Fil d'Ariane
Faire respecter les droits des femmes à disposer de leurs corps au lieu de cultiver l'anxiété face à la surpopulation. Telle devrait être la priorité des gouvernements selon les Nations unies.
Y a-t-il trop d'habitants sur Terre ? Selon le Fonds des Nations unies pour la population (FNUAP), en charge des questions de santé sexuelle et reproductive, là n'est pas la question principale.
Dans son rapport annuel sur l'état de la population mondiale, le FNUAP constate que la population mondiale est en général jugée trop nombreuse, alors que le passage de la barre des huit milliards d'habitants devrait plutôt être une raison de se réjouir. De fait, "c'est une étape qui représente des avancées historiques pour l'humanité dans les domaines de la médecine, de la science, de la santé, de l'agriculture et de l'éducation", peut-on lire dans le rapport.
(Re)lire aussi dans Terriennes ► 8 milliards d'êtres humains, mais combien de femmes ?.
Au lieu de s'inquiéter du pic attendu à 10,4 milliards d'êtres humains sur la planète dans les années 2080, le monde devrait se préoccuper des difficultés des femmes à exercer leurs droits en matière de procréation, estime le rapport du FNUAP. Les Nations unies appellent ainsi à repenser radicalement la démographie en se concentrant sur les droits des femmes.
Chaque année, un demi-million de naissances ont lieu chez des filles âgées de 10 à 14 ans.
Natalia Kanem, directrice du Fonds des Nations unies pour la population
Selon Natalia Kanem, qui dirige le FNUAP, la question principale n'est pas de savoir si la population est trop nombreuse, mais si "chacun peut exercer son droit fondamental à choisir le nombre de ses enfants et l'espacement des naissances."
Or la réponse est négative pour près de la moitié des femmes (44%) : "Elles ne peuvent pas choisir leur contraception, leurs soins de santé et décider si elles veulent avoir des relations sexuelles ni avec qui. Et dans le monde, près de la moitié des grossesses ne sont pas désirées... Chaque année, un demi-million de naissances ont lieu chez des filles âgées de 10 à 14 ans", observe ainsi amèrement Natalia Kanem.
|Selon la FNUAP, 14% des marocaines se marient avant l'âge de la majorité (18 ans).
— Moroccan History (@MoroccanSories) April 23, 2023
Au Maroc, 14% des mineures se marient avant l'âge de 18 ans et 22 adolescentes sur 1.000 donnent naissance.
Le Maroc affiche un taux de fécondité de 2,3 enfants par femme. pic.twitter.com/WjJ3Cl12y4
Le rapport du FNUAP constate que les gouvernements, mus par l'anxiété face à la surpopulation planétaire, adoptent de plus en plus de politiques visant à augmenter, à réduire ou à maintenir les taux de fécondité. Non seulement ces efforts restent-ils le plus souvent inefficaces, mais le réchauffement climatique qui menace notre environnement n'est pas dû à la prolifération des êtres humains sur une planète aux ressources limitées. En effet, les pays ayant les plus hauts taux de fécondité sont ceux qui contribuent le moins au réchauffement, mais qui souffrent le plus de ses conséquences, souligne Natalia Kanem.
"La population mondiale se réorganise rapidement", déclare Natalia Kanem, car, alors que la population atteint des records, "le taux de fécondité moyen mondial est le plus bas de mémoire d'homme".
Le classement des pays les plus peuplés du monde devrait changer au cours des 25 prochaines années, l'Inde étant en train de détrôner la Chine. Huit pays représenteront la moitié de la croissance de la population mondiale d'ici à 2050 : la République démocratique du Congo, l'Egypte, l'Ethiopie, l'Inde, le Nigeria, le Pakistan, les Philippines et la Tanzanie.
Les deux tiers de la population vivent dans des pays à faible taux de fécondité. C'est selon Natalia Kanem "la première fois dans l'histoire de l'humanité" que l'ensemble des pays ne voient pas leur population s'accroître.
“Two thirds of us live in places where population will decline [by 2050],” says @UNFPA's Executive Director Natalia Kanem.
— euronews (@euronews) April 21, 2023
Watch the full interview on #GlobalConversation https://t.co/84hZdL7b4v pic.twitter.com/Sb0kNDBqb5
Les pays ayant les taux de fécondité les plus élevés se trouvent tous en Afrique : Niger, Tchad, RDC, Somalie, Mali et République centrafricaine. Les taux de natalité les plus faibles sont eux en Corée du Sud, à Hong Kong, Singapour, Macao, Saint-Marin, Aruba et en Chine. L'Europe est la seule région qui devrait connaître une baisse globale de sa population d'ici à 2050.
Le taux de fécondité mondial est actuellement de 2,3 enfants par femme. Quant à l'espérance de vie, elle est de 71 ans pour les hommes et de 76 ans pour les femmes. "Depuis 1990, l'espérance de vie moyenne a augmenté d'environ dix ans", déclare Natalia Kanem. Un quart de la population mondiale est âgée de 14 ans ou moins ; 65% a entre 15 et 64 ans et 10% a 65 ans ou plus.
(Re)lire aussi dans Terriennes :
► Droit à l'avortement aux Etats-Unis : la pilule abortive, l'ultime bataille
► Avortement : le Salvador poursuivi pour "torture" devant la Cour interaméricaine des droits humains
► Niger : les femmes désespérément en quête de contraception
► Damnées de la terre : en quête d'emploi, des Birmanes mariées de force en Chine
► Contraception masculine : un tabou, un combat pour l'égalité