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Le sexisme fait décidément la Une dans la Silicon Valley. En Californie, un procès hautement symbolique s'est ouvert au tribunal du comté de San Francisco le mardi 23 février. La PDG par intérim du forum Reddit, Ellen Pao, poursuit en justice son ancien employeur, le fonds de capital-risque Kleiner Perkins Caufield & Byers. Elle demande 16 millions de dollars de dommages et intérêts. Mais les supérieurs hiérarchiques et les collègues ne sont pas seuls à poursuivre les femmes de leur vindicte. Dans l'anonymat de leur salon, les actionnaires eux aussi font preuve de bien mauvaises manières envers les dirigeantes d'entreprise.
On appelle cela des actionnaires « activistes ». Détenteurs d'une partie du capital d'une société cotée, ils ne se contentent pas d'assister aux assemblées générales. Les uns réclament des dividendes plus élevés, les autres des changements, dans la stratégie ou la direction de l'entreprise. Avec un même but : montrer qu'en tant qu'actionnaires, ils doivent être écoutés. Jusqu'ici rien d'anormal. Ce qui l'est, en revanche, c'est la proportion de ces frondes dirigées contre des femmes à la tête d'entreprises cotées en bourse, en particulier aux Etats-Unis.
Le New York Times a fait, dans un récent article, un rapide calcul : outre-Atlantique, il n'y a que 23 femmes à la tête de sociétés faisant partie de l'indice des 500 plus grandes entreprises américaines, comme Marissa Mayer, la patronne de Yahoo !, ou Mary T. Barra, chez General Motors. Pourtant, au moins un quart de ces pédégères se sont retrouvées aux prises avec des actionnaires pour le moins exigeants. Elles sont donc sous-représentées d'un côté, et sur-représentées de l'autre.
Quelles conclusions tirer de ces chiffres ? Les femmes seraient-elles moins bonnes gestionnaires, ce qui expliquerait cette attitude, de la part, précisons-le, d'actionnaires « activistes » exclusivement masculins ? C'est peu probable, puisque les enquêtes montrent qu'en général, les sociétés dirigées par des femmes affichent de meilleures performances que celles tenues par des hommes. Mieux, les femmes ayant une meilleure gestion du risque que les hommes en général, la crise larvée actuelle leur est plus favorable.
Reste donc la deuxième hypothèse, émise cette fois-ci par le magazine Fortune : ces actionnaires « activistes » pourraient bien être sexistes... Certes, ils s'attaquent aussi aux PDG, ces derniers étant de toute façon beaucoup plus nombreux que les pédégères. Mais il n'empêche, les exemples de pressions sur ces dernières, repris dans la presse, montrent qu'ils les considèrent comme des cibles faciles.
Toutefois, ces actionnaires ne sont pas forcément conscients de ce préjugé. A cet égard, plusieurs études dans ce domaine sont troublantes. Celle de l'Université de l'Utah, conjointement avec la Washington University de St Louis, en 2012, montre qu'un prospectus d'introduction en bourse est diversement apprécié si on mentionne une femme à la tête de l'entreprise ou un homme. Un test, effectué auprès d'étudiants, révèle qu'avec exactement les mêmes informations sur l'entreprise, la perspective de l'introduction en bourse d'une société dirigée par une femme est considérée comme « moins attrayante » par une majorité d'étudiants (dont des femmes...).
Par ailleurs, certains observateurs, dont Sheryl Sandberg, la directrice des opérations de Facebook et auteure de En avant toutes, estiment que si les femmes sont la cible d'attaque de la part d'actionnaires activistes, c'est parce que ces derniers, à l'image de la société toute entière, semble-t-il, s'attendent à ce qu'une femme cède plus facilement.... Et si elle ne cède pas, elle est limogée ! Actionnaires irascibles ou non, une étude de 2013 du cabinet d'étude PricewaterhouseCoopers a ainsi mis en lumière le nombre disproportionné de pédégères (38%, contre 27% d'hommes seulement) « virées » sur les 10 dernières années.