L’endométriose touche entre 1,5 et 3 millions de femmes en France. Pourtant elle reste inconnue du grand public. Le 28 mars 2015, des centaines de patientes s’étaient rassemblées à Paris pour une « Endomarch », afin de sortir cette maladie de l’ombre.
Deuxième "Endomarch" parisienne, samedi 28 mars 2015 à Montparnasse (VIe). /TV5MONDE
7 minutes de lecture
Pour beaucoup, ce sont des « douleurs de nanas », de femmes qui « jouent la comédie ». Mais celles qui sont concernées par l’endométriose parlent d’une vraie maladie, qui gâche leur quotidien et provoque énormément de souffrances. L’endométriose est en effet une maladie chronique des femmes en âge de procréer, caractérisée par la présence de foyers d’endomètre en dehors de la cavité utérine. Elle engendre entre autres chez les patientes, des règles très douloureuses, des douleurs à la vessie ou lors de rapports sexuels et provoque une infertilité.
Explication...
L’endomètre est la muqueuse qui tapisse l’intérieur de l’utérus. L’endométriose résulte d’un développement anarchique de cette muqueuse en dehors de l’utérus. Lorsque le tissu endométrial se trouve à l’extérieur de l’utérus, il va gonfler et saigner chaque mois. Mais ces saignements n’auront pas d’issue vers l’extérieur du corps, ce qui engendre une inflammation des organes avoisinants. Cela peut aussi entraîner des kystes et des douleurs et troubles des systèmes gynécologiques, urinaires et digestifs.
Source: Lili H contre l'endométriose
150 millions de femmes atteintes d'endométriose dans le monde
L’endométriose concerne actuellement plus d'un million de femmes en France et plusieurs millions dans le monde. Pourtant, les médecins sont encore peu sensibilisés à cette maladie. Le 28 mars, quelques professionnels de santé s’étaient réunis pour en parler, avec l’association Lili H contre l’endométriose à l’occasion de la seconde « Endomarch ».
Le docteur Erick Petit, fondateur du centre de l’endométriose à l’hôpital St-Joseph à Paris, reconnaît le manque de connaissances chez les médecins, notamment chez les radiologues qui seraient moins de 10% à être formés aujourd’hui. « Très peu de radiologues connaissent cette pathologie. Pourtant, l’échographie endo vaginale est plus efficace qu’un IRM pour détecter la maladie. Mais il faut une longue expérience pour repérer les lésions et interpréter les résultats ».
Conférence sur l'endométriose à Paris le samedi 28 janvier 2015, réunissant professionnels de santé et patientes. /TV5MONDE
Une maladie difficile à diagnostiquer et à éradiquer
Une difficulté à diagnostiquer l’endométriose due également à des symptômes et localisations variées. Les femmes peuvent souffrir de longues années avant de savoir qu’elles sont atteintes de cette maladie, due à des facteurs hormonaux, génétiques, immunologiques (système immunitaire) ou encore environnementaux. Aujourd’hui, elles doivent attendre en moyenne 9 ans pour être diagnostiquées. Et peu de solutions s’offrent à elles, car il est pour l’instant impossible d’éradiquer complètement cette maladie. Seuls des traitements hormonaux permettent d’atténuer la douleur et des médicaments soulagent les patientes en les mettant dans un état de ménopause artificielle. Une opération chirurgicale est souvent aussi nécessaire.« Il faut expliquer l’importance du traitement hormonal car il permet de stabiliser la maladie. On ne peut toujours pas l’éradiquer mais au moins améliorer la qualité de vie », explique Nizar Aflak, professeur au Collège de médecine des Hôpitaux de Paris, qui compare cette maladie à un cancer, pour sa durée et sa propagation vers d’autres organes.
Dates et chiffres sur la maladie:
1860 : découverte de la maladie. 2004 : la maladie est inscrite dans les 100 objectifs de santé publique. 2005 : déclaration écrite du Parlement européen sur l’endométriose 28 mai 2014 : l'ancienne ministre des droits des femmes, Najat Vallaud Belkacem reçoit un collectif inter-associatif qui lui remet le manifeste « Endométriose : ouvrons les yeux » . Il compte plus de 14 000 signatures à ce jour.
1 million de femmes sont touchées par l’endométriose en France, sur 14,7 millions de femmes en âge de procréer. 14 millions environ sont concernées en Europe. 9 ans : nombre d’années moyen du diagnostic. 22 300 hospitalisations pour endométriose en 2013. 2e cause des arrêts de travail aux Etats-Unis.
Source: docteur Erick Petit, fondateur du centre de l'endométriose à Paris.
L’endométriose est aussi une maladie, dont les douleurs sont variables chez les femmes. « Il arrive que chez certaines femmes, des lésions soient grandes mais qu’elles ne provoquent pas de douleur et vice-versa », souligne le professeur Nizar Aflak. Mais l’endométriose est chez toutes très handicapante, avant, pendant ou en dehors des règles. « La morphine et les anti-inflammatoires ne sont pas toujours efficaces. Je prescris des anti épileptiques ainsi que des anti dépresseurs antalgiques pour un traitement de fond avec des douleurs en dehors des règles », raconte le Dr Lhuillery, médecin spécialiste de la douleur.
Il y a beaucoup de travail à faire pour faire connaître la maladie, car les règles elles-mêmes sont déjà un tabou
Des douleurs, des difficultés sociales, de la solitude… elles étaient des centaines d’ « Endo Girls » place Raoul Dutry à Montparnasse samedi 28 mars, à venir marcher et témoigner des conséquences de cette maladie.
« J’ai été diagnostiqué à 25 ans, plus de dix ans après mes premières règles. J’ai souffert pendant tant d’années… Au quotidien c’est très handicapant car on doit au travail on doit s’absenter quelques jours avant et pendant les règles. Lors des rapports sexuels on ressent aussi de grosses douleurs. L’infertilité due à cette maladie cause aussi des séparations et au niveau social, on se retrouve un peu seul car les gens ne comprennent pas. Mais tous les deux mois on se réunit avec les endogirls de l’association, on discute et grâce à cela je me sens moins seule. 0n s’échange des conseils. Je voudrais aujourd’hui qu’on nous prenne au sérieux, car c’est vraiment une maladie invalidante. Nos familles, nos conjoints en souffrent. »Gül
Gül, une "endo girl". /TV5MONDE
« Cela fait 22 ans que je suis malade et 22 ans que j’attendais de rencontrer d’autres femmes qui sont malades comme moi… Pendant mes règles je ne peux pas bouger pendant 3 jours. Je suis sous antidouleurs et j’ai besoin que quelqu’un vienne m’aider chez moi. Pour éviter cela il ne faut pas de règles, donc un traitement lourd. A force de prendre des traitements hormonaux tout le temps, je me demande si je ne suis pas en train de détruire mon corps. Aujourd’hui j’ai décidé d’arrêter de prendre des médicaments. Je veux essayer l’autohypnose pour gérer ma douleur ainsi que la sophrologie. Ma propre famille disait que j’étais folle, que je me plaignais trop. Les gens pensent que l’on joue la comédie. Il y a beaucoup de travail à faire pour faire connaître la maladie, car les règles elles-mêmes sont déjà un tabou. »Séverine.
« Je suis atteinte d’endométriose depuis 6 ans mais j’ai eu la chance d’avoir eu une fille qui a 11 ans aujourd’hui. Il faut que la recherche avance, que des fonds soient attribués aux associations qui nous aident, des centres agrées, une vraie prise en charge de la maladie. Elle ne se voit pas malheureusement. » Sabrina.
Sabrina et sa fille, lors de l'Endomarch place Raoul Dutry à Montparnasse. /TV5MONDE
« Il faudrait que le gouvernement lance une campagne de sensibilisation »
Marie-Anne Mormina fondatrice de l'association Lili H contre l'endométriose. /TV5MONDE
Marie-Anne Mormina, fondatrice de l’association Lili H, est engagée depuis plusieurs années pour lutter contre cette maladie. Elle est aussi l’auteure du livre La maladie taboue, paru en mars 2015 chez Fayard. Entretien.
Quand avez-vous décidé de créer l’association Lili H contre l’endométriose et pourquoi ?
J’ai crée l’association il y a quatre ans. Au départ c’était un coup de colère face à une situation injuste, étant moi-même atteinte d’endométriose. La sécurité sociale m’annonçait à l’époque que mon arrêt maladie ne serait plus justifié dans quelques semaines alors que les médecins m’avaient annoncé des résultats d’analyses vraiment mauvais. A ce moment là j’ai eu une prise de conscience : les gens ne connaissent pas assez cette maladie. Et je me suis dit qu’il fallait changer les choses.
Que raconte votre livre sur l’endométriose et quel est son but ?
Ce n'est pas ma propre histoire, mais c’est le premier ouvrage qui raconte le point de vue des malades. L’idée était de livrer aux médecins des témoignages pour qu’ils comprennent mieux les patientes et leurs attentes. Il fallait expliquer les différentes formes d’endométriose et donner de la force aux filles, leur montrer que le binôme patiente/médecin est essentiel. Mais c’est aussi une sorte d’outils pour les endogirls. Elles peuvent le donner à leur entourage qui comprendra mieux ce qu’est la maladie.
Quels sont encore les progrès à réaliser pour faire face à cette maladie ?
Je suis optimiste aujourd’hui car la révolution est en cours, mais il reste beaucoup de choses à faire. On a besoin que le parcours de santé soit expliqué aux malades, c’est à dire vers qui elles doivent se tourner, les options thérapeutiques etc comme on peut le faire déjà avec le diabète. Il faut aussi développer la recherche pour trouver un traitement adapté et que les médecins, les radiologues soient mieux formés pour faciliter le diagnostic. Enfin, éduquer le grand public sur cette maladie est vraiment important. Il faudrait que le gouvernement lance une campagne de sensibilisation.
En attendant une mobilisation nationale sur le sujet, la chanteuse Imany, souffrant elle aussi de cette maladie a donné récemment un concert de soutien à Paris. Une plateforme e-santé collaborative dédiée à l'endométriose, 0Z2020, a également été créée pour accompagner les patientes et faire avancer la recherche. L’association Lili H a quant à elle imaginé son propre spot de sensibilisation, sorti le 3 février 2015 et réalisé par Sara Grimaldi, elle-même atteinte d’endométriose.