre hommes et femmes", précise Selma Hamdouch, coordinatrice de la campagne sur le site lobservateur.info.
Assia Morabet est présidente de la Coordination de l’Alliance associative pour la défense des droits des mères célibataires et de leurs enfants. Cette association a pu participer aux consultations sur la future Moudawana, menées notamment par le ministre marocain de la Justice. Militante depuis plus de trente ans, elle a participé à la première réforme du Code de la famille en 2004.
Aujourd'hui, elle reconnait les avancées significatives du Maroc sur les droits des femmes et des enfants, notamment grâce à la ratification des conventions internationales. Mais elle se montre aussi très inquiète, évoquant un climat plus conservateur et un possible retour sur les droits acquis. "Lorsqu'on lit les ratifications du Maroc, les rapports du Maroc, on est dans une avancée. On est dans un discours qui dénote, des pas en avant. Mais lorsqu'on revient aux relations femmes/hommes, aux relations de pouvoir, au patriarcat, à tout ce qui touche les femmes, on a l'impression de régresser" , regrette-t-elle.
Assia Morabet fait également partie de l’équipe de l’association "100% Mamans" qui défend le droit des mères célibataires. "Ce sont des lois, des dispositions, des pratiques auxquelles la mère célibataire est tout le temps confrontée. Elle vit un dilemme. Il y a la relation consentie, il y a le viol, il y a le mariage de mineures... Lorsqu'elle a un enfant, le père, de par la loi, peut dire que l'enfant n'est pas le sien. La loi le protège. La loi lui donne cette possibilité, cette marge de dire 'cet enfant n'est pas le mien'. Et même lorsque la femme ou la mère porte plainte et que le juge ordonne une analyse ADN, l'homme peut ne pas se présenter et ne pas le faire", s'insurge-t-elle.
Il n'y a qu'une seule famille : celle issue de l'acte de mariage. Ce qui fait que les mères seules ne sont pas reconnues, que leurs enfants ne sont pas reconnus. Assia Morabet, Alliance associative pour la défense des droits des mères célibataires
Si le père ne reconnaît pas l'enfant, il n'est pas poursuivi, n'étant pas reconnu comme responsable. "Mais s'il décide de reconnaître l'enfant, il en devient le tuteur officiel et tout passe par lui, ajoute la militante, Dans le Code de la famille, et dans la Constitution, aussi, il est question de la famille légale. Il n'y a qu'une seule famille : celle issue de l'acte de mariage. Ce qui fait que les mères seules ne sont pas reconnues, que leurs enfants ne sont pas reconnus, à part si le père accepte la reconnaissance."
La militante souhaite visibiliser cette lacune et milite pour l'élargissement et la remise en question de la notion de famille dans le Code de la famille. "Le Maroc a changé, le Maroc n'est plus dans une seule famille".
"On nous ramène toujours à cette famille légale, à ce noyau, exceptionnel au Maroc, qui est la famille, et qu'il faut garder, conclut Assia Morabet, Les mères célibataires et leurs enfants ont le droit d'être représentés dans le Code de la famille, dans toutes les lois. Le code pénal doit changer ; il ne doit plus être question de pénaliser les relations sexuelles hors mariage ni une femme qui a un enfant".
Wafae Abdelkader a créé son association Karima il y a plus de 15 ans, une référence à Tanger. Ancienne membre du PJD, parti islamiste au pouvoir, elle a notamment créé un refuge pour les mamans célibataires et leurs enfants. Elle défend le droit des femmes et de leurs enfants, tout en militant pour la responsabilité des pères.
Pourquoi le code de la famille de 2004 doit être revu - pas tous les articles, mais globalement ? Parce qu'il y a des choses nouvelles, dans le monde entier, et que le Maroc, bien sûr, est un pays comme les autres dans le monde. Quand il y a des changements dans d'autres pays, ils finissent par apparaître au Maroc. Wafae Abdelkader, présidente Karima
"Pourquoi le code de la famille de 2004 doit être revu - pas tous les articles, mais globalement ? Parce qu'il y a des choses nouvelles, dans le monde entier, et que le Maroc, bien sûr, est un pays comme les autres dans le monde. Quand il y a des changements dans d'autres pays, ils finissent par apparaître au Maroc. Ce sont des changements économiques, politiques, sociaux, culturels... Tout cela a provoqué un volcan de transformations dans la société", constate-t-elle.
Quant aux mères célibataires, la militante insiste pour qu'"une loi règle leur vie, car maintenant, c'est un fait. On ne peut pas fermer les yeux. Nous ne sommes pas aveugles. Ce sont nos enfants. Ces filles sont nos filles. Et le garçon qui a fait cette bêtise, il est responsable de son fait".
Wafae Abdelkader insiste beaucoup sur la médiation car, selon elle, la vision la famille est différente au Maroc, plus traditionnelle. C'est pourquoi, elle défend l'idée d'une Moudawana "à la Marocaine", et non pas d'un Code de la famille qui bouleverserait ce qu’elle considère comme la structure même de la société marocaine. La culture nationale et l’islam tel qu’il est pratiqué au Maroc doivent être respectés, insiste-t-elle.
"Nous demandons à ce que ce Code de la famille soit un code équilibré, d'abord, un Code de la famille qui assure une vie dans une famille positive et sécurisante. On voudrait aussi que ce Code de la famille soit un Code la famille marocain, habillé de vêtements marocains, c'est à dire que lorsqu'on le lit ou le pratique, on sente qu'il concerne vraiment la culture marocaine", déclare-t-elle.
Pour cette militante de terrain, "Chaque pays a sa culture. On ne peut donc pas dire que le Maroc doit avoir des articles venus d'une autre culture dans son Code de la famille. Ça ne marchera pas. Nous ne sommes pas contre les lois, ni contre les droits d'autres femmes ou d'autres familles dans d'autres pays, mais si on nous impose une culture qui est différente des Marocains, ça ne réussira pas".
Retrouvez aussi dans Terriennes :