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Lise Payette s'est battue toute sa vie pour l'indépendance du Québec et celle des femmes.Portrait de réalisé par Geneviève Asselin pour notre partenaire Radio Canada, durée - 3'35"
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Le Québec ému par le décès de Lise Payette, femme politique, féministe, écrivaine, animatrice et productrice télé

Lise Payette qui s'est éteinte à l'âge de 87 ans, était une figure familière des Québécois. Depuis des décennies, elle occupait le paysage politique, médiatique et littéraire de la "Belle Province". Son décès a entraîné un déluge de réactions sur les réseaux sociaux, la plupart admiratives, mais pas toujours. Portrait en ombres et lumières d'une femme de convictions qui au soir de sa vie lançait toujours : "Nous les femmes nous pouvons tout !"
Il y a des personnalités qui marquent une société, par leur action politique, leur contribution, les portes qu’elles ouvrent, les sillons qu’elles tracent : Lise Payette était l’une d’elles. Figure de proue du féminisme québécois, elle a été journaliste, ministre, animatrice de radio et de télé, écrivaine, chroniqueuse, productrice. L’annonce de son décès, à 87 ans, a provoqué une avalanche d’hommages venus de partout au Québec et de tous les horizons.

Deux combats : pour l’indépendance du Québec et pour libérer les femmes

Lise Payette a été animatrice d’émissions de radio et de télévision très populaires, mais elle laisse surtout sa marque dans la société québécoise quand elle entre en politique, dans les années 70, au sein du gouvernement du Parti Québécois, le parti indépendantiste de René Lévesque.

C’est là qu’elle peut concilier les deux grandes causes de sa vie : faire l’indépendance du Québec et promouvoir la libération des femmes.

Quand le PQ prend le pouvoir, en 1976, René Lévesque la fait entrer dans son gouvernement et elle occupera plusieurs ministères.

On doit à Mme Payette la création de la Société d’assurance automobile du Québec, la SAAQ, l’organisme gouvernemental qui gère les immatriculations et le renouvellement des permis de conduire au Québec et qui surtout élimine la notion de responsabilité des conducteurs advenant un accident. Si toutes les voitures qui circulent dans la province ont la devise « Je me souviens » sur leurs plaques d’immatriculation, c’est sur son initiative (avant, la devise sur les plaques était : « La belle province »).

En tant que ministre de la condition féminine, elle participe à la mise en place de centre d’hébergement pour les femmes en difficulté.

Elle offre aussi aux enfants québécois la possibilité de prendre le nom de leur mère, au même titre que celui de leur père. Et c’est aussi grâce à elle que les Québécoises ont eu le choix de garder leur nom de jeune fille quand elles se mariaient au lieu de prendre le nom de leurs maris. Autant d’avancées fondamentales et significatives pour la cause féministe.

A retrouver sur ce sujet dans Terriennes : 
Mariées, elles disent "oui" avec leur nom de jeune fille

La rupture de 1980

La campagne pour le premier référendum sur l’indépendance du Québec, en 1980, la marque au fer rouge avec l’histoire des « Yvettes ». Lise Payette, alors ministre de la Condition féminine, et dans le camp des « Oui » à l'indépendance lance au chef du camp du « Non », Claude Ryan (qui par ailleurs souhaite que les femmes demeurent au foyer) une pique contre son épouse en la qualifiant d’«Yvette », un personnage stéréotypé des manuels scolaires québécois. Les militantes du Parti libéral ne tardent pas à exploiter cette bévue de la ministre et mettent sur pied un « Brunch des Yvettes » à Québec, suivi de plusieurs autres, dont celui de Montréal qui attire plus de 15 000 militantes du camp du « Non ». Le mouvement des « Yvettes » aurait permis de renverser la tendance initiale de 47 % en faveur de l’option du « Oui ». 

D’aucuns accuseront donc Lise Payette d’être en partie responsable de la défaite cuisante du camp du oui lors de ce référendum. Elle est à côté de René Lévesque quand il prononce sa célèbre phrase, au soir du rejet de l’indépendance par 60% des Québécois : « si j’ai bien compris, vous êtes en train de me dire : à la prochaine fois ». Dépitée, elle quitte la politique, et se lance dans une fructueuse carrière de scénariste de télé-romans, auteure et productrice. Elle était très appréciée du public et ses télé-romans ont connu un vif succès.  

Hommages des chefs politiques en campagne électorale

Les chefs des quatre partis politiques québécois ont fait une pause dans leur campagne électorale en cours au Québec pour rendre hommage à Lise Payette.
Le premier ministre sortant, le chef libéral Philippe Couillard, a tenu à souligner l’impact de Mme Payette sur la vie des Québécois : « Dans la vie quotidienne des gens, si on demandait à des gens qui ne l’ont pas connue, si on leur disait qu’elle est la fondatrice de l’Assurance automobile publique du Québec, ça c’est un impact public sur les gens d’aujourd’hui, même pour ceux qui ne le savent pas ».

François Legault, le chef de la Coalition Avenir Québec, estime que Lise Payette a beaucoup marqué le Québec : « Elle a permis à beaucoup de femmes de s’affirmer et que les femmes deviennent plus égales aux hommes ».  
« C’est une femme qui non seulement avait de l’aplomb, des convictions, de l’intelligence, mais qui était elle-même un modèle » a renchéri le chef du Parti Québécois, Jean-François Lisée.
Quant à Manon Massé, cheffe du parti de gauche Québec solidaire, elle l’a qualifiée de bâtisseuse et de nécessaire entêtée : « Elle a réussi, pour nous les femmes, à faire un premier trou je dirai dans le plafond de verre qu’on connaît encore aujourd’hui ».

Une source d’inspiration pour beaucoup

Pour Pauline Marois, ex-Première ministre du Québec et première femme à le devenir, Lise Payette était une « femme d’audace, qui avait une telle détermination, qu’on ne pouvait pas lui résister… Elle a changé ma vie, a dit l’ex-politicienne en entrevue à Radio-Canada. Elle a eu une influence majeure, définitive, parce que je ne serai pas allée en politique, sans doute, si je n’avais pas travaillé à ses côté. Elle m’a montré le côté difficile des choses, mais en même temps, la satisfaction qu’il peut y avoir quand on change la vie des gens pour le meilleur ». Pauline Marois a notamment été chef de cabinet de Lise Payette quand elle est devenue ministre et elle dit être devenue féministe à son contact.  
Ariane Emond, journaliste et auteur, féministe québécoise reconnue, n’hésite pas à qualifier Lise Payette de « mère du Québec moderne » : « Vous savez, on dit souvent que René Lévesque a sans doute été le père du Québec moderne, sans contredit, Lise Payette, qu’on ait aimé ou pas certains de ses commentaires ou observations, tout au long de sa vie, EST la mère du Québec moderne ».

Mais sans doute et comme souvent, les hommages les plus émouvants sont venus d'anonymes... 
 
 
 
 

Une part d’ombres…

Ces dernières années, Lise Payette écrivait des chroniques pour les quotidiens montréalais, Le Journal de Montréal et Le Devoir. C’est dans le cadre de ces chroniques que la féministe a parfois soulevé des controverses : elle a notamment défendu en 2016 dans le quotidien Le Devoir un célèbre cinéaste québécois, Claude Jutras, dont la mémoire a été fortement ébranlée par des accusations de pédophilie faites par de présumées victimes. Lise Payette avait alors pris la défense de ce réalisateur qui était son ami, des propos qui avaient choqué une grande partie de la population.  
Certains, et surtout certaines, ne le lui ont pas pardonné, même à l'heure de sa disparition.

J’ouvre les portes et je m’assure quand elles sont ouvertes qu’on ne puisse plus les refermer, jamais
Lise Payette

La rédactrice en chef du quotidien Le Devoir, Josée Boileau, a ainsi pris soin de préciser, en entrevue à Radio-Canada : « Je dirai que c’est une femme libre. Quand on est libre, on fait des choses audacieuses, mais on fait aussi des erreurs. Mme Payette en a commises, mais a fait aussi avancer les choses. C’est ce que je retiens du personnage de notre vie publique ».

Au-delà de ces controverses, Lise Payette était une femme de cœur et de convictions déterminée à faire avancer la cause qui lui a toujours tenu le plus à cœur, celle des femmes.  

Invitée à expliquer pourquoi elle avait fait le saut en politique, dans les années 1970, elle déclarait : « Je me suis dit que le moment était venu de faire le saut en politique pour ouvrir des portes, je suis bonne pour ça, j’ouvre les portes et je m’assure quand elles sont ouvertes qu’on ne puisse plus les refermer, jamais ».