Les Indiennes veulent plus que des promesses électorales

Elles représentent 49% de l'électorat en Inde, alors elles ont lancé le « Pouvoir 49 » pour se faire entendre des candidats aux élections législatives, dont les résultats seront connus à compter de ce vendredi 16 mai 2014, au terme d'un marathon électoral de cinq semaines. Reste à savoir si les élu-e-s honoreront les engagements pris. 
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Les Indiennes veulent plus que des promesses électorales
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Ils ont tout promis : la sécurité, surtout après l'émotion mondiale suscitée par le viol collectif d'une jeune femme à Delhi, en décembre 2012, l'égalité des droits, évidemment, mais aussi un meilleur accès à l'éducation, une plus grande représentation en politique nationale comme régionale, et même des emplois dans la hi-tech... Les candidats - dans leur immense majorité, des hommes - n'ont pas lésiné pour se concilier les faveurs des femmes à l'occasion des élections législatives indiennes, dont les résultats, après un scrutin échelonné sur cinq semaines, devraient commencer à être connus ce vendredi 16 mai 2014. C'est vrai qu'elles représentent 49% de l'électorat - 49% et non pas 50%, d'ailleurs. Les maltraitances, meurtres et avortements de bébé filles font que le ratio est de 940 filles pour 1000 garçons en Inde, le plus faible au monde....

Reste que ces 49% ont du poids, d'autant que les femmes sont de plus en plus nombreuses à aller voter, alors que le nombre d'hommes qui va aux urnes est resté étale ces dernières années. C'est donc avec ce mouvement de fond en tête que certaines militantes ont lancé le « Pouvoir des 49 », un manifeste visant à détailler leurs demandes auprès des candidats, pour aller au delà des vagues promesses de campagne. Des demandes qui vont d'un engagement, de la part de tous les partis politiques, pour une tolérance zéro vis-à-vis de la violence domestique et la pratique de la dote à un accroissement du nombre de femmes dans la police, en passant par un budget spécifique pour construire des toilettes pour les femmes, éclairer les rues et doter les transports publics de GPS, sans oublier un soutien médical et psychologique aux victimes de violences, ainsi que des crèches, des politiques en faveur du congé maternité ou encore des incitations (sous forme de comptes d'épargne et de transports gratuits) pour l'éducation scolaire des filles, et enfin, un programme de sensibilisation des garçons dans les écoles.

Priorités électorales, promesses tenues ?

Le « womanifeste » (le manifeste des femmes), comme on l'a appelé, du « Pouvoir des 49 » sera-t-il mis en pratique par le parti, sans doute le très conservateur BJP, qui obtiendra la majorité à l'issue du scrutin ? Les femmes l'espèrent, mais observent que par le passé, des budgets, pour promouvoir les droits ou la sécurité des femmes, avaient bien été votés, mais jamais exécutés... Selon les sondages, en tout cas, plus de 90% des électeurs considèrent que la lutte contre les violences faites aux femmes devrait être, juste après la lutte contre la corruption, une priorité en Inde. Et, toujours selon les études d'opinion, 75% des quelque 815 millions d'électeurs estiment que jusqu'à présent, les politiques en faveur de l'égalité des femmes n'ont pas atteint leur but. Améliorer le sort des femmes, et leur participation à la vie de la société, est pourtant vital.

Une croissance à deux vitesses, selon les sexes

Il en va en effet de l'avenir, en particulier économique, du pays. De fait, si les Chinoises sont 70% à travailler, la participation des Indiennes au marché de l'emploi n'est que de 24%. Pour certains, cette différence explique en partie le fossé de croissance entre les deux pays : 7,4% en Chine contre 4,8% en Inde, en 2013. De plus, sous la pression des familles et des traditions, la moitié des Indiennes qui travaillent abandonnent leur emploi avant de réellement faire carrière. Résultat, le nombre de femmes à des postes managériaux n'est que de 5% en Inde, contre une moyenne mondiale de l'ordre de 20%. Enfin, selon le rapport du Forum économique mondial sur le fossé entre hommes et femmes en matière de pouvoir économique et politique, l'Inde se situe au 105ème rang sur 135 pays observés, derrière le Belize, le Cambodge et le Burkina Faso. Et encore, le pays gagne des points en politique grâce à quelques femmes seulement, telle Sonia Gandhi, présidente du National Congress Party (et dont le fils Rahul est candidat aux législatives). Si l'on élimine la donnée politique, l'Inde tombe à la 123ème place. Autant dire que le prochain premier ministre et son équipe auront de quoi travailler. S'ils le veulent réellement....

Lysiane J.Baudu

Lysiane J.Baudu
Ancienne grand reporter à La Tribune, Lysiane J. Baudu a rencontré, pendant ses 20 ans de journalisme international, des femmes du monde entier. 
 
Ces "rencontres" feront l'objet de billets, qui lui permettront de faire partager ses impressions, ses analyses, son ressenti au contact de ces femmes, dont l'action professionnelle fait sens pour toutes les autres, de même que pour la société.