Fil d'Ariane
Bis repetita : pour les petites mains de la confection de sous vêtements féminins des Atelières, autrefois usine Lejaby, cette fois, la fin semble avoir sonné. La décision a été annoncée à la sortie du tribunal de commerce de Lyon par Muriel Pernin, présidente de la coopérative qui emploie une trentaine de salariés, dont des ex-ouvrières de Lejaby qui avaient perdu leur emploi au moment de la restructuration de la marque en 2012.
On a essayé d'inventer ce qui n'existait pas en France, à savoir un modèle de production de la lingerie corsèterie en petites séries
L’aventure avait pourtant enthousiasmé : "les Atelières", société coopérative, créée en partie par les ouvrières licenciées, pour sauver cette unité lyonnaise et ainsi leur emploi, dans une région berceau du textile français, de la prestigieuse marque de lingerie de luxe, 100% fabrication française, représentait une expérience pilote.
Mais l’aventure avait manqué de s’arrêter une première fois et avait frôlé la liquidation, avant de récolter 657.150 euros lors d’une souscription « citoyenne » en mars 2014. Un premier appel aux dons avait permis de rassembler 250.000 euros en 2012 à la création de la société.
Cette levée de fonds propres avait été saluée par Arnaud Montebourg, alors ministre du Redressement productif et Benoît Hamon, ministre de l’Economie sociale. A cette somme, s’était alors ajoutée une ligne de prêts bancaires de 350.000 euros garantis à 70% par la Banque publique d’investissement (BPI) mais la concrétisation de ces emprunts avait trop tardé à venir. De quoi fragiliser un secteur soumis aux aléas internationaux, comme la guerre froide entre l’Union européenne et la Russie, sur fond de crise ukrainienne…
« Nos clients en façonnage ont connu la crise russe [du rouble]. Du coup, nous avons eu des impayés importants, puis de grosses baisses de commandes », avance aujourd'hui Muriel Pernin, la présidente-fondatrice, pour expliquer les difficultés de l'entreprise installée à Villeurbanne dans la banlieue de Lyon.
L'arrivée tardive de la première collection de l'entreprise pour la période de Noël, « qui aurait dû permettre de s'affranchir de la sous-traitance », ainsi que les attentats parisiens de janvier — « peu propices à la consommation » — ont également contribué à cet échec, ajoute-t-elle.
En outre, le premier partenaire des Atelières, la Maison Lejaby, a fait fabriquer seulement 6.500 pièces en 2014 contre 14.000 commandées. "On a été un vaisseau, un navire léger qui a dû faire face à des vents contraires qui étaient quand même très violents", souligne Mme Pernin, "on peut être triste de ne pas avoir pu continuer plus longtemps".
"On a tenté une aventure qui était difficile, on a essayé d'inventer ce qui n'existait pas en France, à savoir un modèle de production de la lingerie corsèterie en petites séries": "il nous aurait fallu un peu plus de temps", a-t-elle jugé.
"C'est très dur de vivre ce genre d'événement", commente de son côté la déléguée du personnel, Amandine Bardy, 24 ans. "Ce qui est dur, c'est qu'il va falloir l'annoncer aux collègues (...) et de savoir qu'il ne nous reste plus que 48 heures pour rester dans cette entreprise, tout en souhaitant que peut-être par miracle il y ait un repreneur qui vienne se manifester... Ce serait bien de sauver ce métier qui est en train de disparaître".
Des démarches ont été engagées pour tenter de trouver un repreneur. Le tribunal a consenti à ce que la coopérative puisse "terminer les commandes enregistrées", quelques-unes ayant été passées dans la nuit, pour tenter in extrémis de sauver l’aventure… Malheureusement sans succès.
A voir en images, trois ans d'espérance...