Ce qui était à l’origine une bande de copines rassemblées pour participer au Tournoi international de Paris organisé par la "Fédération sportive gaie et lesbienne" en 2012 est devenu une association militante dans laquelle le respect et l’entraide sont rois.
Nous avons suivi ces battant-e-s le temps d’un entraînement, le premier de la saison 2016/2017.
Dans le vestiaire numéro 25 du stade Louis Lumière, les filles et les garçons de l’équipe se changent, souriants. Les anciens se présentent aux nouveaux avant de se diriger vers le terrain. Une pluie fine s’abat sur la pelouse synthétique.
Les quelques jeunes hommes qui s’entraînaient jusqu’ici laissent leur place sans rechigner. En longeant la ligne de touche, ils fixent les Degommeuses, curieux et sûrement surpris de voir des femmes la balle aux pieds.
Elles sont de tous âges, de toutes origines, de tous niveaux, et lesbiennes ou trans pour la plupart. En attendant les dernièr-e-s joueur-ses, ils et elles resserrent leurs lacets, font quelques jongles et se passent le ballon. Aucun doute, elles sont ici chez elles.
L'entraînement commence par quelques tours de terrain, pour s’échauffer. « Ah, on court vraiment ? » sort l’une des joueuses, un sourire aux lèvres, pour essayer d’y échapper, sans trop y croire. « On reste groupées » crie Marie, l’entraîneuse, son sifflet autour du cou.
Les Dégommeuses permettent aux réfugié-e-s, essentiellement lesbiennes, de jouer au football sans débourser un centime. Même les frais de transport leur sont remboursés.
Des actions militantes, les Degommeuses en ont déjà réalisé beaucoup, sur des thématiques diverses.
Peu après la création de l’équipe, le 22 juin 2012, elles invitent des footballeuses et militantes lesbiennes sud-africaines à Paris. « Là bas, les viols « correctifs » pour punir et soi-disant guérir les lesbiennes sont monnaie courante » nous raconte Veronica, une Dégommeuse de la première heure. « Nous avons décidé de faire venir le Thokozani football club. Cette équipe porte le nom d’une jeune footballeuse assassinée en 2007, en raison de son orientation sexuelle. ». Les "Dégo" ont ensuite décidé de produire et réaliser deux courts métrages très réussis. Le premier porte sur la rencontre des deux équipes, au Parc des Princes, en présence de Lilian Thuram et le deuxième est un documentaire sur le Thokozani F.C.
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Elles s'engagent également pour soutenir les réfugié-es. Du 3 au 10 juin 2016, elles organisent un Euro solidaire réunissant 12 équipes d'exilé-es lesbiennes, trans et gays. Les Dégommeuses comptaient ainsi sensibiliser le grand public sur les trajectoires et la condition des réfugié-es, en particulier LGBT.
Et puisque « jouer au foot quand on est une femme est déjà un acte militant » comme le rappelle Victoria, et que le sexisme est toujours bien présent dans le monde du ballon rond, elles ont organisé un happening à l'occasion du match PSG-Bastia la saison 2015-2016. En tenue de foot, elles ont interrogé les supporters venus assister à la rencontre avec des questions-piège. « Qui a le plus de sélections en équipe de France ? » demandait Veronica. « On nous répondait Thuram ou Thierry Henry. Alors que c'est Sandrine Soubeyrand ( ancienne milieu de terrain du Juvisy FCF qui compte 198 sélections en équipe de France, ndlr ) ... Elle les devance de plus de 50 sélections.»
Après quelques exercices techniques, Marie forme quatre équipes pour les deux matchs qui clôtureront l’entraînement. Celles qui ne jouent pas s’étirent, en suivant les conseils de la coach, très pédagogue et chez qui on devine une certaine expérience. Les autres rigolent, discutent, font des abdominaux.
C'est une belle équipe, respectueuse de tous et qui a une vraie volonté de faire bouger les choses, que nous avons rencontrée. Pourtant, tout n'est pas encore gagné. Elles sont parfois trente à devoir faire preuve de patience pour s'entraîner sur la moitié de terrain que leur accorde la mairie. Elles sont également parfois les cibles d'attaques sexistes, qui ont déjà pris des formes très violentes. Fin janvier 2015, elles se font insulter par un éducateur sportifs, qui leur lance « Je vais te faire bouffer mes couilles dans ta bouche » ou encore « allez, regardez, on applaudit les lesbiennes » adressé aux enfants qui s'entraînaient. #yaduboulot comme nous disons toujours chez les Terriennes...
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