Un entraînement digne d’un athlète olympique
Ce sera la troisième fois que Véronique participera au concours mondial mais cette fois, elle aimerait bien au moins se hisser jusqu’à la finale. Tout un défi car les meilleurs sommeliers de la planète vont se retrouver là – ils seront une soixantaine - et la lutte s’annonce très serrée.
En attendant, Véronique compte les jours d’ici la fin mars car le temps presse pour se préparer le plus possible au jour J. Elle passe donc ses journées plongée dans ses livres de référence et autres bibles du vin, ainsi que dans d’intenses séances de dégustation à l’aveugle et de préparation au service. Car elle va devoir subir trois épreuves lors de ce concours.
La première est une sorte d’examen théorique sur l’univers du vin mais aussi de tout ce que l’on peut servir à boire dans un restaurant… bières, spiritueux, saké, thé, café et même les eaux minérales ! Des connaissances encyclopédiques en quelque sorte, surtout qu’il faut aussi avoir de solides notions en gastronomie pour savoir harmoniser les vins et les mets. « On doit tout savoir sur tout, ce qui est absolument impossible, me confie Véronique avec un grand sourire. Donc une chose importante c'est de réaliser qu'on ne saura jamais tout et de ne pas paniquer parce qu'on ne sait pas tout sinon c'est partie perdue d'avance ».
Qui plus est, le monde du vin est en constante évolution, de plus en plus de pays produisent du vin maintenant, il faut donc en apprendre chaque jour davantage. Dominic Maury, qui est le mari de Véronique et son entraîneur, me le confirme : « un champion du 100 mètres, c'est toujours 100 mètres qu'il a à courir... en sommellerie à chaque fois la matière augmente, la planète vin explose, il y a toujours des nouvelles choses y'a des règles qui changent ... donc c'est une matière en complète évolution. »
C’est Dominic qui aide Véronique à s’entraîner lors des fameuses dégustations à l’aveugle. Véronique doit analyser plusieurs verres de vins et de spiritueux dans un temps imparti et dans une langue autre que sa langue maternelle, donc en anglais dans son cas. Il existe trois langues acceptées dans les concours internationaux de sommellerie : le français, l’anglais et l’espagnol. De quoi corser la difficulté que de décrire un vin dans une autre langue que la sienne… dans le cas de Véronique, elle n’a aucun problème puisqu’elle est parfaitement bilingue.
« Contrairement à ce que les gens pensent, ce n'est pas simplement deviner ce qui est dans le verre c'est vraiment faire une analyse complète du produit, m’explique Véronique. Lors de cette analyse, ça n'arrête pas de tourner dans notre tête, c’est comme un petit hamster qui court tout le temps où on fait ça parce que chaque évaluation que ce soit au niveau visuel, olfactif ou gustatif nous amène des indices… ».
Véronique nous a fait plusieurs démonstrations au cours du tournage que nous avons fait avec elle et c’était absolument fascinant de la regarder travailler et décrire avec précision le vin qu’elle dégustait. Enfin déguster n’est pas vraiment le mot parce qu’elle ne le buvait pas ! Elle « crache » dans un petit récipient le précieux liquide.
Enfin la troisième et dernière épreuve est celle du service, le décantage du vin, sa mise en carafe, et le servir aux clients. Véronique nous a confié à quel point cette épreuve pouvait être stressante et impressionnante car elle se fait souvent devant public et les « clients » qu’il faut alors servir sont les membres du jury qui sont eux-mêmes d’excellents sommeliers, souvent d’anciens champions du monde. Ces épreuves pratiques sont celles qui stressent le plus Véronique dont la grande force reste les connaissances théoriques, renforcées par sa carrière de 20 ans dans le domaine.
Femme parmi les hommes
Si au Québec et au Canada il y a maintenant autant de femmes que d’hommes dans le domaine de la sommellerie, Véronique m’explique que c’est encore loin d’être le cas dans les concours internationaux. Les femmes y prennent tranquillement leur place mais il y a encore beaucoup de résistance et de machisme d’après la Québécoise. « La question ne se pose même plus chez nous mais d'évoluer à l'international, j'ai réalisé que ah ah c'est pas partout comme ça encore. Y'a des pays où c'est encore pas mal macho où justement on n'imagine même pas qu'une femme puisse faire ce métier-là ou qu'une femme n'a pas sa place à conseiller quelqu'un sur les vins ».
En 2010 par exemple, lors du dernier concours mondial, quatre femmes ont réussi à se hisser parmi les douze concurrents qui ont fait les demi-finales, une première ! « Là, y'avait quelques sommeliers justement des vieux pays macho qui faisaient la gueule, s’exclame Véronique en riant… J'en connais pas beaucoup mais y'en a quelques-uns encore qui pensent que pour être un sommelier la condition première c'est d'être un homme. »
Pour l’anecdote, Véronique m’a raconté que lors du concours de meilleur sommelier des Amériques, elle avait perdu des points lors d’une épreuve parce qu’elle ne portait pas une chemise fermée jusqu’au cou avec une cravate ! Elle a dû emprunter une cravate d’urgence à un collègue pour la suite du concours… Un petit côté guindé qui l’agace…
Jusqu’ici, aucune femme n’a encore réussi à être parmi les trois finalistes du concours du meilleur sommelier du monde. Et aucun nord-américain ou sud-américain n’a encore réussi à remporter ce concours. En mars prochain, peut-être, à Tokyo…
Une femme passionnée… et passionnante
Véronique Rivest est une femme formidable et notre rencontre a été passionnante. Pour le tournage, elle nous a ouvert les portes de sa maison de Chelsea, un paradis perdu au bord d’un lac qui ressemble à la caverne d’Ali Baba pour tout amateur de vin, car il y a des bouteilles partout, ce qui donne envie de s’y perdre avec un verre et un tire-bouchon en guise de compagnons ! Les bouteilles viennent du monde entier, des vins grecs, espagnols, portugais, sud-africains, néo-zélandais, un tour du monde viticole réuni dans quelques mètres carrés. Quel beau métier quand même !
Un univers passionnant et fascinant dans lequel Véronique compte rester encore de nombreuses années puisqu’elle a l’intention d’ouvrir un bar à vin à Gatineau, tout près d’Ottawa, un bar où elle sera bien sûr la sommelière pour ainsi faire connaître et déguster sa passion à tous les clients.« J’irai avec grand plaisir le jour où il ouvrira, ce qui devrait se faire prochainement… En attendant, bonne chance à Véronique pour le concours de meilleur sommelier du monde !»
Attention, le visionnement du reportage ci-joint risque de vous donner très envie de boire un petit verre après…