Les femmes percent-elles vraiment à la tête des grands groupes ?

Trois ans après l'adoption en France de la loi Rixain sur les quotas, les femmes sont de plus en nombreuses dans les directions des grandes entreprises, selon une étude de l'observatoire Skema de la féminisation des entreprises.

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Euronext à la Défense, le 10 janvier 2017. 

AP Photo/Kamil Zihnioglu
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En 2024, 28% des postes des instances dirigeantes des entreprises du CAC 40 étaient occupées par des femmes, soit 2 points de plus en un an. Cette augmentation de la mixité apparaît comme un effet direct de la loi Rixain, qui va bientôt imposer des quotas de femmes aux postes de direction des entreprises de plus de mille salariés : 30% en mars 2026 et 40% en mars 2029. 

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Une loi pionnière

"Cette loi n'a pas d'équivalent dans les pays occidentaux", relève Michel Ferrary, chercheur affilié à l'école de commerce Skema et directeur de l'observatoire. Les entreprises s'y préparent : en trois ans seulement, depuis la promulgation de la loi Rixain, en 2021, la proportion de femmes dans les comités exécutifs ou les comités de direction des entreprises du CAC 40 a gagné plus de 8 points de pourcentage. 

Il faut regarder dans le détail si les femmes nommées occupent des postes aussi importants que les hommes. Michel Ferrary

Pour ce faire, les entreprises n'ont pas nécessairement remplacé un homme par une femme. "Elles rajoutent plutôt une chaise autour de la table", explique Michel Ferrary. Pour preuve, le nombre de postes dans les instances dirigeantes des entreprises du CAC 40 a augmenté de 15 en 2024, ceux occupés par les femmes de 16, et ceux par les hommes n'a reculé que de 1. 

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"Il faut regarder dans le détail si les femmes nommées occupent des postes aussi importants que les hommes; une directrice de la communication ou de la RSE, ce n'est pas pareil que directeur financier," estime Michel Ferrary.

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Diversité de genre et rentabilité

En 2022, Michel Ferrary et son collègue Stéphane Déo avaient épluché les données de 159 entreprises cotées et scruté leurs résultats selon le degré de mixité de leur management intermédiaire. Des travaux qui avaient permis de "confirmer des relations statistiquement significatives entre la diversité de genre au niveau du management intermédiaire et des employés, et la rentabilité". 

Ils suggéraient que la marge nette et l'Ebitda (le résultat brut d'exploitation, l'indicateur de rentabilité principal des entreprises) grimpaient lorsque le taux de femmes approche des 50%, et retombent au-delà. A l'inverse, une mixité faible - trop d'hommes et peu de femmes, ou l'inverse - pèse sur la rentabilité, toutes choses égales par ailleurs.

Féminisation et bonne gestion

Pour l'édition 2025 du rapport de son observatoire, Michel Ferrary s'est, cette fois-ci, intéressé au lien entre féminisation des entreprises et bonne gestion de leur responsabilité sociétale et environnementale (RSE), en s'appuyant sur un indicateur mesuré par le cabinet Morningstar Sustainalytics.

Est-ce qu'avoir plus de femmes dans une entreprise améliore la responsabilité environnementale ou les femmes sont-elles attirées par les entreprises responsables d'un point de vue environnemental ? Michel Ferrary

Il a constaté que plus les instances dirigeantes d'une entreprise étaient féminisées, meilleure était la gestion du risque sur les questions environnementales, sociales, sociétales et de gouvernance. Sans pouvoir cette fois établir avec certitude un lien de causalité : "est-ce qu'avoir plus de femmes dans une entreprise améliore la responsabilité environnementale, ou est-ce que les femmes sont plutôt attirées par les entreprises responsables d'un point de vue environnemental ?", s'interroge Michel Ferrary.

Le Medef "s'arrache les cheveux"

En janvier 2025, le patron du Medef Patrick Martin s'inquiétait de l'échéance des premiers quotas de la loi Rixain. "Nous ne serons pas prêts, se désolait-il. Il y a des métiers qui sont genrés. Dans mon entreprise (dans le bâtiment et l'industrie) je m'arrache les cheveux pour féminiser mon comité de direction".

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Un précédent existe, celui de la loi Copé-Zimmerman, qui instaurait en 2011 des quotas dans les organes de contrôle, comme les conseils d'administration, très largement respectés aujourd'hui. "Autant dans un conseil d'administration, il y a des mandats : vous nommez une femme à la place d'un homme, ce n'est pas dramatique", estimait Patrick Martin.

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"Dans l'entreprise, c'est un peu différent : quand vous avez un homme qui n'a pas démérité dans un comité de direction, et qu'on 'le sort' parce qu'il faut féminiser l'instance, c'est autrement plus sensible", ajoutait-il.

Revirement étatsunien

Michel Ferrary dit constater depuis l'élection de Donald Trump aux Etats-Unis, "un revirement des entreprises" sur la mixité. "Certaines, comme Accenture, McDonald's, ou Walmart sont en train de remettre en cause leur politique de diversité... Mais d'autres, comme JP Morgan refusent de revenir dessus, car elles estiment que c'est un facteur de performance", note-t-il.

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