Mise à jour 11 novembre 2016 -
AFP : Les deux anciens gérants ont été jugés "intégralement coupables" des nombreux délits pour lesquels ils étaient poursuivis: travail dissimulé, emploi de personnes en situation irrégulière, rétribution inexistante, pas de toilettes pour les salariés, absence d'aération et d'extincteur dans le sous-sol où s'effectuaient les teintures, installation électrique non conforme... Le premier, Mohamed Bamba, Ivoirien, gérant de fait du salon, est en fuite. Il a été condamné à deux ans de prison dont un avec sursis et 31.800 euros d'amende.
Le second, Walid Daollat, un Jordanien gérant de droit du commerce et déjà condamné pour des faits similaires dans un autre salon, a été condamné à dix mois d'emprisonnement et 10.600 euros d'amendes. Le tribunal, qui a globalement suivi les réquisitions du parquet, a également condamné solidairement les deux hommes à verser 1.000 euros à chaque victime et 1.500 euros à l'Union départementale de la CGT, partie civile, au titre des dommages et intérêts.
Retour sur un combat exemplaire avec notre reportage d'octobre 2014 auprès de ces femmes courageuses. La devanture du salon de coiffure du 57 boulevard de Strasbourg ressemble à toutes les autres dans ce quartier parisien de Château-d'Eau. Seules quelques affiches de la CGT, collées sur la vitrine, différencient ce salon. Couleurs vives, photos de coiffures africaines et modèles de manucures, la boutique semble ouverte. Sur la porte, une affiche, avec le slogan : "Ils bossent ici, ils vivent ici, ils restent ici". Un message qui traduit bien le combat pour la régularisation des "coiffeuses du 57", comme on les surnomme dans le quartier.
Il faut passer la porte d'entrée pour comprendre que le salon est fermé. A l'intérieur, les miroirs de la boutique sont recouverts d’articles de presse évoquant la situation. Sur les chaises qui servent habituellement aux clients, plusieurs femmes sont assises : ce sont les employées du salon, mais elles ne travaillent pas. Deux Ivoiriennes, chacune prénommée Mariam, posent de nouvelles mèches à leur ancienne collègue de travail, Massandie, d'origine ivoirienne, elle aussi. Derrière, Aminata, ex-coiffeuse du salon, joue avec son fils, tout en discutant avec les trois jeunes femmes. Ce rituel dure depuis plusieurs semaines, maintenant.
Leur employeur a déposé le bilan le 8 juillet dernier, juste après leur avoir délivré leurs premiers contrats de travail. Durant plusieurs mois, elles auraient été payées à la "tâche", travaillant de 9 h à 23 h tous les jours, ce qui est illégal. "Si tu voulais toucher 400 euros, il fallait faire un chiffre de 1000 euros. Nous n'avions pas de pause", raconte Massandie, tout en s'assurant que son fils Karim, âgé de deux ans tout au plus, ne fasse pas de bêtises.
Elles ont donc porté plainte contre leur employeur, sur le conseil du syndicat CGT, pour "traite d’êtres humains, faillite frauduleuse et travail dissimulé". La CGT dit avoir récolté des éléments mettant en cause le principal gérant du salon. "Des éléments très précis quant à l'organisation du travail, ainsi qu'au recrutement de salariés de différentes origines et sans papiers, pour pouvoir les exploiter plus facilement et éviter les mouvements de solidarité. Il y a également beaucoup de mouvements de main-d'oeuvre dans le quartier", explique Maryline Poulain, responsable immigration de la CGT Paris.
Depuis le 24 juillet, les coiffeuses occupent les locaux de leur ancien salon, tous les jours à partir de 10 heures. La nuit, les employés se relaient, tour à tour, deux par deux. A l’entrée du salon, un lit recouvert d’un drap sert aux veilleurs de nuit. "Nous dormons ici deux par deux pour garder le local ouvert, sinon le propriétaire risque de venir changer la serrure de la porte", explique Massandie.