Le divorce à l'italienne... un calvaire

Sous la pression de l’Eglise, le droit italien a toujours cherché à protéger les liens du mariage et à dissuader à tout prix les candidats au divorce. Aujourd’hui, beaucoup d’Italiens jugent les délais trop longs et les coûts abusifs. Les uns appellent à une réforme pure et simple du divorce. Les autres, de plus en plus nombreux, se laissent séduire par la facilité d’un « divorce low cost » à l’étranger.
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Le divorce à l'italienne... un calvaire
Scène de la célèbre comédie “Un divorce à l'italienne“ (1961) de Pietro Germi avec Marcello Mastroianni.
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De la fiction « Divorce à l’italienne » à la réalité, il y a qu’un pas… Un pas que l’Italie a franchi en 1970. En effet, lorsque le film est sorti en 1961, le divorce est interdit en Italie, poussant Marcello Mastroianni aux pires stratagèmes pour se débarrasser de sa femme. Quelques années plus tard, la loi du 1er décembre 1970 autorise enfin le divorce. Une procédure encadrée et bien souvent dissuasive… Bref, chez les Italiens, la procédure éclair n’est pas à l’ordre du jour, au contraire ! Afin d’éviter que le divorce ne se généralise, la loi prévoit une séparation préalable de 3 ans et impose, dès ce stade, une intervention de la justice. Et ce n’est qu’une fois la séparation prononcée que le couple pourra entamer la procédure de divorce.
Le divorce à l'italienne... un calvaire
L'avocat Gian Ettore Gassani, auteur de « I perplessi sposi » (Editions Aliberti).
« Le chemin de croix » Maître Gian Ettore Gassani, avocat romain et président de l’association des avocats spécialistes des questions matrimoniales, parle du « véritable chemin de croix » qui attend les candidats au divorce : « Il n’y a pas de doute que l’influence de la culture catholique, très enracinée et puissante en Italie, a pesé sur le droit italien de la famille. Les pays très catholiques, comme l’Irlande du Nord et la Pologne, ont maintenu cette phase de séparation obligatoire pour faire obstacle au divorce », regrette-t-il. La double procédure Un « cauchemar », selon Francesca, 32 ans, en cours de séparation, après 5 années de mariage : « On se marie en quelques heures et le divorce dure des années… Cela crée beaucoup de tensions dans le couple. Heureusement que nous n’avons pas eu d’enfant, car je n’ose pas imaginer l’impact d’une telle procédure sur toute une famille ! ». Surtout que ce délai minimum des 3 ans peut s’allonger et atteindre une douzaine d’années, en cas de désaccord entre les conjoints. Sans compter le coût de cette double procédure (2000 euros pour la séparation, 4000 pour le divorce). Tout cela décourage Francesca : « Je ne suis même pas sûre d’avoir la force d’aller jusqu’au divorce ! ». Comme elle, 40% des couples dont la séparation est prononcée n’iront pas jusqu’au bout. Pour eux, la séparation en vient finalement à jouer le même rôle en Italie que le divorce dans les autres pays européens. A la différence près qu’elle fait perdurer des liens entre ex-époux (au niveau patrimonial notamment) et elle les prive de remariage. Si tant est qu’ils en aient encore envie ! Maître Gian Ettore Gassani ne voit pas d’autre issue qu’une profonde réforme de la loi de 1970 : « Ces 3 ans de réflexion représente une trop longue attente. Il est temps pour l’Italie d’abolir ce délai archaïque et de permettre enfin aux Italiens de divorcer facilement… comme dans le reste de l’Europe, y compris dans la très catholique Espagne ! » Divorces à bas coût en Roumanie Dépoussiérer le droit du divorce permettrait aussi d’enrayer un phénomène en plein essor : le « divorce low cost » dans un pays membre de l’Union européenne. La Roumanie propose les meilleurs tarifs et conditions : pour un divorce bouclé en 6 mois, il faudra débourser environ 1500 euros. Quelques cabinets français, espagnols et anglais exploitent aussi le filon. Sur internet, les sites fleurissent : les démarches sont traduites en italien. Pratique et pas cher. En 5 ans, on estime que 8000 couples italiens ont opté pour cette formule. Il leur suffit ensuite de faire reconnaître leur divorce en Italie. « Cette situation a trop duré », selon l’association « Pour un divorce rapide », qui est liée au Parti radical. Son secrétaire, Diego Sabatinelli, souhaite une prise de conscience au niveau politique. Il énumère ses arguments, avant de mettre le doigt sur le budget de la Justice : « La double procédure – séparation et divorce – pèse très lourdement sur les tribunaux italiens : chaque année, l’Etat y consacre environ 440 millions d’euros. Pourquoi ne pas abolir la phase de séparation ? Cela arrangerait tout le monde ». Cet ultime argument pourrait faire mouche, alors que l’Italie est plongée dans une période inédite d’austérité. Il se pourrait que la mesure soit envisagée, au détour d’une énième coupe budgétaire.

Répères

Parce que le divorce est long, coûteux et difficile à obtenir, l’Italie peut se targuer d’avoir un taux de divorce parmi les plus bas d’Europe : seulement 0,9 divorce pour 1000 habitants en 2009. Mais ce chiffre est biaisé, car il ne prend pas en compte les très nombreuses séparations (1,4 séparation pour 1000 habitants). Si on les comptabilise aussi, l’Italie arrive au même point que la France, avec ses 2,1 divorces pour 1000 habitants. Le record européen revenant à la Belgique, avec 3,3 divorces pour 1000 habitants. Source :  Eurostat 2009
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