C'est une grève en Jordanie qui a attiré l'attention sur le phénomène : le gouvernement du Myanmar exporte non seulement du gaz naturel, du bois, du riz ou du jade, mais aussi des travailleurs – et des travailleuses. Selon le gouvernement de Rangoon, ce serait plus de 4 millions de personnes qui s'expatrieraient pour travailler, sur une population de quelque 60 millions de personnes, et parmi eux, la moitié environ sont des femmes.
Des femmes qui se sont mises en grève le mois dernier en Jordanie, tant les conditions de travail dans une fabrique de vêtements étaient invivables. Mal payées, mal traitées, mal nourries, les 1300 ouvrières birmanes ont dit stop. Débrayages, conférences de presse, marches, elles ont tout essayé pour faire évoluer leur situation. L'employeur n'a rien voulu entendre. Au contraire, les femmes auraient été intimidées, traînées en dehors de leur dortoir, battues, et renvoyées à l'usine. Certaines ont réussi à repartir au pays.
Mais la majorité va devoir rester au Moyen Orient. Elles se sont endettées pour partir à l'étranger, et doivent continuer de courber l'échine pour rembourser. Avec un salaire inférieur à 200 dollars par mois, cela ne sera pas chose facile. D'autant que si le gouvernement de Rangoon organise le départ de milliers d'ouvriers vers l'Asie du Sud Est et le Moyen Orient, certains partent illégalement, par le biais d'agences véreuses.
Malgré les récentes avancées politiques au Myanmar, le phénomène de l'émigration économique, qui frappe bien d'autres pays pauvres, ne cesse de croître. Selon les statistiques de la Banque Mondiale, les remises d'argent de la part des travailleurs – et des travailleuses – émigrés birmans s'élevaient à 115 millions de dollars en 2010, à 127 en 2011, et sont estimés à 566 millions de dollars pour 2012.
Autant dire que les émigrées birmanes contribuent dans des proportions significatives au PIB du pays (89,23 milliards du dollars estimés par la CIA pour 2012). Et ce sont ces mouvements de fonds en provenance de l'étranger qui ont forcé la junte militaire à accorder des licences aux banques pour qu'elles puissent effectuer des opérations internationales. Les femmes, facteur de l'ouverture économique du Myanmar. Mais à quel prix ?
Lysiane J.Baudu
Ancienne grand reporter à La Tribune, Lysiane J. Baudu a rencontré, pendant ses 20 ans de journalisme international, des femmes du monde entier.
Ces "rencontres" feront l'objet de billets, qui lui permettront de faire partager ses impressions, ses analyses, son ressenti au contact de ces femmes, dont l'action professionnelle fait sens pour toutes les autres, de même que pour la société.