Le planning familial américain accusé de vendre des organes de foetus

Des militants anti-avortement ont récemment diffusé sur Internet une vidéo dans laquelle a été piégée une directrice du Planning familial américain. Elle explique comment des organes de foetus seraient vendus après avortement pour la recherche médicale. Scandale et confusion.
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anti-avortement états-unis
Des militants contre l'avortement rassemblés à Montgomery en Alabama le 5 mars 2013.
©AP Photo/Dave Martin
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« Beaucoup de gens veulent des coeurs intacts (…) Hier, c’était la première fois qu’elle disait que certains voulaient des poumons. Et puis, comme je le disais, toujours autant de foies que possible. (…) Certaines personnes veulent aussi les extrémités inférieures (…). Je ne sais pas ce qu’ils font avec mais je suppose qu’ils veulent les muscles. »

La vidéo atteint son but. Ces propos, ici compilés, ont choqué l’opinion publique, les politiques (particulièrement les conservateurs) et les médias.

Entre deux bouchées de salade, le docteur Deborah Nucatola, directrice du Planned Parenthood américain, explique avec beaucoup de détachement, quels organes sont récupérés sur des foetus après avortement pour, semble-t-il, les vendre à des fins de recherche médicale. Contrairement à son équivalent français, le planning familial américain gère aussi des cliniques qui réalisent des interruptions volontaires de grossesse.

Vente de foetus pour la recherche ?

La vidéo dans laquelle cette médecin tient ces propos qui font aujourd'hui scandale, a été tournée en caméra cachée, fin juillet l’année dernière, par le Center for Medical Progress, un groupe de militants américains « pro-life », contre l’avortement. Deux de ses membres se sont faits passer pour des représentants d’une société de biotechnologie afin de soutirer des informations à cette responsable du Planned Parenthood Federation of America.

Une version de l'enregistrement soigneusement montée par le Center for Medical Progress a été rendue publique un an après, ce mardi 14 juillet. La vidéo reprend des phrases clés et chocs du docteur Nucatola agrémentées de rappels à la loi.

Dans les morceaux choisis, elle insiste sur l’importance d’extraire les foetus sans les endommager grâce à l’usage d’ultrasons et, surtout, Deborah Nucatola confie que chaque « spécimen » vaudrait entre 30 et 100 dollars. On comprend qu’ils seraient vendus pour la recherche médicale.

Or ce commerce relève d’un crime fédéral. En effet, le code pénal américain punit de 10 ans de prison et de 500 000 dollars d’amende le trafic de corps d’êtres humains à des fins commerciales.

En diffusant cette vidéo, le Center for Medical Progress anti-avortement, crie au scandale et en profite pour ébranler un peu plus le planning familial qui dépend d'aides publiques que le parti républicain appelle à couper depuis qu'il a obtenu la majorité à la Chambre des représentants du Parlement.

Les vérités derrière le scandale

Si la directrice piégée dans la vidéo ne s’est pas exprimée depuis la diffusion de ses propos, le porte-parole de l’organisation Planned Parenthood Federation of America (PPFA), Eric Ferrero, lui, s’est rapidement fendu d’un communiqué.

Il affirme que l'organisation aide bien les familles consentantes à faire un don d’organes...donc en toute légalité : « Dans les centres de santé, les patients veulent parfois faire don de tissus à la recherche scientifique qui peuvent aider à mener des recherches médicales, comme sur les traitements et les remèdes pour les maladies graves. Les femmes qui viennent avorter à Planned Parenthood ne sont pas différentes des autres patients. »

Les dons d'organes de foetus ont ainsi permis de faire avancer la recherche sur les maladies de Parkinson et d'Alzeihmer.

Quant aux sommes d’argent évoquées par la médecin dans cette vidéo polémique, le porte-parole affirme qu’« il n’y a aucun bénéfice financier tiré du don de tissus (ou d’organes, ndlr) que ce soit pour le patient ou pour Planned Parenthood.» Les tarifs avancés par le docteur Nucatola correspondraient en réalité aux frais médicaux et de transports des dons « jusqu’aux centres de recherches [qui] sont remboursés » à Planned Parenthood Federation of America (PPFA), précise aussi le porte-parole.

Même démenti du côté de la présidente du PPFA, Cécile Richard, qui rejette ces accusations et assure : "notre programme de dons (...) respecte toutes les lois et les règles d'éthique". La présidente concède cependant que le ton, froid, du docteur Nucatola dans la conversation enregistrée était inapproprié pour parler d'un tel sujet et s'en excuse dans la vidéo (en anglais) publiée le 16 juillet :

Après le scandale, c'est la confusion qui règne donc entre les accusations des "anti-avortement" et les justifications des responsables du Planned Parenthood. Les Républicains, fervents opposant au planning, se sont rapidement positionnés pour trouver une réponse. Le chef de file du parti au Parlement a annoncé, mercredi 15 juillet, l’ouverture d’une enquête.

Dans notre reportage ci-dessus, ce n'est pas l'actuelle mais bien une ancienne présidente du PPFA, Gloria Feldt qui s'exprime.