Passée presque inaperçue dans les médias locaux, cette réforme constitue une étape essentielle pour les femmes du Mozambique à disposer librement de leur corps. Dans ce pays pauvre de l'Afrique de l'est où l'on compte en moyenne 5 enfants par femme, la législation sur l'avortement remonte au 19e siècle et au code pénal mis en place par les colons portugais. L'interruption de grossesse était interdite, sauf en cas de danger de mort pour la mère.
D'après le nouveau code pénal, les interruptions volontaires de grossesses devront être assurées, sous certaines conditions, par des médecins habilités, dans des établissements de santés officiellement reconnus. L'interruption de grossesse doit intervenir dans les douze premières semaines, et nécessite le consentement écrit de la mère et de deux médecins. Un délai porté à seize semaines dans les cas de viol ou d'inceste.
Le nouveau code pénal entrera en vigueur six mois après la publication de la loi révisionnelle la semaine prochaine. Durant ce laps de temps, le Ministère de la santé doit préparer une loi encadrant l'interruption volontaire de grossesse. Mes des incertitudes demeurent. Qui sera habilité à pratiquer les IVG ? Sages-femmes, gynécologues ? Quels types de structures de santé et quels types de médicaments pourront être utilisés ? Les complications suite aux avortements clandestins représentent 11% des décès maternels au Mozambique, selon les organisations civiles.
La plupart des pays africains ont hérité des lois coloniales très restrictives en matière d'interdiction de l'avortement. Ainsi, chaque année, 4 à 5 millions de femmes africaines avortent clandestinement, souvent dans des conditions sanitaires déplorables et dangereuses. Le taux d'avortement moyen pour l'Afrique chez les femmes de 15-44 ans, est estimé à 29 pour 1 000, 22 pour 1 000 en Afrique du Nord, 39 pour 1 000 en Afrique de l'Est, selon l'Union suisse pour décriminaliser l'avortement (USPDA) qui lutte pour le droit à une maternité librement choisie. Les décès suite aux complications sont estimés à 30 000 par an. En Ethiopie, par exemple l'avortement illégal est la première cause des hospitalisations chez les femmes et l'OMS estime que le 70 % des femmes hospitalisées pour cette raison décèdent. Au Nigeria, le nombre d'avortements est estimé à plus de 600 000 par an malgré une loi extrêmement restrictive. Le taux d'avortement est de 25 pour 1 000 femmes de 15 à 44 ans, et 60 % de ces interventions sont faites par des non-professionnels ou par la femme elle-même.
Des législations plus permissives existent au Bénin, au Cameroun, en Côte d’Ivoire, au Malawi ou encore Mali, si cela permet de sauver la vie de la femme. Au Burkina Faso, par exemple, la loi autorise l’avortement à certaines conditions, en cas de viol, d’inceste, de malformation fœtale, ou si la femme est dans des conditions de santé qui ne lui permettent pas de mener à terme sa grossesse, mais cette législation est peu connue et la tendance reste à recourir à une procédure clandestine, l'avortement demeurant tabou. A l'échelle du monde, selon l'Organisation mondiale de la santé, une grossesse sur cinq se termine par une interruption volontaire et près de 47.000 femmes meurent suite aux complications liées aux avortement non médicalisés.
20.12.2014Journal Afrique
Entretien avec Sandrine Simon, référente à Médecins du monde pour la santé sexuelle et reproductive.