Elles ont entre 20 et 35 ans. Elle vivent, travaillent et étudient en Algérie. Et suivent l'élection présidentielle avec enthousiasme, colère ou dégoût. Rencontre avec des Algériennes, au moment du vote, alors qu'une seule d'entre elles, l'éternelle Louisa Hanoun, représentante du Parti des travailleurs, était une nouvelle fois dans la course électorale, sans aucune chance de l'emporter...
Selma, Sympathisante pro-Bouteflika Selma vient tout juste de quitter la grande salle du Coupole où s’est tenu le dernier meeting de campagne du candidat Abedelaziz Bouteflika. Lorsqu’on lui demande pour qui elle votera jeudi, la réponse fuse : « Je vote pour le ministère Bouteflika ! », dit-elle sans s’en rendre compte. Un lapsus peut-être dû au fait qu’elle vient de voir l’ex-Premier ministre Abdelmalek Sellal, entouré d’autres ministres du gouvernement, faire campagne pour le chef d’Etat sortant. « Ah pardon, je veux dire le président Bouteflika », se rattrape-t-elle. Pour cette étudiante originaire d’Ouargla et installée à Alger, l’important c’est de poursuivre le travail accompli par le gouvernement en place et de maintenir la stabilité. « Bouteflika a changé notre situation. Il y a eu beaucoup de progrès pendant ses années de mandat, au niveau du terrorisme, de l’économie », rappelle-t-elle. Et qu’on ne lui parle pas de ces jeunes désoeuvrés qui n’ont pas de travail: « Celui qui veut trouver du travail, il en trouvera. Il y a du travail : ça dépend de ta spécialité », assure-t-elle. Selma est en 1ère année de Master de Finances. « Depuis que Bouteflika est au pouvoir, le chômage a baissé. On a tout, de la main d’œuvre, des équipements modernes, des aides comme l’ANSEJ (l’Agence nationale de soutien à l’emploi des jeunes), le pays s’est développé ». Aucun doute jeudi, comme nombre d’autres Algériens, Selma votera pour Abdelaziz Bouteflika.
Amira, militante pro-Benflis, Alger Amira, 22 ans, vient de sortir du quartier général de la campagne d'Ali Benflis. Depuis des semaines, cette jeune étudiante en Sciences politiques milite via le web et les réseaux sociaux pour sensibiliser la jeunesse au programme de l'ancien Premier ministre. Une campagne électorale réussie, selon elle. "Avant que je ne sache que Benflis allait se présenter, je n'avais aucun espoir. J'avais une vision du futur très noire. Là, je revis, je ne regrette rien et s'il perd, ce n'est pas grave parce qu'on a gagné une grande bataille", souligne-t-elle, avant de laminer le bilan du président sortant Abdelaziz Bouteflika. "On dit qu'il a rétabli la sécurité. C'est vrai qu'avant notre ennemi était connu, c'était le terrorisme. Maintenant il y a des agressions partout, l'insécurité, une fille ne peut pas sortir dehors la nuit donc je pense que ça va de mal en pis", souligne-t-elle. Quant à son bilan économique, Amira évoque les 20% de chômage chez les jeunes, les 10% d'inflation, et assure: "on fait de la marche arrière." Le choix d'Ali Benflis ? Un choix de raison fondé sur sa confiance en l'intégrité du candidat: "Il n'est pas attaché à ce pouvoir. Je sais qu'il va faire un seul mandat et qu'il va partir, et ce mandat-là sera le mandat de la transition."
Naouel, Sympathisante de Barakat, Alger Le président sortant, Naouel ne veut plus en entendre parler, pas depuis qu'il a annoncé sa candidature le 22 février dernier. Depuis la jeune femme manifeste dès qu'elle le peut avec le Mouvement Barakat ("Ca suffit"). Mais ce mercredi, la réaction a été d'une violence inattendue. « Ils nous ont réprimés, ils nous ont molestés », dit-elle en tremblant de colère contenue. « Les autres fois, on était venu, on avait manifesté, et parfois ils nous arrêtent, mais là, à peine, on était arrivés qu’ils nous ont pris, pourchassés et repoussés dans tous les sens. » Comme la plupart des sympathisants du mouvement Barakat, Naouel dit avoir reçu des coups. « J’avais une pancarte, ils me l’ont prise. Ils m’ont poussée dans un escalier, heureusement que les gens étaient là pour me rattraper », raconte-elle. Et de s’insurger : « Ils disent que c’est une démocratie mais quelle démocratie, si on ne peut pas dire ce qu’on pense, dire qu’on est contre ce 4ème mandat ? » Autour d’elle, sur la place Audin et près de la Fac centrale, des dizaines de voitures de police et un nombre impressionnant de forces de l’ordre, armés de matraques et de longs bâtons en bois. La manifestation a été dispersée, des membres du Mouvement Barakat sont retenus par des policiers en uniforme ou en civil dans les cages d’escaliers des immeubles environnants. Alors Naouel et ses amis refusent de partir : « Voilà, je suis là, je n’ai pas de pancarte, je ne peux rien dire, mais je reste là », sourit-elle. « Le militantisme ne s’arrête pas au 17 avril. On continue. »
Lydia, Abstentionniste anti-Système, Bejaïa Lydia, elle, ne manifeste pas. Ni avec Barakat ni avec les boycotteurs. On la croise à quelques mètres du siège de la wilaya de Bejaïa, où quelques milliers de manifestants, membres ou sympathisants, du parti Rassemblement pour la Culture et la Démocratie (RCD), membre du Collectif du boycott, sont rassemblés pour crier leur colère contre le 4eme mandat. Lydia et ses amies les regardent à peine. Pas par ignorance ou inconscience politique. Elles n’y croient pas. « Même une marche pacifique, une manifestation, ça ne donne rien du tout », affirme la jeune Kabyle qui travaille dans une banque publique à Bejaïa. « Par contre, je ne voterai pas. » Pour elle, le calcul est simple, il n’y a aucun candidat à la hauteur du poste présidentiel. « Ce sont tous des menteurs » dit-elle. « Et Bouteflika, je ne l’aime pas : il a rien fait pour nous. Peut-être qu’il a fait des bonnes choses pour les Arabes, mais pas pour la Kabylie. Je voterai quand il y aura un président qui écoutera les besoins de son peuple mais ils ne pensent qu’à eux. »