"Le syndrome du nid vide" : qui suis-je sans mes enfants ?

Quand le petit dernier part de la maison, une page se tourne dans la vie des parents, tiraillés entre sentiments d'abandon et de libération. Une rupture qui peut être source d'une profonde angoisse, surtout chez les mères, c'est ce qu'on appelle "le syndrome du nid vide". Trois autrices s'attaquent à cette période cruciale qui, souvent, laisse les femmes désemparées. 
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Couverture de Le syndrome du nid vide
Couverture de Le syndrome du nid vide, collection Toi et moi, on s'explique
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Passer sans regarder à bonne distance des rayons fournitures scolaires dans les grands magasins, rentrer chez soi sans trouver la cuisine à feu et à sang, la salle de bain inondée et jonchée de serviettes humides. Finis le stress des devoirs oubliés, de la calculatrice ou de la blouse de chimie qui manquent le dimanche soir, les mines renfrognées au réveil - la semaine, en retard, et le dimanche, entre midi et 14 heures - sans parler des montagnes russes de Parcoursup ou Pôle emploi... 

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Illustration de PrincessH.
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Du jour au lendemain, ou presque, le petit dernier est parti sous d'autres cieux, conquérant, gagner sa vie, vivre ses amours ou suivre des études qui le mèneront sinon vers un avenir radieux, au moins vers une liberté rêvée, loin de ses parents, sympas, mais "relous". L'enfance, puis l'adolescence, que les parents ont surveillées comme le lait sur le feu, sont passées à la fois très lentement - quel parent n'a pas hâte, de temps à autre, de retrouver un peu de quiétude - et très vite.

Et maintenant, qu'est-ce qu'on fait ?

On en profite pour sortir et voir ses ami.e.s sans arrière-pensée, partir au bout du monde hors vacances scolaires, passer ses soirées à la maison en dînant sur le pouce, se gaver avec délectation de lectures, de films et de séries, de musique... Mais une fois retombée l'euphorie des premiers temps, comment combler le manque affectif, retrouver un rythme dynamique au quotidien, et un nouvel élan pour l'avenir ?

Environ 35 % des parents, en majorité des mères, souffrent d’un fort sentiment de vide lorsque les enfants quittent le domicile familial, une sorte de baby blues bis. Cette tristesse, qui peut confiner à la dépression, porte un nom : le "syndrome du nid vide". L'image, éloquente, serait due à la romancière américaine Dorothy Canfield Fisher, qui l'utilisa pour la première fois en 1914avant qu'elle ne se popularise dans les années 1970.

C'est pour dompter cette période de deuil de la vie de famille, en anticiper les écueils et juguler les angoisses qu'elle génère ou ravive que les autrices Charlotte Attry et Brigitte Carrère, avec l'illustratrice PrincessH, proposent un nouvel opus de la collection Toi et moi, on s'explique, avec Le syndrome du nid vide.

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Chiffres extraits de Le syndrome du nid vide, collection Toi et moi, on s'explique.
 
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Lâcher prise, se faire confiance

Une fois que le petit a pris son envol, il échappe à votre contrôle : ce qu'il mange, comment il gère ses dépenses, ses amitiés, son travail... Vous n'y pouvez plus rien. Inutile de scruter les meilleurs tarifs sur Internet "juste pour y faire un saut, voir comment il ou elle se débrouille" - il ou elle ne veut pas de vous dans le nouvel environnement qu'il tente de se bâtir seul.e, c'est le principe de l'indépendance. Le syndrome du nid vide met en garde face à cette déroutante perte de mainmise lorsque vous ne voyez plus vivre votre enfant. Les autrices suggèrent comment remplacer - l'air de rien - les ordres et le contrôle par des conseils et un regard bienveillant. Objectif : guider l'enfant sur la voie de l'autonomisation en jonglant entre soutien et capacité à s'éclipser.

 
contrôle maternel
Illustration de PrincessH dans Le syndrome du nid vide
©Bamboo Edition
Ce processus se prépare de façon fluide et naturelle dans les temps qui précèdent le départ, comme en témoigne Sylvie, dont la fille de 20 ans a quitté la maison en deuxième année d'université : "Quand elle rentrait tard, je lui préparais une assiette, puis de moins en moins. Elle mettait en pratique ce que j'avais pu lui apprendre... La suite s'est enchaînée naturellement. Elle a pris de plus en plus de choses en charge. J'avoue que j'ai été soulagée. Et moi j'en ai profité pour prendre des cours de théâtre et relancer les sites de rencontres."

Pour surmonter l'inquiétude, les regrets et la culpabilité toxiques, pas de panique : les autrices et experts du Sydrôme du nid vide préconisent pas à pas des bilans, méthodes et mesures pour gérer le stress, aiguiller ses énergies, voire apprendre à ne rien faire, et maîtriser la présence non-intrusive.  

Qui suis-je sans mes enfants ?

Qui suis-je sans mes enfants ? Elle a beau travailler, avoir un large cercle d'ami.e.s, s'intéresser à une foule de choses, la disponibilité d'une mère au quotidien est largement monopolisée par les besoins de ses enfants. Une fois qu'elle n'a plus ces repères, la voilà face à elle-même, échouée sur le rivage d'une mer d'huile après un tourbillon de vingt ans. Comment faire pour réorienter sa boussole ?

Les autrices du Syndrome du nid vide proposent de guider les parents dans ce processus : marquer le pas sans sombrer dans la déprime ou la procrastination, cerner ses nouvelles priorités et ses envies profondes, retrouver une hygiène de vie équilibrée avant de prendre un nouveau départ - surtout si le départ des enfants coincide, pour les mères, avec la ménopause, autre bouleversement majeur dans la vie d'une femme. 
mère poule
Illustration de PrincessH dans Le syndrome du nid vide, collection Toi et moi, on s'explique.
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Monique explique comment elle s'est retrouvée après "s'être un peu perdue" en se consacrant exclusivement à ses enfants, qu'elle "finissait par agacer" : "Je n'avais pas confiance en moi, après tant d'années au foyer, mais je me sentais en forme, jeune et avec un grand besoin de trouver une mission. Une amie qui travaillait dans un lycée m'a dit qu'ils cherchaient quelqu'un à l'accueil. J'ai sauté sur l'occasion. Mon humeur s'est améliorée et mes satisfactions personelles ont pris de l'ampleur. J'y suis restée dix ans, puis j'ai suivie une formation de français langue étrangère, que j'enseigne maintenant... Je suis encore mère poule, mais beaucoup plus équilibrée et épanouie.

Se retrouver... Une phase à savourer qui peut aussi passer par la solitude et le silence. Après des années à gérer la couvée, certaines n'aspirent qu'à une chose : qu'on les laisse tranquilles !
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Illustration de PrincessH dans Le syndrome du nid vide, collection Toi et moi, on s'explique
©Bamboo Edition

Le premier jour du reste de sa vie

Une fois surmontée la perte, le moment vient de se concentrer sur ce que vous avez gagné avec le départ de vos enfants et d'aller de l'avant. Forte de la fierté de les avoir portés vers l'indépendance bon an mal an, même si elle reste imparfaite, à vous de déployer vos ailes. C'est l'heure des nouveaux défis, professionnels ou personnels, qui peuvent passer par le bilan de compétences, le réaménagement ou le déménagement, une année sabbatique, la réactivation d'anciens contacts, l'accueil d'étudiants étrangers... Pour les autrices, un mot d'ordre : sortir plus ou moins radicalement de sa zone de confort - et découvrir qu'avoir élevé des enfants vous a aussi enrichie. Adaptabilité, écoute, recul, endurance, anticipation - vous êtes désormais tout-terrain.

Phénix
Renaître, tel un phénix. Illustration de PrincessH.
@Bamboo Edition

Et puis en vous lançant dans de nouveaux projets, vous sortirez grandie aux yeux de vos jeunes adultes. Derrière l'immuable pilier qui soutient toute la famille sans ciller, il y avait une femme audacieuse et sûre d'elle, et ils n'avaient rien vu... Trop forte la "daronne" ! 

Marie, à 51 ans, s'est vue quittée par son mari et ses trois enfants en quelques mois. Dans Le Syndrôme du nid vide, elle raconte comment elle a surmonté "la douleur à vif" après avoir pleuré toutes les larmes de son corps : "Mes solutions ? Vivre l'instant présent et faire des choix. Peu à peu, les envies émergent, la solitude ne m'effraie plus, j'éprouve un plaisir inhabituel à me sentir autonome." Marie réalise alors des rêves difficiles à envisager en famille : "Je prends une année sabbatique, je voyage loin," se souvient-elle. Avec le recul, elle voit ces abandons comme "une épreuve qui m'a obligée à pousser mes propres résistances, à gagner en assurance, à découvrir le sens d'être libre."

Une liberté dont les autrices du Syndrome du nid vide nous disent de profiter, sans la vivre comme un abandon. Elles en décortiquent les mécanismes sans dramatiser, elles qui les connaissent d'autant mieux qu'elles sont, elles aussi, passées par-là. Félicitez-vous de voir vont enfants devenir adultes, et épanouissez-vous sans attendre, car combien de temps vous reste-t-il avant que ne pointent les petits-enfants - quoi, déjà ?