Les manifestantes chiliennes dans la ligne de mire de la police

Les médias ont dénoncé à foison les abus sexuels dont étaient et sont toujours victimes les manifestantes en Egypte . Mais qui sait qu’il se passe la même chose au Chili ? Les manifestations étudiantes contre la réforme de l’éducation, qui ont commencé voilà juste un an, à l’automne 2011, reprennent de plus belle au Chili. Outre l’intransigeance du gouvernement, les étudiants dénoncent des abus policiers à caractère sexuel.  Des pratiques qui rappellent les jours sombres de la dictature chilienne des années 70/80.
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Les manifestantes chiliennes dans la ligne de mire de la police
Manifestation étudiante en août 2012, photo prise par l'observatoire des Droits de l’homme
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Les méthodes violentes des carabineros, la police chilienne, sont bien connues. Ils sont accusés de réprimer par la force les manifestations en utilisant à outrance le  gaz lacrymogène et de canons à eau.  Même les enfants qui se retrouvent dans les cortèges en sont victimes. Mais ce que l’opinion publique ignorait, c’est que les étudiantes sont victimes d’abus sexuels. Il a suffit que des manifestants, équipés de téléphones portables, filment des scènes de violence lors des manifestations de la dernière semaine d’août, pour que le Chili s’en rende compte. Des associations féministes dénoncent les méthodes plus que douteuses des forces de l’ordre, jadis si respectées. Quelques chaînes de télévision commencent à relayer l’affaire. Mais pour l’instant, cet aspect de la violence policière a rencontré mois d’écho. Les arrestations de mineurs et la brutalité policière monopolisent l’attention des Chiliens. Eloísa Gonsalez, la principale représentante du syndicat lycéen qui a réactivé la contestation ce mois d’août, a été victime de ces violences. En tant que porte-parole d’un mouvement d’envergure, elle n’a pas hésité à accuser la police devant les caméras. Les étudiantes  qui ne bénéficient pas de cette notoriété osent plus rarement parler.

Les abus contre les manifestantes dénoncés par Eloisa Gonsalez (en espagnol)

« Rentre à la maison t’occuper des enfants » Lidice Cruz, membre d’un Observatoire des droits humains, s’improvise la porte-parole des victimes : « Les filles se font toucher l’entre-jambe, peloter les seins, on les force à enlever leurs habits, elles se font insulter. ‘Rentre à la maison t’occuper des enfants’, lancent certains policiers. Les femmes qui subissent ces violences sont toutes jeunes, elles ont peur d’être persécutées par les carabineros si jamais elles les dénoncent. Alors que la répression violente des manifestations est du domaine public, ce phénomène est à peine en train d’être connu ». L’observatoire auquel Lidice  appartient est tout récent. Tout comme d’autres organismes qui ont récemment été créés pour dénoncer les agissements des forces spéciales. Les parents se mobilisent Aux plaintes des étudiants, des associations féministes et des associations de défense des droits de l’homme se sont ajoutées celles des parents et des familles. Ils en ont assez de voir rentrer leurs enfants un œil au beurre noir. « Depuis que certains médias ont commencé à parler de cette situation, les parents ont commencé à manifester. Je crains qu’ils ne soient pas entendus. Après tout, cela fait un an que les étudiants protestent contre  la privatisation de l’éducation et le gouvernement fait seulement que semblant de négocier », confirme Lidice Cruz,  coiffeuse de profession qui travaille dans un salon de beauté à Santiago, la capitale du Chili. Le gouvernement veut sauver la face « Le gouvernement ne va tolérer ni les excès ni les abus policiers », avait pourtant déclaré le président Sebastian Piñera , mercredi 29 août 2012.  Pour sauver la face, quatre policiers ont effectivement été sanctionnés après que des mineures aient été dénudées et menottées dans un commissariat. Mais le chef d’Etat n’a pas encore condamné les violences sexuelles. Malgré le pessimisme de Lidice Cruz, les étudiants ont une arme redoutable : la crédibilité. Ce sont eux qui avaient manifesté les premiers contre la dictature d’Augusto Pinochet qui fut à la tête de l’Etat de 1974 à 1990. Aujourd’hui, ce sont eux qui se soulèvent contre la politique d’éducation de l’actuel président. La plupart des chiliens font bloc derrière leurs étudiants, huit sur dix, selon un récent sondage (source ?). Le mécontentement général devrait peser sur les prochaines élections municipales qui se tiendront en octobre prochain. Compétitivité à prix d’or Comme au Québec , le gouvernement chilien souhaite augmenter les frais universitaires de scolarité et encourager la privatisation au nom de la compétitivité. Etudiants, comme enseignants, s’opposent depuis un an à cette vision de la société : seuls les plus fortunés pourraient avoir accès à une éducation de qualité. Ils souhaitent une éducation gratuite à la hauteur de leurs attentes. La réforme proposée par le gouvernement ne fait qu’accélérer un processus de privatisation déjà très affirmé  dans le pays. Le mouvement, qui a fait connaître Camila Vallejo figure de proue du mouvement étudiant, s’était quelque peu essoufflé pendant la première partie de l’année 2012. Mais l’automne venu dans l’hémisphère sud, la contestation a pris un nouvel élan quand le gouvernement a affirmé que les manifestants n’étaient qu’une minorité. Pour lui prouver le contraire, les divers syndicats étudiants ont organisé une série de manifestation pendant tout le mois d’août. Environ 150.000 personnes ont envahi les rues de Santiago, le 29 août dernier. C’est la plus grande mobilisation depuis le début du mouvement. Forts de ce succès, les étudiants n’ont pas dit leur dernier mot. Licide Cruz en est convaincue : « Même si ces jeunes femmes savent ce qui les attend, en se faisant conduire dans un commissariat par exemple, les étudiantes continueront de battre le pavé. Elles sont très courageuses. Ce n’est pas la police qui va leur faire renoncer à leurs principes. Elles ne vont pas laisser se reproduire que ce qu’on a vécu pendant la dictature ! ».
Les manifestantes chiliennes dans la ligne de mire de la police
Manifestation étudiante en août 2012, photo prise par l'observatoire des Droits de l’homme