#lepointnoir : montrer sa main pour lutter contre les violences domestiques

Comment une victime de violence conjugale peut-elle demander de l'aide si elle n'est pas libre de parler ? C'est dans ce but que l'opération #Point noir est lancée ce dimanche 25 novembre en France, à l'occasion de la Journée internationale contre les violences faites aux femmes. Il s'agit de publier la photo de sa main, un point noir dessiné sur la paume. Ce code de détresse imaginé par une Anglaise avait créé un incroyable mouvement populaire il y a trois ans, dépassant les frontières britanniques.
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code point noir
La France à son tour se lance dans l'opération #codepointnoir, qui permet à une femme en détresse, victime de violence domestique, de faire part, discrètement de sa situation à l'extérieur de chez elle. 
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Serait-ce un des nombreux effets de la vague MeToo ? Un an après la libération de la parole des victimes d'Harvey Weinstein aux Etats-Unis, la déferlante continue de mobiliser les troupes partout dans le monde. En ce 25 novembre, Journée internationale des Nations unies contre les violences faites aux femmes, une campagne est lancée en France via les réseaux sociaux.

Celle-ci intervient au lendemain de manifestations sans précédent dans tout le pays, et deux jours avant le lancement de la plateforme de signalement en ligne annoncé par le gouvernement. Elle consiste à faire connaitre un code de détresse destiné aux victimes pour faire connaitre leur situation : un point noir dessiné au creux de la main pour dire « Je suis victime de violences, j’ai besoin d’aide et j’ai des difficultés à en parler librement. »

Ce geste, adressé à une personne choisie, à un moment choisi, permet de communiquer sans avoir à dire les mots, notamment avec une personne que l’on ne connaîtrait pas intimement. Un geste simple et furtif qui peut permettre aux victimes de violences de surmonter leur difficulté à parler.

Que faire si l'on me montre un point noir ?

Le récipendiaire de ce signal a pour mission de s’organiser pour aider la personne en détresse et l’aider à s’orienter vers une structure professionnelle adaptée à sa situation. Personnel hospitalier ou des services sociaux, commerçants ou employés d'un lieu de passage (guichet de gare ou de la poste, par exemple) sont invités à faire savoir qu'ils sont informés et à même d'agir au vu du code : 


Montrer le code du point noir, c’est faire un premier pas vers une prise en charge professionnelle. Dès lors, l'aide peut s'organiser, avec les précautions qui s'imposent pour obtenir un maximum d'efficacité  : "Recevoir la parole d'une victime de violences, ça s'apprend", insiste Alice Lepers, connue sous le nom de "Alice au bureau" sur les réseaux sociaux. Recevoir un appel à l'aide, c'est aussi savoir qu'une victime peut changer d'avis à tout moment et que sa décision et son identité doivent être respectées, comme le précise le site LePointNoir dans sa rubrique Que faire si quelqu'un.e me montre le point noir ?

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Du Black Dot au point noir

Tout a commencé sur Facebook en 2015, en Angleterre. La Black Dot Campaign a démarré à l’initiative d’une ex-victime de violences conjugales qui souhaite conserver l'anonymat. Elle a imaginé cette campagne parce que ce point noir était facile et rapide à dessiner avec un crayon à maquillage, puis à s’effacer facilement ensuite, y compris pour les personnes ne sachant pas écrire.

Par la suite, face aux critiques émises par la presse britannique et les professionnels de santé et d'assistance sociale qui n'avaient pas été associés, l'initiatrice de l'opération a préféré fermer la page Facebook au bout d'un mois. Selon les médias anglais, une cinquantaine de personnes auraient réussi à trouver de l'aide grâce à ce code. D'autres, si elles ne l'ont pas utilisé, ont saisi la perche, comme "cette dame qui, ayant connaissance du code, a trouvé la force d'appeler à l'aide autrement - en l'occurence en écrivant 'Help' au creux de sa main à l'hôpital pour le montrer à une infirmière," nous confie la jeune femme qui a décidé de reproduire ce code en France.

pointnoir photo noir
Dessiner un point noir sur le creux de sa main veut dire "Je suis victime de violences, j'ai besoin d'aide, il m'est difficile d'en parler librement".
©Pointnoir

D'Angleterre, la campagne a gagné les Etats-Unis, le Canada, l'Australie, atteignant près de 4,8 millions de personnes. C'est aux Etats-Unis qu'Alice découvre le black dot, début 2017  : "Dans un feuilleton à la télé, j'ai vu quelqu'un montrer sa main à travers la vitre, à l'arrière d'une voiture. Tous les amis qui étaient avec moi ont reconnu le code de détresse."

Tout de suite, Alice, qui se dit "artiste en communication", est interpellée. Elle a déjà réalisé les campagnes virales "Toutes en jupes" et "Mettez du rouge", des opérations qui lui tiennent à coeur et qu'elle surveille "comme le lait sur le feu". Dès le printemps 2017, elle veut lancer la campagne du "point noir" en France. Un projet contrarié par l'affaire Weinstein : "Ce n’était plus le moment, explique-t-elle. Il fallait laisser passer l'onde de choc, laisser du temps au temps."

Partenaires particuliers

Le moment venu, priorité aux partenariats avec les professionnels directement concernés, comme l'association Parler ou Planning familial. Alice se souvient de l'expérience de la Britannique intiatrice de l'idée - sans eux, pas de campagne. Puis elle implique d'autres groupes, comme le Conseil national du Barreau, car les avocats aussi doivent savoir recevoir ce code, dans une situation de divorce, par exemple. L'ordre des sage-femmes, car les violences se déclenchent aussi pendant la grossesse. Ou encore l'association des femmes huissiers de France : "Les huissiers sont importants, parce qu'ils vont chez les gens et peuvent entrer en contact avec une personne à demi séquestrée, par exemple.", explique Alice. 

Le double message du "point noir"

En France, entre 250 000 et 300 000 femmes sont agressées chaque année par un partenaire. Environ une femme sur trois risque d’être agressée par son conjoint au cours de sa vie. Une étude menée au Centre d’accueil d’urgence des victimes d’agressions (CAUVA) révèle que 60 % des victimes d’agressions traitées sont des femmes menacées ou physiquement blessées par un partenaire. Une femme sur trois est morte après une violence domestique. Dans les cas de violences conjugales, 95 % des femmes doivent trouver un logement pour elles et leurs enfants.


"Si l'on part du principe que si l'on change, les choses changeront", dit Alice. Le code du "point noir" pourrait aussi, à l'avenir, servir aux hommes, aux adolescents, aux personnes âgées, aux enfants... C'est un outil qui se veut fédérateur et générateur de solidarité, mais aussi dissuasif. "Son action recèle deux messages : l'un pour les victimes - "On est là, on a compris" - et l'autre pour les agresseurs, pour leur dire "On s'organise".

TV5monde s'associe à cette opération, alors à vous ? 

Une plateforme de signalement en ligne en France

La plateforme de signalement en ligne des violences sexistes et sexuelles sera lancée mardi 27 novembre par le gouvernement, annonce ce dimanche le Premier ministre Edouard Philippe. Initialement attendue pour octobre, cette plateforme sera "opérationnelle 24H/24 via le site service-public.fr", a précisé le chef du gouvernement dans une tribune publiée sur le réseau social Facebook.

"Elle permettra aux victimes ou aux témoins d'échanger avec un policier ou un gendarme spécialement formé pour les aider dans leurs démarches, explique Edouard Philippe. C'est le premier des jalons, technique et politique, pour éradiquer les violences sexistes et sexuelles. Désormais, quelques clics peuvent aider chacune à prendre un nouveau départ : pour soi, pour sa famille. Et peut-être pour éviter le pire", a insisté le Premier ministre.