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Qu’elles ne soient pas mariées, veuves, divorcées ou séparées, elles deviennent une force politique avec laquelle les candidats à la Maison-Blanche doivent compter. En 2012, elles représentaient 23% de l’électorat et ont dopé la participation dans tous les groupes ethniques. La même année, elles ont largement voté pour Barack Obama (67%) contre 31% pour son rival Mitt Romney. En comparaison, les femmes mariées ont préféré Romney.
Dans un article lumineux sur le sujet paru dans le New York Magazine, Rebecca Traister est catégorique: « La croissance de la population des femmes non mariées et issues de toutes les classes sociales marque une rupture sociale et politique aussi profonde que l’invention de la contraception, la révolution sexuelle, l’abolition de l’esclavage et la lutte pour les droits des femmes, des droits civiques et des homosexuels. » Pour la première fois dans son histoire, l’Amérique compte, depuis 2009, moins de femmes mariées que célibataires. Les Américaines âgées aujourd’hui entre 18 et 29 ans ne voient plus dans le mariage une institution incontournable voire même désirable. Seuls 20% d’entre elles sont mariées. Dans cette même tranche de la population, elles étaient 60% à l’être en 1960.
La croissance de la population des femmes non mariées marque une rupture sociale et politique aussi profonde que l’invention de la contraception…
Rebecca Traister
Les jeunes Américaines tiennent aujourd’hui plus que jamais à leur indépendance. Elles ne veulent pas être contraintes de faire à manger le soir, de rentrer du travail à une heure fixe ou de s’occuper d’enfants. En raison de leur choix de vie, elles ne bénéficient pas de l’aide institutionnelle au même titre que les couples mariés en matière d’impôts, d’aide sociale ou de logement. Politiquement, elles penchent clairement à gauche. Elles tendent à préférer en ce sens le sénateur Bernie Sanders, plus idéaliste. Pour la journaliste Rebecca Traister, les motivations des femmes célibataires sont étroitement liées à leur carrière et à la rémunération.
Selon un rapport intitulé « The Knot Yet Report », une jeune universitaire qui repousse son mariage au-delà de trente ans gagnera 18 000 dollars de plus qu’une femme ayant la même formation qui décide de se marier dans sa vingtaine. Une femme mariée mettra plus de temps à décrocher un poste de professeur à l’université qu’une femme célibataire alors que pour un homme, c’est l’inverse. Enfin, une femme mariée est plus disposée à sacrifier sa carrière au profit de celle de son mari malgré une formation équivalente.
Les femmes célibataires formulent des demandes aux politiques qui répondent à leurs besoins: salaire égal pour travail égal, hausse du salaire minimum sachant que 46% des mères célibataires qui travaillent en bénéficieraient, frais universitaires réduits, assurance maladie accessible et accès facilité à l’avortement. En 2016, si elles tendent à préférer Bernie Sanders, elles soutiendront Hillary Clinton si c’est elle qui décroche l’investiture. Elles voteront d’autant plus démocrate qu’avec la mort du juge ultra-conservateur Antonin Scalia, de nombreuses questions auxquelles elles sont sensibles doivent être tranchées par la Cour suprême. En préférant un président démocrate, elles ont plus de chance d’avoir une Haute Cour plus progressiste.
La journaliste du New York Magazine ne s’étonne pas du non-ralliement automatique des femmes célibataires derrière Hillary Clinton. Celles-ci défendent en premier lieu leur condition. Elles n’appartiennent pas à un mouvement consciemment créé pour faire la révolution. Elles ne « cherchent pas un héraut du féminisme ». Ce qu’il y a d’ironique, relève-t-elle, c’est qu’Hillary Clinton, qui s’est battu une bonne partie de sa vie pour les femmes, paie elle-même le prix du mariage traditionnel et des politiques menées par son mari Bill alors qu’elle n’était pas une élue, mais une épouse. A contrario, Bernie Sanders n’a payé aucun prix pour avoir lui aussi voté pour un durcissement de la loi contre la criminalité en 1994 qui a eu un impact considérable sur la famille.
Article paru dans le Temps, le 03 mars 2016, reproduit ici dans le cadre d'un partenariat avec information.tv5monde.com
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