Comme le rappelle l'historienne du cinéma Brigitte Rollet dans un petit livre percutant paru bien à propos en ce début du mois de mars 2017 : "En 2015, Hollywood a été dénoncé par certains comme l’industrie la plus misogyne des États-Unis et les enquêtes officielles pour sexisme se succèdent. En 2014, l’ONU-femme conclut une étude sur l’impact du cinéma en affirmant qu’il perpétue la discrimination contre les femmes. La même année, le premier rapport du CNC sur la place des femmes dans les métiers de l’audiovisuel démontrait, chiffres et statistiques à l’appui, les écarts énormes de salaires, budgets et soutiens. Les résultats publiés en 2016 de l’enquête d’EWA (European Women’s Audiovisual network) sur les réalisatrices dans 7 pays d’Europe, dont la France, illustrent à la fois la dimension internationale du phénomène mais également les spécificités nationales et surtout les initiatives récentes pour y remédier."
Inégalités à tous les étages

Concernant la production, les femmes sont payées en moyenne 38% de moins que leurs homologues masculins. Les budgets accordés aux réalisatrices sont aussi inférieurs : 3,5 millions d'euros en moyenne contre 4,7 millions pour les hommes. La répartition des professions du cinéma montre clairement une division femmes/hommes: 96% des scriptes, 88,4% des costumiers et 74% des coiffeurs-maquilleurs sont des femmes.
A l'inverse, elles ne représentent que 21% des réalisateurs de longs métrages agréés, alors que la parité existe à la sortie des écoles de réalisation.
Maïmouna Doucouré, Cesar 2017 du meilleur court-métrage avec "Maman(s)", aux côtés d'Alice Diop pour "Vers la tendresse", raconte ainsi ses hésitations à se lancer dans la profession : "Longtemps, je me suis auto-inhibée, de façon inconsciente, parce que je ne voyais pas, dans le paysage audiovisuel français, des gens qui me ressemblent".
D'autres visions du monde
Une profession de foi qui s'incarne parfaitement avec le film d'ouverture, et en avant première, "A mon âge je me cache encore pour fumer", premier essai cinématographique de l'épatante dramaturge Rayhana, et produit par Costa et Michèle Ray Gavras.
Rayhana
A l'hebdomadaire Jeune Afrique, Rayhana confiait : "Le titre résume l’absurdité de l’interdiction faite aux femmes, même pour quelque chose d’aussi insignifiant qu’une cigarette. Si les femmes sont mal vues quand elles fument, ce n’est pas parce que l’on s’inquiète pour leur santé, mais parce qu’elles passent pour des putains. J’utilise le langage des hommes pour les attaquer. On m’a traitée de pute. J’assume ce que je dis, alors, s’ils me voient ainsi, j’en suis fière."
> Demandez le programme du Festival intenational de films de femmes de Créteil
Chaque année, le Festival international des films de femmes met à l'honneur le documentaire grand format. Parmi la sélection d'une quinzaine de films, cet "Ovarian Psycos", venu des Etats-Unis, signé par deux cinéastes - Joanna Sokolowski and Kate Trumbull-LaValle -, au sujet très actuel, la (re)prise de l'espace public par les femmes. Les Ova's, juchées sur leurs bicyclettes explorent les rues la nuit, en particulier celles réputées dangereuses des quartiers Est de Los Angeles. Elles sont féministes, activistes, urbaines, menées par Xela de la X, poète et mère célibataire. Et elles veulent en finir avec les violences, le racisme qui ciblent les femmes de cette zone.
Toutes nos rencontres autour des précédentes éditions du festival, à retrouver dans Terriennes :
> Quand Alice Diop nous entraîne "vers la tendresse" au masculin
> Béatrice Thiriet, profession : compositrice de musique de film
> Une société de production par et pour les femmes : Juliette Binoche et Jessica Chastain s'engagent
> L'aventure des réalisatrices équitables du Québec
> A corps et à cris au Festival des films de femmes 2014
> A Créteil, le cinéma fait genre
> Les bonnes à l'affiche du festival de Créteil