Législatives 2017 en France : 38% de députées, un record mais pas de parité

224 députées vont faire leur entrée à l'Assemblée nationale, sous l'ère Macron. Un record historique pour la France, que chacun.e salue. Oui mais, car il y en a un, mais. Avec 38,6% d'élues, la barre symbolique des 40% n'est pas atteinte, ce qui laisse un petit goût de trop peu, encore. 
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femmes applau assemblée
©site assembléenationale.fr
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Marianne peut-elle afficher le sourire de la victoire ? La réponse semble être un oui, mais pas aussi franc qu'on l'aurait rêvé. Mais il s’agit bel et bien d’un record historique. Un record chassant l’autre. Il y a 5 ans, avec un peu plus de 26% c’était déjà le terme employé. A l'issue des législatives du 11 et 18  juin 2017, on passe de 26,2% à 38,65 %. Au nombre de 155 sous la précédente législature, elles sont désormais 224 députées, sur les 577 sièges que compte l'Assemblée nationale. 

 
224 élues 
La République en Marche compte la part la plus importante de femmes dans ses rangs avec 47% d'élues, devant le MoDem (46%) et la France Insoumise (41%). Le Parti socialiste compte 38% d'élues (contre 36% en 2012), le FN 25%, LR 23% (contre 14% en 2012), le PCF 20% et l'UDI 17%.

La France va ainsi passer du 64ème au 17e rang mondial au niveau mondial des pays comptant le plus de femmes élues à la chambre basse du Parlement.

Pour rappel, les dernières législatives au Royaume-Uni n’ont permis qu’à 30 % de femmes d’être élues, avec il faut le souligner néanmoins une femme Premier ministre. Côté américain, le retard est encore plus important avec 19 % de femmes à la Chambre des représentants. Les champions du monde de la parité politique sont le Rwanda et la Bolivie, les pays scandinaves ne sont pas loin derrière.

"Cette évolution sans précédent de la part des femmes élues à l'Assemblée nationale est une avancée remarquable pour un partage effectif des responsabilités entre les femmes et les hommes, preuve que la parité n'est plus une option mais une exigence démocratique", déclare dans un communiqué Danielle Bousquet, présidente du HCE, Haut Conseil à l'égalité femmes-homme. 

Effet Macron ? 

Le changement sera donc visible. Et cette féminisation de l'hémicycle, il faut le reconnaître, est en partie due au renouvellement porté par les candidats de La République en marche de la majorité au pouvoir.

Selon le HCE, cette évolution de 12 points par rapport à 2012 a été permise grâce à "l'effet conjugué des contraintes" (loi sur le non cumul des mandats et doublement des pénalités financières pour les partis ne respectant pas la parité des candidatures) et "l'objectif affiché de parité de la part du parti de la majorité présidentielle", la République en Marche arrivée largement en tête.

Toutefois, si les femmes représentaient 42,4% des candidat(e)s à l'élection, elles ont "sans conteste été plus souvent investies que leurs collègues hommes dans des circonscriptions difficiles", déplore le Haut Conseil.

« Le nombre de femmes élues à l'Assemblée nationale a doublé en 10 ans. C’est une très bonne nouvelle pour la promotion d’une culture commune de l’égalité, même si nous pouvons regretter que la parité encouragée par la loi ne soit toujours pas atteinte. Certains partis préfèrent encore payer des pénalités financières plutôt que présenter des candidates, et investissent encore davantage les femmes dans des circonscriptions difficilement gagnables », déclare Olga Trostiansky, Présidente du Laboratoire de l’Égalité.

Mais après les beaux résultats du premier tour des législatives, 245 femmes s’étaient qualifiées pour le second tour, (notre article ici ) et les projections donnaient jusqu’à 43% de femmes dans la future Assemblée, la déception est palpable. Coincées sous la barre des 40%, le rubicon ouvrant la voie vers une moitié femmes/moitié hommes n’a pas été franchi. On reste dans les 30%, bref du tiers, bref un goût de pas assez … 

Des postes clés à la clef ? 

Pour le Laboratoire de l’Égalité, « cette bonne nouvelle doit s'accompagner de l'élection d'une femme à la présidence de l’Assemblée Nationale, ce qui serait une première en France, et un autre message fort. Les cinq premiers postes à responsabilités politiques (la présidence de la République, celles du Sénat et du Conseil Économique, Social et Environnemental, le Premier ministre, la présidence du Conseil Constitutionnel) sont jusqu’à présent occupés par des hommes. »

Même attente du côté du HCE. "Le partage des places doit désormais se traduire par un réel partage du pouvoir à l'Assemblée, aussi bien au bureau (présidence, vice-présidence, secrétaires, etc...) qu'à la tête des commissions". Le bureau et la présidence des commissions comptaient environ un tiers de femmes.

Sous la Ve République, 15 hommes ont occupé la fonction de président de l'Assemblée, aucune femme.
 
Pour Catherine Coutelle, présidente (PS) sortante de la délégation aux droits des femmes de l’Assemblée, "La répartition des responsabilités et l’organisation du travail parlementaire seront à surveiller. (..) La composition du gouvernement (certes paritaire mais où la plupart des principaux ministères ont été confiés à des hommes - relire notre article ici), mais aussi celle de cabinets ministériels très masculins ont éveillé le scepticisme sur les intentions du nouveau pouvoir".

"L’attribution de la présidence, mais aussi des six postes de vice-président, ainsi que des trois postes de questeur sera particulièrement observée. Tout comme la désignation des présidents et rapporteurs des commissions parlementaires (lois, finances, affaires culturelles…), stratégiques à l’Assemblée, donc convoités et difficiles à obtenir", ajoute l'ex-députée de la Vienne, qui avait décidé de se retirer après deux mandats successifs. 

Sur Twitter, cette internaute voit même plus loin, et vise le Sénat, où l'on compte 95 sénatrices sur un total de 344 sénateurs soit 27.6 %. 

Les temps changent, un peu, ou pas

Autre attente avec l'arrivée de ces nouvelles députées, plus nombreuses : le sexisme inscrit dans le marbre des colonnes du Palais Bourbon est-il amené à disparaître ? Plusieurs épisodes sexistes ont marqué la dernière législature. En premier lieu, il y a eu l'affaire Baupin, classée sans suite. (Lire ici notre article sur l'affaire Baupin).  Puis d'autres "incidents" ont émaillé les séances. Une députée huée parce qu'elle ose parler publiquement de harcèlement sexuel au sein de l’Assemblée, une ministre sifflée pour sa une robe à fleurs bleues ...

Parfois, le président de l'Assemblée peut décider de sanctions. C'est arrivé au moins deux fois, deux députés ont été punis, Philippe Le Ray (UMP) avait été privé d’un quart de ses indemnités pendant un mois pour avoir imité des bruits de poule lors de la prise de parole de Véronique Massonneau, (EELV). Même sanction pour son collègue Julien Aubert (LR) qui avait abusé du «Madame LE Président» à l’égard de Sandrine Mazetier, alors qu'elle dirigeait la séance.

Une plateforme web, Chair collaboratrice, invitant les parlementaires et collaboratrices à témoigner d’actes de sexisme dont elles sont victimes au quotidien a été créée. 
 
chair collaboratrice
Sur le site de Chaircollaboratrice, chacun.e peut raconter des expériences sexistes observées ou vécues.
©capture d'ecran/internet

Avec le temps, dit la chanson, les choses changent-elles vraiment ? En 1945, un an après l'octroi du droit de vote (21 avril 1944 : les Françaises ont (enfin) le droit de voter) aux femmes, 33 d'entre elles devenaient les premières députées de l'histoire française (soit 5,6%). Germaine Peyroles est l'une d'elles. En 1951, cette ancienne résistante (et mère de l'écrivain Gilles Perrault), comme une grande partie de ses consœurs élues, confie à un journaliste du Figaro : "Il faut reconnaître que les hommes ont toujours une petite difficulté à concevoir qu'une femme soit raisonnablement tête de liste. Cela ne leur vient pas à l'idée ! L'homme pense que cette place de choix lui est naturellement due ". Plusieurs fois vice-présidente de l'Assemblée, elle ajoutait : "Aujourd'hui, un parti qui a des femmes en position d'être élues est un parti fort"

A bon entendeur.se ... 

Retrouvez ici le regard croisé de l'ex-députée, et première questeure de l'histoire de l'Assemblée nationale Marie-Françoise Clergeaux (co-auteur de Libérez Marianne ! ) et le journaliste Jean-Baptiste Forray (auteur de La république des apparatchiks) sur le nouveau visage "féminin" de la Chambre des député.ées. sur le plateau du 64', au lendemain du second tour des législatives, lundi 19 juin 2017.
 
Il n'y a toujours pas de femme questeure au Sénat ! Il y a donc encore du chemin à faire !
Marie-Françoise Clergeaux, questeure à la Chambre des député.ées.