Rana Dirani, 32 ans, fait partie de ces citoyennes de seconde zone. La jeune professeure d’arabe est à la tête d’un des lieux prisés des étrangers à Beyrouth, le Saifi Institute. Elle l’a créé avec son mari américain il y a maintenant cinq ans. Parents de deux fils de 3 ans et 5 mois, le couple doit payer 50 dollars tous les trois ans pour faire renouveler les papiers des enfants. "Peut-être qu’un jour on me refusera ces papiers, qui sait. Et quoi, ils déporteront mes enfants ? C’est n’importe quoi !" s’énerve Rana.
Quand elle rencontre son futur mari, Rana ne se doute pas des difficultés qui l’attendent : "J’avais entendu parler de cette discrimination mais je n’y avais pas prêté attention. Aujourd’hui, j’ai cette désagréable impression d’avoir fait une erreur. Je me sens complètement rejetée et maltraitée. C’est comme si j’avais commis un crime d’avoir des enfants."
Il y a quelques mois, la famille doit partir aux Etats-Unis pour Noël. Arrivée à l’aéroport, Rana se rend compte qu’elle a oublié de faire le visa pour son bébé. "Ils m’ont interdit de prendre l’avion. Malheureusement, j’ai dû avoir recours à une 'wasta' (un piston, ndlr) pour pouvoir prendre un avion le lendemain," raconte-t-elle.
Rana, dont la sœur est dans le même cas car mariée à un Palestinien, n’a aucun espoir envers le gouvernement : "Nos dirigeants n’ont aucune conscience. Ils ne pensent pas aux mères. Ils sont le cancer de ce pays." Partir, Rana y a pensé mais tout la retient : "Ici j’ai ma famille, mon entreprise. Tout le monde compte sur moi. Mais si je n’avais pas cela, j’aurais quitté le Liban. Notre gouvernement coupe peu à peu les liens d’attachement que nous avons pour notre pays."