Le numérique : un tremplin professionnel pour les femmes?

Des centaines de femmes entrepreneures et intrapreneures se sont réunies jeudi 10 mars à Paris pour la Journée de la femme digitale 2016. Rencontres avec des actrices de l’économie numérique qui lancent leurs propres entreprises. 
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Quatre jeunes femmes, quatre jeunes entrepreneures qui se sont lancées dans la création de leur entreprise numérique. 
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Où sont les hommes ? C’est la question que l’on pouvait se poser ce jeudi 10 mars 2016 aux Folies Bergères à Paris où était organisé un événement sur les femmes dans l’économie numérique.
 
L’intitulé « Journée de la femme digitale » (numérique, pour les francophones) sonnait, en effet, comme une invitation lancée par des femmes à d'autres femmes. Et elles ont d’ailleurs répondu présentes en nombre : de grandes cheffes d’entreprises comme Fabienne Dulac d’Orange, Clara Gaymard ex-General electric France, ​ou encore Delphine Ernotte de France Télévisions, jusqu'aux créatrices de jeunes entreprises (ou start-up). 
 
Les hommes, il fallait donc les chercher, pour les trouver finalement à la technique, à la sécurité ou encore derrière leurs appareils photo pour couvrir l’événement. Nous avons quand même réussi à en croiser deux, venus là par curiosité professionnelle. Damien Foucher, communiquant, participait à cette journée pour suivre les avancées du numérique « mais pas parce que c’était spécialement consacré aux femmes. Je suis venu plutôt par intérêt professionnel. » Il concède néanmoins que les femmes « peuvent avoir leur carte à jouer dans ce domaine plus que dans des métiers traditionnels préemptés par les hommes. » 
 
L’ami avec qui il discute, acquiesce. Gilles Trichard, journaliste indépendant voit en ces femmes « une France brillante mais pas aveuglante. Une sorte de ruche à idées modeste, avec des bosseuses humbles. J’ai assisté à une sorte de petite révolution en marche, assez silencieuse. » 
 

Le numérique au féminin

Les femmes s'empareraient donc du numérique ? Pas suffisamment pour Delphine Remy-Boutang, co-fondatrice de la Journée de la femme digitale, qui rappelle que les femmes sont seulement 28% dans les effectif des entreprises de ce secteur, selon une étude menée en 2013 par le syndicat Syntec numérique. « L’idée est de montrer que nous ne sommes pas que des clientes d'achats en ligne. Nous sommes aussi ces femmes qui créent ce monde et ce web de demain. »
Nous sommes aussi ces femmes qui créent ce monde et ce web de demain.

Delphine Remy-Boutang

Pas question pour cela d’attendre que les hommes leur donne leur place. Les femmes prennent la leur dans l’entreprise portées par le numérique qui demande certaines exigences comme être multitâche. Une prédisposition tout à fait féminine. 
 
Ce secteur représente un autre avantage pour Anne-Paule Martin, 40 ans, directrice du numérique à la RTS (radio télévision suisse) : « les femmes sont arrivées au même moment et au même niveau que les hommes. Elles n’avaient pas de retard à combler dans l’entreprise numérique comme cela a été peut-être le cas en usine par exemple » parce qu’elles ont intégré plus tard le monde du travail. Elles seraient désormais presque en train de prendre de l’avance en maîtrisant davantage ce domaine. 
 
En entreprise, le numérique peut donc devenir un tremplin pour obtenir plus de responsabilités, gravir la hiérarchie, alors que les femmes peinent encore à entrer dans les conseils d'administration des entreprises françaises du CAC40 où elles sont en moyenne 35%. Une loi de 2011 prévoit qu'en 2017, elles soient 40%. 
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Mais pour Delphine Remy-Boutang, le monde de l’entreprise ne laisse pas encore suffisamment de places aux femmes : « aujourd’hui soit elles s’adaptent, soit elles renoncent, alors pourquoi pas créer une entreprise qui leur ressemble ? » 
 
Certaines se lancent dans la création de leur « start-up » - ou jeunes entreprises. « Aujourd’hui encore il y a seulement 9% de femmes qui montent leur entreprise. A Paris, la situation s’est améliorée avec 21% de start-up cofondées par des femmes», explique Caroline Ramade, déléguée générale adjointe de l’incubateur Paris Pionnières. « On tient la 6e place mondiale. Mais ce n’est pas encore assez quand on sait que c’est la croissance de demain. » En tête du classement des villes américaines principalement, Chicago, Boston, Los Angeles…
 
Même si selon Caroline Ramade, les entrepreneures françaises doivent encore apprendre à vendre leurs idées, se faire confiance, tout est possible : « il ne faut pas attendre qu‘on vous tende la main. Prenez le numérique comme un puissant levier d’émancipation et de réseautage. Osez ! » Certaines se sont lancées. Nous les avons rencontrées à la Journée de la femme digitale. 
 
  • Adalaïs Choy , co-fondatrice de Covoiture-Art créé depuis 2 ans

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Adalaïs Choy, co-fondatrice de covoiture-Art
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Le plus d’une femme dans une entreprise ? 
« On est peut-être de meilleures manager que les messieurs. On a appris à savoir tout faire. Il y a encore très peu de temps, les femmes ne travaillaient pas. C’étaient les hommes qui géraient tout le reste.  Aujourd’hui, on est pluridisciplinaires. »
 
  • Philippine Dolbeau, 16ans, en 1ère Littéraire, créatrice de l’application « New School » pour lutter contre l’absentéisme scolaire. 


Son idée ?
« Un cahier d’appel électronique pour faire gagner du temps aux enseignants et aux élèves. Chaque élève et équipé d’un porte-clé électronique qui permet de faire l’appel automatiquement grâce à l’application que possède l’enseignant sur son téléphone ou sa tablette. Automatiquement, il voit sa liste de classe, et quand il clique sur "faire l’appel" la liste des présents est envoyée à l’administration de l’établissement. Au bout de 10 min l’application envoie un sms et un email aux parents quand un élève est noté absent. »
 
Comment a-t-elle créé son projet imaginé pour un cours d’économie en seconde ?
« J’ai dessiné le boîtier en sondant les élèves pour savoir ce qui leur conviendrait le mieux. J’ai envoyé mes dessins à une entreprise de développement qui a proposé des prototypes aujourd’hui en test sur 3 classes soit 100 élèves. Il ne nous manque plus que des fonds pour commencer. L’éducation nationale et le gouvernement nous suivent  mais cependant il n’y a aucune aide de leur part. J'ai aussi présenté mon projet à Apple qui m’a contactée en juillet dernier. Aucun partenariat n'est signé avec eux, mais ils suivent le projet. » 
 
  • Eliette Vincent, fondatrice de Cocolis

eliette vincent
Eliette Vincent, fondatrice de la start-up Cocolis. 
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« De la livraison de colis entre particuliers. Des particuliers qui ont besoin d’envoyer un objet, déposent une annonce sur le site. On les aide à fixer un prix en fonction de la dimension de l’objet et du trajet à réaliser. En face, d’autres particuliers ont un trajet de prévu, pour partir en vacances, ou un trajet régulier dans le cadre du travail qu’ils ont envie de rentabiliser. Ces personnes vont trouver des objets à transporter d’un petit carton de vêtements à un matelas. L’intérêt, c’est qu’en véhiculant cet objet, ils remboursent une partie de leurs frais de transport. »
 
Les freins auxquels sont confrontées les femmes pour créer leur entreprise ?
« La question du financement. C’est bien de se lancer mais il faut quand même pouvoir en vivre. Il faut aussi trouver le bon moment financièrement. Et ce qui concerne vraiment les femmes, c’est notre horloge biologique. On se dit ce n’est peut-être pas le bon moment parce que je suis célibataire, parce que je veux commencer une relation, parce que je veux avoir un enfant ou j’en ai un.. Les hommes ne se posent pas ces questions forcément. »
 
  • Alizée Doumerc et Camille Caubriere co-fondatrice de « Guest views »

alizée et camille
Alizée Doumerc et Camille Caubriere ont créé "Guest views" pour les musées. 
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« Dans un contexte  économique un peu morose, avec de moins en moins de subventions publiques, une concurrence accrue entre toutes les institutions culturelles, elles doivent se démarquer, être attractives. Et pour cela, elles doivent connaître leurs visiteurs. On leur propose donc un livre d’or digital qui collecte, exploite et valorise des données sur les visiteurs des musées, des hôtels et des magasins. On s’est lancées il y a deux ans, et aujourd’hui on travaille avec une vingtaine d’institutions culturelles comme le Louvre, le Grand  Palais, … Récemment nous avons aussi signé un contrat avec un musée d'art moderne à Bruxelles. Et nous commençons à nous développer à l'international » , explique Alizée Doumerc. 
 
Pourquoi entreprendre ? 
« On avait chacune envie un jour de monter une entreprise. Nos deux pères sont entrepreneurs et on a été élevées dans ce modèle là. On n’a jamais eu de craintes de se lancer parce qu’on avait vu d’autres gens se lancer avant nous. Après s'être rencontrées, on avait cette idée, notre contrat de travail se terminant, on devait faire quelque chose. On se connaissait depuis 6 mois et on a décidé de se lancer. 
Il a fallu trouver des personnes pour développer la plateforme technique, postuler à un incubateur. Nous étions des novices dans le milieu des start-up et du web mais on a regardé autour de nous pour s’entourer des bonnes personnes, récupérer des compétences notamment techniques que l’on n’avait pas », raconte Camille Caubriere.