En cette année de Jeux Olympiques à Sotchi et de Mondial de foot au Brésil, le festival international des films de femmes de Créteil met en lumière la vie des sportives. A l'affiche, une douzaine de documentaires et fictions racontant le courage et la pugnacité de jeunes footballeuses, boxeuses, patineuses, athlètes de course… Le sport est loin d'être un milieu égalitaire, ouvert aux femmes. Le sexisme y prend même des formes très pernicieuses.
Cours d'éducation physique pour les filles dans les années 1930 en France.
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Sur le sable, les filles de Dakar dribblent et taclent. Pour taper la balle, certaines ont piqué les chaussures de leur frère, d'autres ont dû mentir à leurs parents et, dès que la partie est finie, toutes enfilent une robe au-dessus de leur short et maillot. Au Sénégal, celles qui veulent jouer au foot comme les garçons doivent braver tabous et préjugés. C'est ce que raconte la réalisatrice Hélène Harder dans son dernier documentaire Lady's Turn projeté au Festival international des films de femmes à Créteil (voir vidéo ci-dessous). Mais c'est loin d'être une spécificité sénégalaise.
Des discrimination peu visibles
Ouvrant la table ronde après la projection, la sociologue Catherine Louveau n'a pas lésiné sur les chiffres pour révéler des discriminations le plus souvent ignorées et masquées par des valeurs d'universalisme et d'ouverture que le sport moderne ne cesse de prôner.
A peine 3% de filles à la fédération française de football, moins de 20% de femmes dans plus de 40 sports en France, moins de 10% de femmes dans les postes d'encadrants et dirigeants… Sans oublier les différences de revenus entre sportifs et sportives de haut niveau largement supérieures à l'écart salarial moyen entre hommes et femmes en France. Le sport féminin manque aussi cruellement de médiatisation. « Il représente moins de 7% de la couverture médiatique. Conséquence directe, moins de 1% du sponsoring profite aux sportives », constate l'historienne Cécile Ottogalli.
Pierre Fredy de Coubertin prend part au développent du sport en France dès la fin du XIXe siècle avant d'être le rénovateur des Jeux olympiques de l'ère moderne en 1894.
Le machisme du sport
Le sport serait-il « le dernier bastion du machisme ? », interroge la journaliste Fabienne Broucaret dans son dernier ouvrage. En tout cas, « le sport moderne s'est construit par les hommes et pour les hommes, note l'auteure. (…) Il a été pensé et organisé pour que les hommes se forment à la masculinité et à la virilité.»
Faut-il rappeler les mots terriblement misogynes de Pierre de Coubertin ? Au début du XXe siècle, le rénovateur des Jeux Olympiques estime que « le héros olympique est (…) l'adulte mâle individuel. (…) Une olympiade féminine serait impensable, impraticable, impensable, inesthétique, incorrecte. » Malgré tout, dès cette époque, des femmes ont osé faire du sport. Mais du sport perçu et accepté dans les représentations collectives comme une hygiène de vie et non comme une compétition de haut niveau.
« Aux Jeux Olympiques de 1936, les femmes n'ont plus le droit de courir le 100 m soit disant parce qu'elles arrivent trop effondrées. Le saut à la perche est aussi interdit aux athlètes féminines en raison du risque de descente d'organe et ce jusqu'en 1990 ! Quant à l'épreuve du saut à ski, elle a été ouverte pour la première fois aux skieuses il n'y a que quelques semaines. C'était aux derniers Jeux Olympiques d'hiver à Sotchi », rappelle Catherine Louveau.
Compétition de beach volley à Paris.
De son côté, Cécile Ottogalli reconnaît qu'il faut faire « des nuances d'une fédération à l'autre » mais se permet d'aller plus loin dans le raisonnement : « En freinant l'intégration des femmes, les dirigeants sportifs les ont empêché d'accéder à des pouvoirs tant physiques, sociaux que psychologiques. Car, oui, le sport permet à tout individu de prendre confiance en ses capacités et de s'affirmer dans l'espace public. »
Et aujourd'hui, comment valorise-t-on le sport féminin ? En le rendant plus « sexy », tout simplement. Le beach volley féminin est un cas exemplaire. Pour attirer les hommes autour du terrain, bikin pour toutes les volleyeuses. C'est « la sexualisation du sport féminin »,résume Catherine Louveau, sa nouvelle dérive.
36 édition du festival
Créé en 1979, le Festival International de Films de Femmes de Créteil accueille des réalisatrices du monde entier, avec près de 150 films qui défendent avec talent le regard des femmes sur leur société.