Fil d'Ariane
Deux ans après un arrêt historique de la Cour suprême, l'avortement s'impose comme un thème incontournable du match électoral entre Donald Trump et Joe Biden. Il sera sans aucun doute au coeur de leur premier duel télévisé de cette campagne pour la Maison Blanche.
Le premier débat télévisé entre les deux candidats à la présidentielle américaine de novembre 2024 aura lieu ce 27 juin 2024.
"C'est une crise sanitaire, et nous savons qui est responsable : Donald Trump" attaque la vice-présidente Kamala Harris, dans un discours.
Le 24 juin 2022, la haute cour, profondément remaniée par l'ancien président, renversait la célèbre jurisprudence Roe v. Wade qui garantissait le droit fédéral des Américaines à avorter, rendant à chaque Etat sa liberté de légiférer.
Manifestion des pro-avortement devant la Cour suprême des Etats-Unis à Washington, à l'occasion du deuxième anniversaire de l'annulation de l'arrêt Roe v. Wade
Depuis, le pays est fracturé entre la vingtaine d'Etats ayant décrété des interdits ou de fortes restrictions, principalement situés dans le Sud et le centre, et ceux des côtes, qui ont adopté de nouvelles protections. La décision de la Cour suprême a précipité l'Amérique dans une profonde incertitude juridique, en ouvrant d'autres questions autour de la fécondation in vitro par exemple.
Le temple du droit américain doit d'ailleurs rendre prochainement une autre décision très attendue. La Cour suprême doit décider si les hôpitaux de l'Idaho doivent suivre les consignes fédérales et procéder à des avortements dans certaines situations mettant en péril la santé des femmes, ou s'ils sont soumis à la quasi-interdiction décidée par cet Etat conservateur.
[traduction : Il y a deux ans aujourd’hui, la Cour suprême a conféré un droit constitutionnel au peuple américain – aux femmes américaines. Soyons clairs : le président Biden et moi ne cesserons jamais de lutter pour la liberté des femmes de prendre des décisions concernant leur propre corps.]
Les démocrates estiment tenir avec la défense du droit à l'avortement un argument massue pour grappiller de précieuses voix chez les femmes et chez les jeunes. Depuis l'arrêt de la Cour, les conservateurs ont perdu quasiment chaque référendum ou scrutin qui évoquait la question de l'avortement, même dans des Etats qui leur sont d'habitude largement acquis, comme l'Ohio, l'Alabama ou le Kansas.
[traduction : L'annulation de Roe v. Wade a conduit à une crise des soins de santé dans tout notre pays. Des lois ont été proposées et adoptées qui criminalisent les médecins et ne font aucune exception pour le viol ou l'inceste. Dans la lutte pour protéger les libertés reproductives, nous devons restaurer Roe.]
Le mouvement pro-avortement a découvert que les Américains se souciaient bien plus de ce droit qu'ils ne l'avaient anticipé. Et donc ils essaient de tirer parti de cette situation par le biais d'initiatives électorales. Professeure Mary Ziegler de l'Université de Californie
Au cours des deux dernières années, "le mouvement pro-avortement a découvert que les Américains se souciaient bien plus de ce droit qu'ils ne l'avaient anticipé", relève la professeure Mary Ziegler de l'Université de Californie, Davis. "Et donc ils essaient de tirer parti de cette situation par le biais d'initiatives électorales", explique-t-elle à l'AFP.
Le président Joe Biden, un catholique pratiquant longtemps frileux sur la question, est lui-même devenu un champion du droit à l'avortement, et ne se privera pas de le rappeler lors du premier débat avec son rival ce 27 juin 2024. Son équipe de campagne a dévoilé un clip publicitaire dans lequel une femme raconte avoir essuyé un refus de soin en Louisiane pour une fausse couche à 11 semaines de grossesse, "une conséquence directe" des décisions de l'ancien président, lance-t-elle face caméra.
Les démocrates ont encouragé l'organisation de mini-référendums sur l'avortement dans plusieurs Etats décisifs, afin qu'ils soient tenus le même jour que l'élection présidentielle. Leur logique est simple : les voix pro-avortement pourraient grandement profiter à Joe Biden et mobiliser des électeurs et électrices qui auraient autrement pu être tentés de snober le scrutin.
Sur l'avortement, Donald Trump, qui ne rate pourtant pas une occasion de rappeler que c'est par ses nominations de juge que la Cour suprême a effectué son revirement historique, est désormais délibérément ambigu. "Il faut suivre son âme et conscience sur cette question, mais n'oubliez pas qu'il faut aussi remporter des élections", a-t-il déclaré dans une vidéo début avril. Le candidat républicain ne fait par exemple pas campagne sur une très impopulaire promesse d'interdiction de l'avortement dans tout le pays au travers d'une loi fédérale, comme le voudrait la droite religieuse.
Des manifestants anti-avortement se sont rassemblés devant la Cour suprême des Etats-Unis à Washington, pour célébrer le deuxième anniversaire de l'annulation de l'arrêt Roe vs Wade, le 24 juin 2024.
"Le mieux que vous puissiez faire si votre position est impopulaire... c'est de ne pas la clarifier", souligne la professeure Mary Ziegler.
Selon une enquête d'opinion de Fox News, 47% des électeurs considèrent la question de l'avortement comme "extrêmement importante" pour départager Joe Biden et Donald Trump.
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