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Serait-ce un des nombreux effets de la vague MeToo ? Un an après la libération de la parole des victimes d'Harvey Weinstein aux Etats-Unis, la déferlante continue de mobiliser les troupes partout dans le monde. En ce 25 novembre, Journée internationale des Nations unies contre les violences faites aux femmes, une campagne est lancée en France via les réseaux sociaux.
Celle-ci intervient au lendemain de manifestations sans précédent dans tout le pays, et deux jours avant le lancement de la plateforme de signalement en ligne annoncé par le gouvernement. Elle consiste à faire connaitre un code de détresse destiné aux victimes pour faire connaitre leur situation : un point noir dessiné au creux de la main pour dire « Je suis victime de violences, j’ai besoin d’aide et j’ai des difficultés à en parler librement. »
A PARTIR D'AUJOURD'HUI #25Novembre - journée mondiale contre les violences faites aux femmes - AIDEZ à faire connaitre le code de détresse #lepointnoir en postant une photo de vous avec un point noir dessiné dans la paume de la main #blackdotfrance #timesup #MeToo pic.twitter.com/sHIl3LemDn
— lepointnoir (@blackdotfrance) November 25, 2018
Ce geste, adressé à une personne choisie, à un moment choisi, permet de communiquer sans avoir à dire les mots, notamment avec une personne que l’on ne connaîtrait pas intimement. Un geste simple et furtif qui peut permettre aux victimes de violences de surmonter leur difficulté à parler.
#25Novembre : Un dessin très représentatif de la réalité. Les femmes qui sont victimes de violences, gardent le sourire devant tout le monde mais seules, elles s’enferment dans le silence. #breakthesilence Il faut en parler! Soutenez l’association #blackdotfrance ! #LePointNoir pic.twitter.com/Ug4qexgtRg
— Hanaé Bourset (@HBourset) November 25, 2018
Le récipendiaire de ce signal a pour mission de s’organiser pour aider la personne en détresse et l’aider à s’orienter vers une structure professionnelle adaptée à sa situation. Personnel hospitalier ou des services sociaux, commerçants ou employés d'un lieu de passage (guichet de gare ou de la poste, par exemple) sont invités à faire savoir qu'ils sont informés et à même d'agir au vu du code :
Montrer le code du point noir, c’est faire un premier pas vers une prise en charge professionnelle. Dès lors, l'aide peut s'organiser, avec les précautions qui s'imposent pour obtenir un maximum d'efficacité : "Recevoir la parole d'une victime de violences, ça s'apprend", insiste Alice Lepers, connue sous le nom de "Alice au bureau" sur les réseaux sociaux. Recevoir un appel à l'aide, c'est aussi savoir qu'une victime peut changer d'avis à tout moment et que sa décision et son identité doivent être respectées, comme le précise le site LePointNoir dans sa rubrique Que faire si quelqu'un.e me montre le point noir ?
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Tout a commencé sur Facebook en 2015, en Angleterre. La Black Dot Campaign a démarré à l’initiative d’une ex-victime de violences conjugales qui souhaite conserver l'anonymat. Elle a imaginé cette campagne parce que ce point noir était facile et rapide à dessiner avec un crayon à maquillage, puis à s’effacer facilement ensuite, y compris pour les personnes ne sachant pas écrire.
Par la suite, face aux critiques émises par la presse britannique et les professionnels de santé et d'assistance sociale qui n'avaient pas été associés, l'initiatrice de l'opération a préféré fermer la page Facebook au bout d'un mois. Selon les médias anglais, une cinquantaine de personnes auraient réussi à trouver de l'aide grâce à ce code. D'autres, si elles ne l'ont pas utilisé, ont saisi la perche, comme "cette dame qui, ayant connaissance du code, a trouvé la force d'appeler à l'aide autrement - en l'occurence en écrivant 'Help' au creux de sa main à l'hôpital pour le montrer à une infirmière," nous confie la jeune femme qui a décidé de reproduire ce code en France.
D'Angleterre, la campagne a gagné les Etats-Unis, le Canada, l'Australie, atteignant près de 4,8 millions de personnes. C'est aux Etats-Unis qu'Alice découvre le black dot, début 2017 : "Dans un feuilleton à la télé, j'ai vu quelqu'un montrer sa main à travers la vitre, à l'arrière d'une voiture. Tous les amis qui étaient avec moi ont reconnu le code de détresse."
Tout de suite, Alice, qui se dit "artiste en communication", est interpellée. Elle a déjà réalisé les campagnes virales "Toutes en jupes" et "Mettez du rouge", des opérations qui lui tiennent à coeur et qu'elle surveille "comme le lait sur le feu". Dès le printemps 2017, elle veut lancer la campagne du "point noir" en France. Un projet contrarié par l'affaire Weinstein : "Ce n’était plus le moment, explique-t-elle. Il fallait laisser passer l'onde de choc, laisser du temps au temps."
Le moment venu, priorité aux partenariats avec les professionnels directement concernés, comme l'association Parler ou Planning familial. Alice se souvient de l'expérience de la Britannique intiatrice de l'idée - sans eux, pas de campagne. Puis elle implique d'autres groupes, comme le Conseil national du Barreau, car les avocats aussi doivent savoir recevoir ce code, dans une situation de divorce, par exemple. L'ordre des sage-femmes, car les violences se déclenchent aussi pendant la grossesse. Ou encore l'association des femmes huissiers de France : "Les huissiers sont importants, parce qu'ils vont chez les gens et peuvent entrer en contact avec une personne à demi séquestrée, par exemple.", explique Alice.
#blackdotfrance #lepointnoir #25novembreِ #ViolencesFaitesAuxFemmes parce que le féminisme c'est aussi l'affaire des hommes et des pères @aliceaubureau pic.twitter.com/TgYIli5B5W
— Bauder Thomas (@ThomasBauder) November 25, 2017
En France, entre 250 000 et 300 000 femmes sont agressées chaque année par un partenaire. Environ une femme sur trois risque d’être agressée par son conjoint au cours de sa vie. Une étude menée au Centre d’accueil d’urgence des victimes d’agressions (CAUVA) révèle que 60 % des victimes d’agressions traitées sont des femmes menacées ou physiquement blessées par un partenaire. Une femme sur trois est morte après une violence domestique. Dans les cas de violences conjugales, 95 % des femmes doivent trouver un logement pour elles et leurs enfants.
Toute femme qui veut alerter son entourage ou des professionnels des violences peut dessiner discrètement #lepointnoir. Ne restez pas isolée face à la violence, face à une relation malsaine.
— Sonia Krimi (@Sonia_Krimi) November 25, 2018
Partagez en France ce code de détresse @blackdotfrance #25Novembre #ViolenceAgainstWomen pic.twitter.com/r8piTfPXus
"Si l'on part du principe que si l'on change, les choses changeront", dit Alice. Le code du "point noir" pourrait aussi, à l'avenir, servir aux hommes, aux adolescents, aux personnes âgées, aux enfants... C'est un outil qui se veut fédérateur et générateur de solidarité, mais aussi dissuasif. "Son action recèle deux messages : l'un pour les victimes - "On est là, on a compris" - et l'autre pour les agresseurs, pour leur dire "On s'organise".
TV5monde s'associe à cette opération, alors à vous ?
La plateforme de signalement en ligne des violences sexistes et sexuelles sera lancée mardi 27 novembre par le gouvernement, annonce ce dimanche le Premier ministre Edouard Philippe. Initialement attendue pour octobre, cette plateforme sera "opérationnelle 24H/24 via le site service-public.fr", a précisé le chef du gouvernement dans une tribune publiée sur le réseau social Facebook.
"Elle permettra aux victimes ou aux témoins d'échanger avec un policier ou un gendarme spécialement formé pour les aider dans leurs démarches, explique Edouard Philippe. C'est le premier des jalons, technique et politique, pour éradiquer les violences sexistes et sexuelles. Désormais, quelques clics peuvent aider chacune à prendre un nouveau départ : pour soi, pour sa famille. Et peut-être pour éviter le pire", a insisté le Premier ministre.