D’après cette enquête, certains professionnels de la santé qui récupèrent une femme, quand l’avortement a été raté, préfèrent ne pas savoir ce qui s’est passé pour ne pas avoir des problèmes. En revanche dans d’autres cas similaires, l’acte médical se transforme en interrogatoire dur et inquisiteur - elle se recroqueville dans son lit en même temps que son visage se transforme sous la crainte de la dénonciation. Un médecin interrogé sur le sujet fait part du sentiment de désarroi et de vulnérabilité de ces femmes que se rendent dans les services d’urgence, après une IVG qui s’est mal passée.
Des sages femmes font valoir qu’en général médecins et personnels hospitaliers sont issus de milieux conservateurs et qu’ils se transforment en délateurs quand il y a soupçon d’avortement.
La peur de mourir règne chez toutes les femmes interrogées. La panique de ne pas se réveiller après l’anesthésie ou de ne pas survivre à une hémorragie provoquée par le Misoprostol, se révèle dans tous les témoignages, sans distinction de classe, d’âge ou de type d’avortement pratiqué.
Le pouvoir lance des signes anormaux de surdité Le Chili est-il prêt à entendre les recommandations des organismes internationaux qui, depuis une dizaine d’années, ne cessent de lui dire de réviser la loi et de dépénaliser l’avortement en toutes circonstances ? A chaque fois, le Chili s’est vu confronté à diverses commissions des Droits de l’Homme, Comité des Droits de l’enfant, Comité pour l’élimination de toute forme Discrimination à l’encontre des femmes, etc, sur ce sujet.
En mai 2010, lors de l’Examen Périodique Universel de l’ONU, le passif chilien en matière des droits de l’homme a été présenté et la question de l’avortement fut posée. Le pays accepta toutes les recommandations formulées pour les pays membres, sauf celles demandant l’adéquation de la législation nationale sur l’avortement aux normes internationales des Droits humains. Encore une fois, le pays a manifesté des signes anormaux de surdité aggravée.
Il y eu trois tentatives pour dépénaliser l’avortement et toutes furent rejetées par le Sénat. Même la candidate de la coalition de droite à la présidentielle du 17 novembre 2013, Evelyn Matthei, alors sénatrice en 2010, a proposé un projet de loi pour autoriser l’avortement thérapeutique.
Volte-face et euphémismesPour la première fois, l’avortement et la liberté contraceptive se sont introduits dans les débats de campagne. Le sujet est entré dans l’agenda sans demander la permission. La question s’est imposée et les candidat-e-s à la présidence du pays, quelque peu embarrassés, ont dû faire face à une réalité chilienne qui renvoie à des temps moyenâgeux.
Volte face pour la candidate Matthei, qui a dû faire profil bas sur ses opinions personnelles, car «
elle n’est pas toute seule et elle représente une coalition. Nous sommes opposés à l’avortement sous toutes ses formes » réaffirme un porte-parole de la candidate, «
essentiellement pour des motifs relatifs à la morale ».
De l’autre coté, à l’aide d’une batterie d’euphémismes, le Plan de Gouvernement de Michelle Bachelet, candidate de la gauche, ex présidente du Chili (2006-2010), ex directrice exécutive de
ONU femmes, médecin elle même, et favorite selon les sondages, a ouvert la voie, en déclarant qu’elle fera tout son possible pour la légalisation de l’avortement thérapeutique, mais de lui seul. Cette dépénalisation se fera dans le cas où la femme est en danger de mort, de grossesse suite à un viol ou de graves anomalies du foetus. Dans son plan de gouvernance, elle propose une éducation sexuelle «
laïque et humaniste ».
Il est grand temps que l’Etat chilien puisse avoir le courage de laisser derrière lui ses entraves doctrinaires, religieuses, traditionalistes et conservatrices afin de laisser aux femmes la liberté de décider quoi faire de leur corps.