A l’occasion de son 10ème anniversaire et de la journée nationale de lutte contre le sexisme, le Haut Conseil à l’Egalité publie son 5ème rapport annuel sur l’état du sexisme en France et lance une grande campagne de sensibilisation.
Le
rapport annuel 2023 du HCE sur l’état du sexisme en France s’appuie à la fois sur les derniers chiffres officiels et sur les résultats du
baromètre réalisé par l’institut Viavoice auprès de 2500 personnes représentatives. Ce sondage rend compte des perceptions de la société face aux inégalités entre les femmes et les hommes, évalue le degré de sexisme de la population, restitue le vécu des femmes et mesure l’adhésion aux outils de lutte existants.
L’enquête dresse le constat d’une société française qui reste très sexiste dans toutes ses sphères, avec des femmes inégalement traitées par rapport aux hommes et victimes d’actes et propos sexistes dans des proportions importantes.
Institut Viavoice, enquête novembre 2022
"L’enquête dresse le constat d’une société française qui reste très sexiste dans toutes ses sphères, avec des femmes inégalement traitées par rapport aux hommes et victimes d’actes et propos sexistes dans des proportions importantes. Ces situations inquiétantes restent partiellement acceptées par toute une partie de la population dont des hommes dans le déni, reconnaissant l’existence du sexisme dans l’absolu mais refusant l’idée d’une responsabilité collective", constate l'étude Viavoice. Autre enseignement, une défiance grandissante vis à vis des militant-e-s qui portent la lutte contre le sexisme et l’inefficacité des outils mis en place.
Relire notre article ►S comme sexisme avec Camille Froidevaux-Metterie
Les jeunes générations plus sexistes
Principal enseignement : en dépit d’une sensibilité toujours plus grande aux inégalités depuis
Me Too, les clichés et les stéréotypes sexistes perdurent. L’opinion est paradoxale : elle reconnaît et déplore l’existence du sexisme mais ne le rejette pas en pratique, majoritairement chez les hommes.
En ce qui concerne
les femmes, elles sont toujours aussi nombreuses à déclarer avoir déjà personnellement vécu des situations sexistes : 80 % d’entre elles ont déjà eu l’impression d’avoir été moins bien traitées en raison de leur sexe,un score qui ne s’élève qu’à 37 % pour les hommes.
57 % des femmes ont déjà subi des blagues ou remarques sexistes, 41 % un déséquilibre dans les tâches ménagères, 41 % des sifflements et gestes déplacés de la part d’unhomme, 38 % du mansplaining … 37 % des Françaises ont déjà vécu une situation de non-consentement (c’est-à-dire qu’elles ont eu un rapport sexuel sous la contrainte – devant l’insistance d’un partenaire ou encore sous l’emprise d’alcool ou de drogue par exemple).
Parmi les hommes de 25 à 34 ans, près d’un quart estime qu’il faut parfois être violent pour se faire respecter, et tous âges confondus 40% trouvent normal que les femmes s’arrêtent de travailler pour s’occuper de leurs enfants.
C'est dû au fait que cette génération est baignée dans les réseaux sociaux, le numérique, le porno et que ce sont des éléments de violence banalisée et de domination masculine.
Sylvie-Pierre Brossolette, président du HCE
"Oui, ce rapport est alarmant, il faut vraiment réfléchir et surtout lancer une alerte aux pouvoirs publics pour dire maintenant 'Ça suffit'", s'insurge Sylvie-Pierre Brossolette sur
France Inter.
"Il faut comprendre que le sexisme dit ordinaire, les petites choses de tous les jours qui nous paraissent banales conduisent malheureusement directement au sexisme le plus violent, que ce sexisme ordinaire perdure et qu'il apparaît encore plus dangereusement et plus fortement dans les générations de 25-34 ans. C'est dû au fait que cette génération est baignée dans les réseaux sociaux, le numérique, le porno et que ce sont des éléments de violence banalisée et de domination masculine.", explique la présidente du HCE.
"T'as fais les courses ? On mange quoi ce soir ?"
“Le sexisme on ne sait pas toujours quand ça commence mais on sait comment ça se termine”, tel est le slogan de la campagne menée par le HCE diffusée sur les ondes et les écrans du 23 au 27 janvier 2023.
"Allo ? T'as fais les courses, on mange quoi ce midi ? T'es bizarre. Pourquoi t'as pas décroché ?", lance Nicolas à Lucie dans un échange téléphonique fictionnel que l'on peut écouter sur www.onsaitcommentcasetermine.fr, un site expérientiel qui propose un feuilleton sonore illustrant le continuum des violences, du sexisme ordinaire au féminicide. Sylviane Agacinski, Giulia Foïs, Julia Kristeva, Titiou Lecoq, Anna Mouglalis, Leïla Slimani, ou encore Michelle Perrot, des femmes de tout âge et de tout horizon, ont accepté de prêter leur voix au HCE pour apporter leur éclairage sur les combats passés et à venir en matière de lutte contre le sexisme.
Le sexisme et les violences faites aux femmes, c'est lié. L'un ne va pas sans l'autre.
Anne-Cécile Mailfert, présidente de la Fondation des femmes
"Le sexisme et les violences faites aux femmes, c'est lié. L'un ne va pas sans l'autre", précise Anne-Cécile Mailfert, présidente de la Fondation des femmes sur France Inter. "Le sexisme, c'est l'image qu'on peut avoir des femmes, en l'occurrence, aujourd'hui c'est l'idée qu'elles sont plus faibles, vont savoir faire moins de choses, et penser que les hommes sont forts et puissants, et que leur volonté est impérieuse. Et quand on a cette image-là du sexisme, on peut se rendre compte que ça va influer sur les violences.", ajoute-t-elle.
Un plan d'urgence global
Il faut agir et vite ! Voilà pour résumer ce que se prépare à dire Sylvie Pierre-Brossolette en remettant ce rapport au Président de la République, Emmanuel Macron, mercredi 25 janvier à l'Elysée. Le Conseil propose un plan d’urgence global contre toutes les manifestations du sexisme et ses causes. L’effort doit non seulement porter sur la protection et la répression mais aussi sur la prévention en agissant sur les mentalités, et cela dès le plus jeune âge.
Le Conseil propose dix mesures à mettre en place en urgence. Parmi les mesures clés, la régulation des contenus du secteur numérique pour lutter contre les stéréotypes, les représentations dégradantes et les scènes de violences désormais banalisées sur internet, en particulier dans les vidéos pornographiques.