Les effets de #MoiAussi #MeToo au Québec : 25 millions de dollars débloqués contre les violences sexuelles

En réaction à la déferlante du mouvement #MoiAussi #MeToo cet automne, le gouvernement du Québec vient de débloquer 25 millions de dollars étalés sur trois ans afin de mettre en place un plan d’action pour lutter contre les violences sexuelles. Le tout a été annoncé à la clôture du Forum sur les agressions et le harcèlement sexuels qui s’est tenu à Québec le 14 décembre 2017.
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Un moment important de #MeToo #MoiAussi au Québec, avec le Forum sur les agressions et le harcèlement sexuel le 14 décembre 2017 à Québec, Canada. 
Page Facebook de Lucie Charlebois, Ministre déléguée à la Réadaptation, à la Protection de la jeunesse, à la Santé publique et aux Saines habitudes de vie du Québec
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Le plan d’action du gouvernement québécois s’articule autour de plusieurs axes : soutien financier aux organismes qui viennent en aide aux victimes, mise en place d’une structure dans le milieu culturel pour que les victimes puissent porter plainte en toute confidentialité, réintroduction dans les écoles des cours d’éducation sexuelle et meilleure formation des policiers.

« Les agressions et le harcèlement sexuels sont inacceptables. C’était important pour moi d’être là avec les collègues du gouvernement pour indiquer à toute notre société l’importance qu’on a accord à l’enjeu » a déclaré le premier ministre Couillard lors de la clôture du Forum.

17 millions pour soutenir les organismes qui aident les victimes de violences sexuelles

Les deux-tiers de ces 25 millions vont aller aux organismes qui viennent en aide aux victimes d’agressions sexuelles et qui en ont grandement besoin car sous-financés depuis trop longtemps. Ces organismes communautaires ont été débordés par les demandes d’aide au cours des dernières semaines. L’argent injecté permettra par exemple d’embaucher plus de personnel pour répondre aux demandes. Ces 17 millions sont certes les bienvenus, mais le regroupement qui représente 26 de ces organisations estime que c’est insuffisant et que le gouvernement n’a pas mesuré l’ampleur de leurs besoins.

Le retour des cours d'éducation sexuelle dans les écoles du Québec 

La principale mesure contenue dans ce plan d’action est de réintroduire des cours d’éducation sexuelle dans les écoles primaire et secondaire du Québec. Trois millions de dollars seront ainsi consacrés à la formation d’enseignants et de personnel pour assurer ces cours qui varieront de cinq à quinze heures d’enseignement selon le niveau scolaire et qui seront obligatoires à partir de septembre prochain.

Si le Conseil du statut de la Femme et la Fédération des comités de parents accueillent favorablement cette annonce, elle suscite beaucoup plus de scepticisme et d’inquiétude au sein des syndicats d’enseignants. Ils se demandent QUI va devoir enseigner ces cours ? Et si cela ne va pas alourdir la tâche d’enseignants déjà débordés. Le ministre de l’éducation Sébastien Proulx a tenu à les rassurer : « Ce sont certaines personnes qui vont être formées. Je sais que ces questions sont délicates, mais on a des réponses de société à donner à un enjeu ».

Un guichet unique destiné aux victimes du milieu culturel 

Les affaires Éric Salvail et Gilbert Rozon et d’autres scandales touchant des personnalités artistiques ont ébranlé les colonnes du temple du milieu culturel québécois. Comme il s’agit d’un domaine où visiblement cette problématique de harcèlement et d’agression sexuels est criante, le plan gouvernemental prévoit la mise en place d’un guichet unique où les artistes et techniciens victimes de ces pratiques pourront porter plainte en toute confidentialité. Une mesure qui satisfait le milieu : une trentaine d’organismes qui œuvrent dans le secteur culturel ont déjà signé une déclaration dans laquelle on prône la tolérance zéro pour toute forme de harcèlement.     

Des policiers mieux formés 

Souvent, les victimes d’agressions sexuelles qui portent plaintes disent qu’elles n’ont pas reçu l’écoute et l’attention nécessaire de la part des policiers qui recevaient leurs plaintes. Le gouvernement entend remédier au problème en offrant une meilleure formation aux policiers qui doivent recevoir et traiter ce genre de plaintes. Un processus va aussi être mis en place pour revoir les dossiers d’agression sexuelle.

25 000 dossiers d'agressions sexuelles classés seront révisés 

A ce sujet, la Gendarmerie Royale du Canada vient d’annoncer la révision de quelque 25 000 dossiers d’agressions sexuelles qui avaient dans un premier temps été jugés sans fondement et qui remontent jusqu’à 2015. En février dernier, le quotidien torontois The Globe and Mail avait fait une enquête qui révélait qu’une plainte pour agression sexuelle sur cinq était classée par les policiers comme non fondée.

Certains policiers ont montré un manque de sensibilité face aux effets des traumatismes que les victimes ont subis

Les autorités policières ont donc par la suite révisé 2225 dossiers datant de 2016. Et ont réalisé que la moitié de ces plaintes auraient mérité une enquête plus poussée, qu’il y avait eu de nombreuses incohérences et problèmes dans la tenue d’enquêtes et leur supervision. « Les réviseurs ont noté que certains policiers présentaient comme malhonnêtes des incohérences dans les déclarations des victimes, ce qui montrait un manque de sensibilité face aux effets des traumatismes qu’elles ont subis et à leur habilité à raconter les événements » précise le rapport du comité qui a procédé à ces révisions.

En entrevue à la radio de Radio-Canada, la sergente Marie Damian a reconnu qu’il y avait eu un « gros manquement » et que la GRC va « réparer ces manquements par la formation auprès de ces agents ». C’est la plus grosse opération de révision d’enquêtes criminelles jamais menée par le corps policier canadien et elle sera menée d’Ottawa par une équipe spéciale.

La GRC n’est pas la seule à rouvrir des enquêtes. La Sûreté du Québec, la police de la province québécoise, va emboiter le pas en 2018 et le service de police de Montréal a déjà commencé. Voilà donc un autre impact majeur du mouvement  #MoiAussi #MeToo au Canada.