Si Facebook a changé la façon de communiquer dans le monde, c'est désormais la manière dont les femmes sont traitées dans le monde des affaires que veut changer. La directrice générale de Facebook, qui vient d'entamer la tournée de promotion pour son livre, “Lean In” (que l'on pourrait traduire par "Impliquez-vous"), à New York, s'est d'abord penchée sur les statistiques : du fossé salarial au nombre réduit de femmes à la tête d'entreprises, sans oublier leur absence remarquée dans la Sillicon Valley. Le constat est clair : les femmes ont beau avoir plus de diplômes universitaires que les hommes, elles n'ont que peu progressé ces dernières années dans le monde des affaires. Ainsi de 1,4 % en 2003, le pourcentage de femmes PDG n'est passé qu'à 4,2% en 2013 aux Etats-Unis, alors que 36% des femmes ont un diplôme universitaire aujourd'hui, contre seulement 28% des hommes. Malgré les lois, l'Europe n'est pas mieux lotie Sheryl Sandberg s'est ensuite penchée sur d'autres études, celle montrant par exemple qu'une femme qui a du succès est souvent mal aimée et jugée « agressive » par ses collègues, hommes et femmes confondus, tandis qu'un homme dans le même cas est admiré par les deux groupes. Ou une autre, prouvant que les femmes intègrent tant de stéréotypes, qu'elles décident, parfois inconsciemment, de rester à l'écart de la course à la promotion, de peur d'avoir du mal à mener de front vie professionnelle et vie familiale, et ce, avant même d'être mariée ou d'avoir un enfant ! « La situation européenne est un bon indicateur, déclarait Sheryl Sandberg à l'occasion de sa présentation à New York, alors qu'elle était interviewée par Chelsea Clinton (la fille de Bill et Hillary), devenue journaliste à NBC News. Les lois en faveur des femmes sont bien plus nombreuses qu'aux Etats-Unis, que ce soit des quotas dans les conseils d'administration ou des congés maternité plus généreux, or environ 1% de femmes seulement gèrent leur propre entreprise ». Une place de parking pour les femmes enceintes Au delà des lois, c'est donc pour une révolution culturelle que milite Sheryl Sandberg. « Mon fils m'a demandé, à l'occasion de l'élection de Barack Obama, si les femmes avaient le droit d'être président », raconte-t-elle. Dans un pays qui a connu le racisme institutionnalisé, l'anecdote est révélatrice. « Je ne veux pas que ses propres enfants lui posent encore la même question », conclut-elle.
La businesswoman veut aussi changer les perceptions : « Si un homme d'un certain âge est dans un bar avec un jeune collègue après le travail, c'est parce que c'est son mentor. Mais si c'est une jeune femme dans un bar, l'image est très différente », sourit-elle. Pourtant, les femmes doivent impérativement solliciter un bon mentor pour progresser dans le monde de l'entreprise, de même qu'elles doivent se choisir un bon partenaire en amour, qui assumera 50% des tâches du foyer - ménage ou éducation des enfants. Bien sûr, la directrice générale a mis en place la flexibilité des horaires chez Facebook, et s'impose de partir le plus souvent possible à 17 heures trente pour profiter de ses deux enfants. Et elle a exigé des places de parking juste en face du bureau pour les femmes enceintes. Toutefois, son manifeste en faveur des femmes n'a pas que des supporters. Certains - et certaines - estiment qu'elle a beau jeu de parler d'équilibre entre vie professionnelle et vie privée, puisqu'elle est assez riche pour s'offrir nounou et femme de ménage... Le Guardian, quotidien britannique proche du parti travailliste, a publié une critique sévère
sous la plume de Zoe Williams : "Ce n'est pas un livre sur la façon dont les femmes peuvent gagner plus d'égalité entre les sexes : c'est un livre sur la façon dont les femmes pourraient devenir comme Sheryl Sandberg. Vous devriez être capable de décider assez vite si c'est un but facile à atteindre ou pas…" Mais dans sa volonté de changer « la conversation » sociétale sur les femmes, Sheryl Sandberg, qui affirme ne pas avoir publier un livre féministe, a pourtant obtenu le soutien de la féministe américaine
Gloria Steinem. « Ceux qui la critiquent confirment sans le vouloir l'un des arguments du livre : ils refusent à une femme de talent la possibilité de donner des conseils, alors qu'ils l'accordent à un homme », a déclaré cette dernière à la sortie de « Lean in ».
Lysiane J.Baudu
Ancienne grand reporter à La Tribune, Lysiane J. Baudu a rencontré, pendant ses 20 ans de journalisme international, des femmes du monde entier.
Ces "rencontres" feront l'objet de billets, qui lui permettront de faire partager ses impressions, ses analyses, son ressenti au contact de ces femmes, dont l'action professionnelle fait sens pour toutes les autres, de même que pour la société.