Fil d'Ariane
La police de Téhéran porte plainte contre deux célèbres actrices apparues en public sans le voile obligatoire. Mi-avril, elle annonçait qu'elle allait utiliser des caméras pour sanctionnercelles qui persistent à ne plus porter le voile, ou à le porter de manière "incorrecte".
"La police de Téhéran a annoncé le dépôt d'une plainte en justice contre Katayoun Riahi et Pantea Bahram pour avoir commis le crime de retirer le hijab en public et avoir publié des photos sur internet", annonçait le 23 avril l'agence de presse iranienne Tasnim. Les deux actrices ont été primées à plusieurs reprises au festival Fajr de Téhéran, la plus importante manifestation cinématographique du pays.
Bahram y Riahi han ganado varios premios en el Festival Internacional de Cine Fajr, el principal evento cinematográfico de Irán.#ElDeber | #Iránhttps://t.co/IxK8FwMcwg
— EL DEBER (@grupoeldeber) April 25, 2023
Le crime de Pantea Bahram ? Poser tête nue lors d'une projection dans un cinéma de la capitale. Ses photos étaient devenues virales sur les réseaux sociaux.
C’EST SANS VOILE obligatoire en #Iran et malgré les risques de représailles, que l’actrice iranienne Panthea Bahram s’est présentée mercredi 19 avril au cinéma Lotus, dans le sud de Téhéran, pour la projection de la série « La peau du Lion », suscitant l’admiration de ses pairs. pic.twitter.com/3l4iRAcQOd
— Armin Arefi (@arminarefi) April 21, 2023
En représailles, le directeur du cinéma a été licencié en raison des scandales suscités lors de la projection du dernier épisode de Lion’s Skin, déclarait le 20 avril un directeur adjoint de l’Organisation du cinéma d’Iran, affiliée au ministère de la culture, cité par l’agence de presse iranienne Mehr.
Le 16 avril, les autorités annonçaient que plus de 150 établissements commerciaux avaient été fermés en 24 heures parce que leur propriétaire ou gérant ne respectait pas l'obligation du port du voile par des employées.
Le directeur du cinéma Lotus de #Téhéran licencié après que l'actrice Pantea Bahram ait assisté à un événement sans porter le #hijab obligatoire. https://t.co/16Uyn5IuTP #iranprotest #IranRevolution
— csdhi.org (@CSDHI) April 25, 2023
L'actrice de 61 ans Katayoun Riahi a publié de nombreuses photos similaires, prises dans les lieux publics à Téhéran. Elle était la première actrice iranienne à oser publier de telles images sur les réseaux sociaux pour soutenir le mouvement de contestation. Elle a été libérée fin novembre sous caution après plus d'une semaine de détention pour avoir publié des photos sans voile sur sa page Instagram en solidarité avec les manifestants.
Comme Katayoun Riahi et Pantea Bahram, plusieurs artistes et célébrités ont exprimé leur soutien au mouvement de protestation mené par les femmes sous le slogan "femme, vie, liberté" depuis la mort en détention de Mahsa Amini, arrêtée pour infraction au strict code vestimentaire. Accusés par les autorités de la République islamique d’"attiser les flammes des émeutes", certains contestataires ont été convoqués par les autorités, voire interdits d'exercer leur métier, et maintenant arrêtés.
Le ministre de la Culture a notamment interdit aux femmes artistes de retirer leur hijab en public. Or ces derniers mois, de plus en plus de femmes sont apparues sans voile dans la rue.
Tant et si bien que la police iranienne a mis en place des caméras intelligentes pour sanctionner les femmes qui persistent à ne plus porter le voile – ou à le porter de manière incorrecte en public – comme elle le fait déjà pour traquer les infractions au code de la route. Selon une vidéo publiée sur le site d’information officiel Tasnim, les femmes filmées sans hijab à l’intérieur d’un véhicule recevront des avertissements par SMS de la part de la police et que leur véhicule pourrait être confisqué si elles ignorent ces avertissements. Difficile de dire, pourtant, combien de ces caméras ont été installées pour l'heure.
De nombreuses femmes iraniennes ne semblent pas découragées par cette surveillance accrue. Une série de vidéos jugées crédibles circulent sur les réseaux sociaux, qui montrent des femmes non voilées en public, dans différentes régions du pays, au mépris de la loi sur le hijab.
Une vidéo reçue par l'opposante en exil Masih Alinejad et diffusée sur sa chaîne Telegram montre une femme tête nue, marchant dans une rue la nuit et levant les bras dans un geste de défi alors qu’elle et d’autres femmes chantent "Radan, va-t’en", une référence au chef de la police iranienne, et "mort au dictateur", une référence au guide suprême, l’ayatollah Ali Khamenei.
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