Les mannequins transgenres, à la mode ?

Pour la première fois, une mannequin transgenre, Valentina Sampaio, fait la Une de la version française du célèbre magazine de mode Vogue, en kiosque le 23 février 2017. Ailleurs dans le monde, d'autres initiatives du genre voient le jour. Au-delà du glamour, la cause est-elle en marche ?
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Valentina Sampaio
Le magazine Vogue Paris consacre pour la première fois en France sa couverture à un mannequin transgenre, Valentina Sampaio
© Capture d'écran valentts/Twitter
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Décidément, Donald Trump ne déçoit jamais dès qu'il s'agit du calendrier. Voici qu'à peine deux mois après son investiture, il ne trouve rien de plus urgent que de relancer la "guerre des toilettes", un dossier de la plus haute importance. Dans un communiqué date du 22 fevrier 2017, le président américain annonce que son administration ne suivra plus les recommandations de son prédécesseur d’appliquer le principe de non-discrimination dans l’enseignement prévu par la loi, afin de permettre aux personnes transgenres d’accéder aux toilettes du sexe auquel ils ou elles s’identifient et non à celui de leur naissance. Une décision vivement critiquée par la communauté LGBT (Lesbiennes, gays, bisexuels et transgenres).

Pouvait-il ignorer que que le lendemain, le 23 février, Valentina Sampaio, mannequin brésilienne de 22 ans et transgenre, allait-être en couverture du nouveau numéro de Vogue Paris ? Et cela alors qu'il prétend défendre les intérêts de sa fille chérie Ivanka, qui s'est lancée dans la mode et dont les affaires sont pour l'heure quelque peu incertaines. Nul doute que ce téléscopage lui vaudra d'être encore plus boudée par le gratin de la mode transatlantique, qui ne manque pas de saluer cette première à la Une du prestigieux magazine du luxe. 
 
« Rien ne la différencie de Gisele, Daria, Edie ou Anna (mannequins célèbres). A un détail près. Valentina, la femme fatale, est née garçon », souligne Emmanuelle Alt, rédactrice en chef du magazine.

Des exemples similaires sont apparus dans d'autres médias ces dernières années. En juin 2015, Bruce Jenner, ancien athlète de décathlon américain devenu femme, était en couverture de Vanity Fair et appelait le monde à dorénavant l'appeler « Caitlyn Jenner ».

Fin 2016, c'est le magazine américain National Geographic qui dédiait son premier numéro de l'année à la « Révolution du genre », avec en Une, Avery Jackson, une jeune fille américaine transgenre de 9 ans. 
 
Sur les réseaux sociaux, les réactions d'internautes se sont comptées par milliers, soit pour exprimer leur soutient :
 
"Merci beaucoup d'explorer le monde du genre. Nous avons un long chemin à parcourir avant que les gens puissent le comprendre, mais je garde encore espoir"

Ou leur indignation :
"J'annule mon abonnement. Honte à vous"
 

Une visibilité encore trop réduite

 
Mannequin transgenre
Anjali Lama, mannequin transgenre, affiche les créations du créateur Soumodeep Dutta lors de la Fashion Week en Inde, mercredi 1er février 2017 © AP Photo/Rafiq Maqbool

Il y a moins d'un an, en mai 2016, le site américain The Fashion Spot dénonçait cependant l'absence de mannequins transgenres dans les campagnes modes de la saison automnale. "Ce qui constitue une vraie régression. Lors des défilés annonciateurs de l'automne 2016, huit mannequins transgenres avaient défilé de Paris à New York en passant par Londres, lors des différentes Fashion Week", constatait le Huffington Post Québec.

Pour la nouvelle saison, du 1er au 5 février dernier, le premier mannequin transgenre a fait son apparition sur les podiums de la Fashion week de Bombay, en Inde. Anjali Lama, née homme au Népal, a été rejetée par sa famille il y a 12 ans, lorsqu'elle a décidé de vivre sa vie de femme. Vingt-ans plus tard, Anjali Lama, désormais mondialement connue, espère pouvoir faire changer le regard portée sur ces femmes dans cette région du monde.

Ne pas se limiter au glamour et s'intéresser aux combats des personnes trans pour faire avancer leurs droits
Lucas Armati, co-président de l'association des journalistes lesbiens, gays, bi et trans

La Une du nouveau Vogue Paris a réjoui les associations de défense des droits des transgenres qui ont salué cette première visibilité en France. Elles appellent pour autant les médias « à  ne pas se limiter au glamour et à s'intéresser aux combats des personnes trans pour faire avancer leurs droits », souligne Lucas Armati, co-président de l'association des journalistes lesbiens, gays, bi et trans (LGBT). Quand la brésilienne Valentino Sampaio affirmait au magazine Glamour Globo en 2015 « ne s'être jamais sentie discriminée », Avery Jackson confiait à National Geographic  : « la meilleure chose qui soit dans le fait d’être une fille est que, maintenant, je n’ai plus besoin de prétendre que je suis un garçon. »

Un combat que semble vouloir désormais mené Vogue Paris. « Valentina est l'étendard glam d'une cause en marche », écrit dans son éditorial la rédactrice en chef. Avant d'ajouter, « le jour où une transsexuelle posera en Une d’un magazine et qu’il ne sera enfin plus nécessaire d’écrire un édito sur le sujet, on saura que la bataille est gagnée. »