Fil d'Ariane
Au programme des "Créatives" cette année : colère, rire et force collective vont se déchaîner à travers des représentations et performances artistiques, tables rondes et soirées festives. Terriennes vous fait vivre ce 15e festival pluridisciplinaire, féminin et féministe qui se tient du 12 au 25 novembre 2019 à Genève et au-delà.
Les Créatives ouvrent la 15e édition par un long cri collectif, qui grondera le 12 novembre à midi dans l’enceinte d’Uni-Mail, à l’occasion de la Semaine des Droits Humains.
L’édition 2018 des Créatives a explosé les records de fréquentation : une augmentation de 75 % par rapport aux années précédentes. C'est avec ce clitoris géant et gonflable que "les Créatives" avaient inauguré l'ouverture de leur festival à Genève.
Cette belle progression ne devait rien au hasard, puisqu’il correspondait à la reprise de la direction par Anne-Claire Adet et Dominique Rovini, qui ont pu s’investir à plein temps dans l’organisation de ce festival pluridisciplinaire "féminin et féministe".
La cuvée 2019 s’annonce, elle, encore plus percutante, entre une offre artistique foisonnante, des tables rondes, des projections, des soirées festives et même un concours d’art oratoire. Dans le sillage de la grève du 14 juin, mais aussi d’autres phénomènes tels que les mouvements contre les féminicides, Les Créatives ont érigé "la colère" en mot d’ordre. Ainsi, l’événement sera-t-il introduit par une performance, Le Cri dans le hall du bâtiment Uni Mail à Genève, par Marielle Pinsard et Noémie Griess.
Depuis la grève du 14 juin, on a l’impression que la société est davantage prête à écouter la colère des femmes.
Anne-Claire Adet
"On en a marre de ces minutes de silence qui ne mènent à rien. Le 14 juin, on a occupé bruyamment les rues. On a décidé de ne plus se taire. […] Pour nous, c’est une question de positionnement. Le programme est large, on ne peut pas faire un projet qui s’excuse d’être là. On voulait un mot fort, parce que le projet est fort, résume Anne-Claire Adet. Les codirectrices s’accordent : le festival n’est pas plus politique qu’auparavant, mais dans la suite de la grève, on a l’impression que la société est davantage prête à écouter la colère des femmes".
Cette colère, elle sera questionnée à travers diverses performances et interventions d’artistes et de personnalités locales comme internationales – on notera la présence, entre autres, de Françoise Vergès, Sarah Ahmed, Kate Tempest ou encore Fatoumata Diawara. Grâce à une aide de la ville de Genève, Dominique Rovini et Anne-Claire Adet ont pu financer la venue de figures telles que les Guerilla Girls, un collectif de "justicières" des arts actives depuis les années 1980 à New York.
Ces femmes, visages dissimulés derrière des masques de singe, dénoncent le sexisme et le racisme à l’œuvre dans le monde artistique en placardant des affiches dans les rues. Ce sont elles qui, en 1989, avaient détourné La Grande Odalisque d’Ingres en la coiffant d’une tête de gorille, et avaient demandé : "Faut-il que les femmes soient nues pour entrer au Metropolitan Museum ? Moins de 5 % des artistes de la section d’art moderne sont des femmes, mais 85 % des nus sont féminins."
On affichera aussi leurs revendications sur les murs de la ville, car elles sont actuelles, précise Dominique Rovini, d’autres événements dans le festival questionnent l’autorisation de la colère des femmes. Je pense au spectacle d’ouverture, Viril, avec Cazey, Béatrice Dalle et Virginie Despentes à l’Alhambra, mis en scène par David Bobée, spécialiste des questions de genre. Ils ont fait un montage de textes féministes coups de poing. Ils et elles se demandent si la virilité est une affaire d’homme, ou comment est perçue une femme qui se met en colère ?"
VIRIL • teaser from CDN de Normandie-Rouen on Vimeo.
"On ne voulait pas se limiter à Genève puisque notre projet est artistique mais aussi politique, on se rend compte que, pour changer les choses, cela passe aussi par la Suisse allemande", expriment les codirectrices. Si les incursions en dehors des terres genevoises avaient déjà eu lieu en 2018, cette année, Les Créatives collaboreront dans plusieurs lieux à Lausanne, à Nyon mais aussi à Bâle : l’une des Guerilla Girls donnera une conférence au Kunstmuseum et la chanteuse Aziza Brahim se produira sur la scène de la Kaserne.
"A Nyon, on collabore avec le collectif local de la grève du 14 juin. On aimerait, d’ailleurs, créer un espace dans le festival pour revenir sur cette journée. A Genève, une partie du collectif installera une exposition de photos, des vidéos et d’objets qui rappelleront la grève. Au Théâtre Saint-Gervais, chacune et chacun qui le souhaite sera invité-e à écrire un texte sur 'Le jour où j’ai fait grève' et pourra le lire sur scène, pour poser ces moments d’énergie collective", détaille Dominique Rovini.
Une énergie collective qui transparaîtra jusque dans les verres, puisque le festival a collaboré avec quatre vigneronnes genevoises de l’association des Artisanes de la vigne et du vin pour élaborer une "cuvée Les Créatives". "Cet assemblage, c’est une mise en commun", commente Dominique et Anne-Claire de glisser : "Il est corsé! C’est une belle métaphore…"
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