A la veille de la journée mondiale de la femme, le mardi 7 février, l’assemblée des femmes de Paris île-de-France, avec de nombreux partenaires dont les Terriennes faisaient partie, a organisé un large débat sur l’égalité femmes-hommes. Des « tables rondes du féminisme » où ont défilé des femmes politiques de tous bords mais aussi des chercheures, des représentantes syndicales et associatives. Le tout dans une atmosphère consensuelle malgré quelques clivages persistants.
A l’origine, un livre, intitulé « Femmes-hommes, enfin l’égalité » qui réunit les propositions d’une trentaine de personnalités, de Marie-George Buffet à Jean-François Coppé en passant par Laurence Parisot, sous la direction de Nathalie Pilhes, la présidente de l’Assemblée des femmes de Paris île-de-France et Gilles Pennequin, vice-président de l’Atelier de la République, un laboratoire d'idées qu’il décrit comme « humaniste et indépendant ».
Pour Nathalie Pilhes, cet ouvrage est d’abord un outil à disposition des candidats à la présidentielle, « parce que nous sommes à l’aube d’une nouvelle mandature, c’est maintenant que vont s’élaborer et se mettre en place des nouvelles politiques, qu’une impulsion pourra être donnée par l’Etat et qu’elle sera la plus forte. » Et de l’impulsion, il en faudra, car tous font le constat « d’immenses résistances à l’œuvre, à tous les niveaux, qui créent un décalage insupportable entre l’égalité de droit et l’égalité de fait ».
Car le gros de l’appareil législatif est en place, le principe d’égalité femmes-hommes est inscrit dans la Constitution et la question de son application effective a occupé une place prépondérante dans le débat en soulignant ce paradoxe : dans l’idéal, il ne faudrait même pas faire de loi mais dans les faits, aucune parité n’est possible sans contraindre et sanctionner.
18% de femmes à l’Assemblée Nationale
Au niveau de la représentation politique, Fatima Lalem, adjointe au maire de Paris en charge de l’égalité entre les femmes et les hommes fait une proposition sans appel : « pour sortir des stratégies de contournement il faut imposer la suppression de l’ensemble du financement à un parti qui ne respecte pas la parité. »
Chantal Brunel, députée UMP de Seine-et-marne et rapporteur général de l’Observatoire de la parité propose d’interdire le cumul des mandats, qui permettrait à plus de femmes d’accéder à l’Assemblée Nationale où elles ne sont que 18%. Des propositions qui pourraient donc mettre d’accord l’adjointe au maire socialiste et la députée UMP si les clivages politiques n’avaient pas la vie aussi dure que les inégalités femmes-hommes. Chantal Brunel le reconnaît, « entre nous, c’est vrai qu’à droite nous sommes en retard sur les femmes politiques ».
Un « retard sur les femmes politiques » flagrant en 2007, où l’UMP avait été prêt à payer 4 millions d’euros de sanction pour ne présenter que 26% de femmes tandis que le PS lui, fort de ses 46,5% de femmes n’avait du débourser « que » 500 000 euros. Un constat nuancé par Chantal Brunel qui soutient qu’il faut « calculer le nombre de femmes élues et non les femmes candidates car on les met systématiquement dans des circonscriptions perdues d’avance ». Une proposition partagée notamment par Elizabeth Guigou, députée PS en Seine-Saint-Denis.
Rien d’étonnant à cela pour Chantal Brunel qui soutient qu’en matière d’égalité « toutes les femmes qu’elles soient communistes, de droite ou de gauche doivent se battre ensemble ». Un engagement nuancé par la députée PS : « on a un travail transpartisan mais force est de constater que quelle que soit la bonne volonté des femmes de l’UMP, je pense a Marie-Jo Zimmerman par exemple, il y a un moment où son parti lui interdit de voter certaines choses, par exemple la proposition de loi que j’ai présenté (la loi de juin 2010 qui supprime le financement public des partis qui ne présentent pas 50 % de candidates-ndlr) avec laquelle elle était d’accord et qu’elle n’a pas pu voter ».
Un ministère du droit des femmes
Pour Caroline de Haas, la présidente de l’association Osez le féminisme qui a introduit le débat, ces clivages sont de bonne augure :
« la question de l’égalité femmes hommes n’échappe pas aux clivages et tant mieux. Pour moi les droits de femmes rassemblent une vision de la société, des choix publiques, budgétaires, éthiques parfois et c’est choix sont l’objet des débats politiques ». Des clivages symbolisés par l’opposition entre son discours d’ouverture, dans lequel sa
« première revendication est la mise en place d’un ministère du droit des femmes » alors que Roselyne Bachelot-Narquin, ministre des Solidarités et de la cohésion sociale, en discours de clôture, s’y est fermement opposée.
Caroline de Haas affirme que ce ministère « aurait vocation à avoir un œil sur toutes les politiques publiques car (…) a partir du moment où on prend une décision, on fait une loi ou une réforme, quelque soit le domaine qu’elle touche, si on n’intègre pas la question du genre, elle aura des conséquences sur les inégalités entre les femmes et les hommes et généralement plutôt négatives ». Une vision « très mauvaise idée » pour la ministre UMP qui, pragmatique, souligne qu’ « un ministère en charge du droit des femmes est condamné à la relégation dans un gouvernement. On n’existe que parce qu’on a un budget qui compte. (…) Je pèse dans mon gouvernement que parce que je pèse 110 milliards de politiques sociales. »
Des stéréotypes aux violences
Sur les violences faites aux femmes, sans surprise, le consensus est total. Toutes s’accordent à dire qu’il y a eu des progrès, notamment dans leur prise en charge aux commissariats. Mais Dominique Versini, la directrice du Samu social de Paris affiliée au Modem continue de décrire comme un « parcours du combattant » les démarches de ces femmes battues qui sortent du silence. Pour y remédier, les intervenantes s’accordent sur une « loi cadre, avec une stratégie coordonnée à tous les niveaux » qui prendrait en considération à la fois les instances judiciaires, le logement ou encore l’information. Car « les femmes ne sont pas informées de leurs droits » constate la députée UMP Chantal Brunel.
A l’origine de ses violences, des stéréotypes bien établis comme le souligne Réjane Sénac, chargée de recherche au CNRS. « Les résistances sont ancrées dans un héritage très fort du père de famille qui avait tous les droits dans son foyer ». Les stéréotypes ont en effet la vie dure, tellement que beaucoup sont tentés de les justifier par des critères biologiques contre lesquels s’insurge Catherine Vidal, neurobiologiste et directrice de recherche à l’institut Pasteur. « On retrouve trop souvent les arguments du biologique, du naturel qui expliqueraient et justifieraient les différences et les inégalités entre les hommes et les femmes. Ces considérations sont en complète contradiction avec la réalité des progrès de nos connaissances sur le cerveau : rien n’est figé de façon immuable dès la naissance, notre cerveau se construit en permanence, cela s’appelle la capacité de plasticité cérébrale ». Quand on demande à la neurobiologiste comment enseigner le genre à l’école, elle répond simplement : « il faut d’abord enseigner la science ! ».
A compétences égales, salaire égal
Le consensus était également de mise sur les questions d’éducation, et plus étonnamment sur les débats professionnels entre Jean-Luc Placet, qui représentait le Medef, et les organisations syndicales présentes (notamment Force Ouvrière et la Confédération Française Démocratique du Travail). Tous font le constat d’écarts de salaires alarmants entre des femmes et des hommes à compétences égales auxquels il faut ajouter que les femmes occupent le plus les emplois en contrat à durée déterminée (CDD) qui constituent 80% des emplois à bas salaires. Elles occupent aussi près de 90% des emplois à temps partiel, des temps partiels trop souvent « subis ».
Jean-Luc Placet, le mandataire de Laurence Parisot a préféré trouver des points d’accord avec les organisations syndicales qui lui faisaient face et n’a cessé de répéter le travail de sensibilisation qu’il menait pour « faire comprendre aux entreprises que les femmes sont une chance » tout en saluant le chemin parcourus par les conseils d’administration des entreprises de plus de 500 employés, soumis à la loi Coppé-Zimmerman à un taux de 40% de femmes sous peine de sanctions. « On était à 10% il y a deux ans, maintenant on est à 20%. Il faut désormais passer à 40%. » Jean-Luc Placet a offert une conclusion pleine d’espoir à l’assemblée : « On est en période de progrès et j’ai l’impression que tout le monde a envie de bien faire, que culturellement, on est devenus moins idiots. »